Cerner les stratégies de la partie adverse
La première des stratégies de la défense est le déni partiel ou total.
Dans les dossiers avec des victimes collectives, les agresseurs plaident souvent la théorie du complot ; le complot professionnel, politique, …
Ce déni peut-être alimenté par la mémoire traumatique de la victime ou la minimisation des faits par la victime qui a voulu oublier. La mémoire traumatique est en contradiction avec les exigences de la justice, d’un récit précis, structuré. Les conduites à risques, l’alcool, les drogues, les médicaments alimentent encore l’amnésie traumatique.
La mémoire traumatique doit être expliquée aux policiers et aux magistrats qui reprochent aux victimes de ne pas bien raconter les faits vécus, leurs imprécisions, leurs hésitations.
En l’absence de mémoire traumatique, certaines victimes minimisent l’agression pour oublier et racontent les faits avec détachement et partiellement.
L’avocat de la défense peut s’en emparer pour contester la crédibilité de la victime. On entend dans les prétoires « ce n’est pas crédible », « elle réécrit l’histoire et l’aggrave a posteriori », « elle dit une chose et son contraire ». Il s’attaque au récit de la victime.
L’inversion de culpabilité fait partie de la ligne de défense.
Les victimes sont souvent accablées par l’avocat de la défense : « elles sont prêtes à tout pour réussir », « pour avoir un rôle », « elle avait bu, elle ne se souvient pas, mais elle m’a allumé toute la soirée », …
L’agresseur peut même se victimiser : « les policiers m’ont poussé à bout », « elle veut se venger », …
L’autre stratégie récurrente pour l’agresseur est d’invoquer le consentement de la victime ou plutôt « un malentendu » : l’agresseur n’aurait pas compris qu’elle ne voulait pas.
Comment contrecarrer ces stratégies ?
S’agissant d’un contentieux transdisciplinaire, le premier des outils de l’avocat de victime est la connaissance pluridisciplinaire. Les violences sexuelles sont au croisement de plusieurs droits : le droit pénal, la victimologie, le droit du dommage corporel, et de la psychologie.
Dans ce contentieux transdisciplinaire, l’avocat a besoin de connaissances autres que juridiques, notamment sur le psycho traumatisme. Il doit travailler en réseau avec associations et psychologues/psychiatres pour un soutien psychologique de la cliente et aussi, la faire assister durant les expertises par un médecin conseil compétent.
Le rôle de l’avocat de la partie civile est connu comme étant réduit dans le cadre d’une procédure pénale puisqu’il agit en marge du procureur qui poursuit au nom de la société.
La quête première de la femme victime de violences est la reconnaissance judiciaire de son statut de victime et de la culpabilité de son agresseur. C’est le sens premier du procès pénal. La société doit dire les faits et dire le droit.
La première étape est d’aider la victime à retracer le récit des violences en la valorisant (au contraire de son agresseur qui l’a dévalorisée) ; être dans une empathie active. Le récit est vraiment important car la moindre incohérence ou confusion est relevée par l’avocat de la défense pour mettre en doute la crédibilité de la victime.
Un argumentaire sur l’absence de motif de fausse dénonciation, et même les conséquences négatives pour elle de sa plainte (représailles professionnelles ou politiques, par exemple), peut être utile, la plaignante étant suspectée de ne pas être une « vraie victime ». Démontrer qu’elle n’a rien à gagner à affabuler.
La recherche et l’organisation des éléments de preuves dans un parcours de vie est active : répertorier les témoins, les confidents, retrouver des indices (documents médicaux, une chute scolaire, un carnet intime…)…
Les éléments de preuve sont multiples : certificats médicaux, prélèvements, vêtements rassemblés dans un sac, témoignages (proches, associations, juristes, psychologues…) sur des changements ou des propos rapportés à l’époque des faits, le parcours médical de la victime, l’existence d’autres victimes, la confrontation, des photos, des vidéos, …
La victime, qui souffre de stress post traumatique, présente souvent des conduites d’évitement (hyper vigilance, hyper contrôle) ou des conduites dissociantes pour chercher à provoquer une forme d’anesthésie (alcool, drogues, médicaments,... situations de mise en danger). Ces comportements peuvent se retrouver dans le parcours médical de la victime et étayer les faits.
L’expertise psychiatrique de la victime permet aussi de dire si les violences sont compatibles avec une agression sexuelle et de décrire le psycho traumatisme que l’on a tout intérêt à détailler.
On peut faire citer des témoins de moralité ou « non moralité », des victimes (même si les faits sont prescrits), des associations contactées par la victime au moment des faits…
L’action collective, menée par plusieurs victimes, renforce l’action judiciaire, notamment dans les milieux de pouvoir (artistiques, politiques, religieux…).
La notion de contrainte (physique ou morale) est souvent la clé des violences sexuelles : rechercher pourquoi il y a eu passage à l’acte alors qu’elle n’était pas consentante ? Quelle circonstance l’a contrainte ? Pourquoi s’est-elle sentie obligée de céder ? Stratégie de séduction avec pression ? Dette morale ? Contrainte professionnelle, économique, morale, d’âge, ou économique ?
Depuis la loi du 8 février 2010, la contrainte morale peut résulter de la différence d’âge entre la victime et l’agresseur et de l’autorité de droit ou de fait.
Recentrer sur la stratégie de l’agresseur alors que l’attention est souvent portée sur la victime.
Les audiences doivent être préparées avec le client, surtout les confrontations.
La plaidoirie de l’avocat de la partie civile est délicate puisqu’il doit exprimer toutes les doléances et la souffrance de la victime, sans empiéter sur le réquisitoire du parquet qui vient après.
Si l’on connait les mécanismes du psycho traumatisme enseignés par Muriel Salmona, on peut développer sur la sidération, le mode opératoire de l’agresseur, les éléments constitutifs de l’emprise/contrainte, violences, surprise, menaces et aborder les préjudices subis toujours à la lumière du psycho traumatisme. Réexpliquer pourquoi la victime n’est pas partie, pourquoi elle n’a pas déposé plainte, l’inversion de la culpabilité instaurée par l’agresseur, ...