Kafala judiciaire : reconnaissance de plein droit.

Par Sonia Ben Mansour, Avocat.

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Explorer : # kafala # exequatur # reconnaissance judiciaire # droit international privé

La kafala judiciaire est en principe reconnue de plein droit sur le territoire français. Cependant, l’administration peut exiger l’exequatur. Dès lors, il convient de se demander si l’exequatur du jugement de kafala est nécessaire.
L’étude du cas d’espèce démontre que l’administration peut reconnaître de plein droit la kafala judiciaire en tenant compte de la circulaire du 22 octobre 2014 relative aux effets juridiques du recueil légal en France.

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Une cliente est venue me consulter dans le but d’engager devant le tribunal compétent une procédure d’exequatur d’une kafala judiciaire prononcée en Algérie.

Les faits étaient les suivants : Madame Y. a recueilli un enfant mineur sous le système de la kafala en Algérie. Madame Y. et l’enfant mineur résident en France. L’enfant est scolarisée à l’école maternelle. Suite à une demande de dérogation de secteur scolaire, Madame Y. devait remplir un dossier relatif à sa demande de dérogation.
Un document lui a été remis précisant que «  tout jugement étranger (jugement de délégation, kafala) confiant l’autorité parentale à un tiers devra être traduit et faire l’objet d’un exequatur de la part du tribunal. A défaut d’avoir obtenu en temps utile une décision d’exequatur, notamment en cas d’obligation scolaire, la personne venant inscrire l’enfant en mairie devrait justifier de l’engagement d’une procédure devant ce tribunal et transmettre au service compétent copie de la décision une fois la procédure achevée  ».

Ainsi, il lui fallait obtenir l’exequatur du jugement de kafala ou engager une procédure en ce sens. A défaut, elle ne pouvait pas finaliser son dossier relatif à sa demande de dérogation dans le délai imparti par l’administration.

Est-ce que la procédure d’exequatur du jugement de kafala est nécessaire ?

L’exequatur est une procédure rendant exécutoire sur le territoire français une décision judiciaire rendue à l’étranger ou une sentence arbitrale.
L’adoption étant interdite en droit musulman, la kafala est une mesure d’accueil légal d’un enfant mineur (makfûl) par une famille (kafil) prenant l’engagement de prendre en charge son entretien, son éducation et sa protection. Cette mesure concerne les enfants mineurs dont la filiation est connue et ceux dont la filiation est inconnue. La kafala ne crée aucun lien de filiation.

La kafala judiciaire est en principe reconnue de plein droit sur le territoire français. En effet, la circulaire du 22 octobre 2014 relative aux effets juridiques du recueil légal en France [1] rappelle que :
« La décision judiciaire de recueil légal est, comme toute décision relative à l’état des personnes, reconnue de plein droit sur le territoire français, sans formalité particulière, dès lors que sa régularité internationale n’est pas contestée. La convention franco-marocaine d’aide mutuelle judiciaire, d’exequatur des jugements et d’extradition du 5 octobre 1957 et la convention franco-algérienne relative à l’exequatur et à l’extradition du 27 août 1964 énoncent que pour avoir de plein droit l’autorité de la chose jugée en France, les décisions contentieuses ou gracieuses rendues par une juridiction siégeant au Maroc ou en Algérie doivent réunir les conditions de compétence internationale de la juridiction, de régularité de la citation ou de la comparution des parties, du caractère exécutoire de la décision et de l’absence de contrariété de celle-ci à l’ordre public français ou à une décision rendue en France. Il n’est donc en principe pas nécessaire de solliciter l’exequatur de la décision judiciaire prononçant le recueil légal  ».

Cette reconnaissance de plein droit concerne la kafala judiciaire et non la kalafa notariale (acte dressé par des notaires).

Dans le cas d’espèce, Madame Y. a fait valoir cette circulaire auprès du service concerné et a pu produire son jugement de kafala sans engager de procédure d’exequatur devant le tribunal compétent. La pratique des administrations étant disparate, il est important de rappeler que le principe est la reconnaissance de plein droit de la décision judiciaire prononçant la kafala en Algérie ou au Maroc.

Malheureusement, comme le rappelle Messaouda Gacem, avocat «  il n’est pas rare que les administrations ignorant cette institution exigent cette exequatur… » [2].
C’est la raison pour laquelle il peut être parfois utile de faire valoir cette circulaire auprès du service concerné.

Sonia Ben Mansour
Avocat à la Cour
Doctorante à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne

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Notes de l'article:

[1Circulaire du 22 octobre 2014 relative aux effets juridiques du recueil légal en France NOR : JUSC1416688C

[2Voir l’article de l’auteur sur le Village de la Justice

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Discussions en cours :

  • Dernière réponse : 26 juillet 2020 à 08:33
    par berrehou francoise benevole a APAERK , Le 13 avril 2016 à 19:17

    bonjour maître,
    si ce n était que pour l exequatur qu il fallait se battre.
    on commence par l’obtention du dcem.
    des préfectures ne veulent rien entendre ni comprendre exemple dans le Gard. même en apportant les textes et les circulaires.c est un non catégorique.
    le tribunal d instance qui refuse de prendre les dossiers pour la demande de la nationalité française et disent de prendre un avocat.
    le conseil général qui ne veux pas faire d enquete sociale exemple dans l’ Hérault
    la caf qui nous dit recueil nous ne connaissons pas exemple Strasbourg
    CHAQUE DEPARTEMENT APPLIQUE OU PAS LA LOI A SA GUISE.
    j ai du me battre 2 ans pour que la greffière en chef enlève une demande de document qui n existait pas,car madame la greffière ne voulais que j adopte cet enfant.je vois pas en quoi cela la regardait.
    il y vraiment qu une seule chose faire c est demander un conseil de famille au t.g.i.pour avoir une tutelle française.c est gratuit sans avocat .

    • par toufik , Le 23 septembre 2019 à 14:50

      Bonjour, je suis heureuses de découvrir cet article , j’espère trouver quelques réponses à mes questions, je suis complétement perdue je sais pas a quelle porte frapper, bref je compte faire une demande de la kafala au Maroc je connu déjà le bébé , sa maman qui est tombée enceinte de lui suite à un viole veut me le confier car elle n a pas les capacités pour l élever toute seule et moi j peux pas avoir des enfants donc j aimerais bien le prendre en charge et commencer le démarches , je voulais savoir si la demande de l agrément est elle obligatoire en France ou on peut faire la demande directement au Maroc ou bien est t il possible de lancer les 2 démarches au même temps c a d en France et au Maroc / je vous remercie de bien vouloir me répondre .
      ps, je suis en couple et toutes les conditions nécessaires pour la KAFALA sont réunies donc y a pas de problème sur ce sujet.

    • par Minou , Le 26 juillet 2020 à 08:33

      Bjr maître,
      J’ai fait une kafala au Maroc en 2016, ma fille est avec moi ici en France depuis décembre 2918, j’ai fait une demande de l’ASF, premier fois en m’a dit que l’enfant n’a de résidence ici, sachant que la petite est scolarisé , l’agent a répondu c’est la loi française, une deuxième fois c’était un rdv téléphonique, la personne m’a dit que j’ai aucun droit, par ce que la France ne reconnaît pas la kafala . Pouvez m’aidez ou me dire comment faire
      Merci

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