Pour un agent immobilier contacté pour la mise en vente d’un bien par un éventuel vendeur, l’adrénaline de la nouvelle affaire ou du mandat à contracter ne doit pas lui faire oublier les informations préalables à l’établissement du mandat à recueillir et l’analyse juridique indispensable à la conclusion du contrat d’intermédiaire en immobilier.
Avant la rédaction du mandat, l’agent doit obtenir les informations nécessaires à la rédaction du mandat.
Le préliminaire est naturellement de vérifier l’identité du mandant par la production d’une pièce d’identité du prospect, sans la production de laquelle l’agent peut être victime d’une usurpation d’identité.
Pour le bien à commercialiser, le premier document à consulter est naturellement, le titre de propriété.
Il donnera la première des indications utiles : l’identité du propriétaire titré et sera indispensable à l’agent immobilier pour la vérification de l’identité de son client potentiel.
Mais, cette information n’est pas suffisante.
L’approche du professionnel sera donc à envisager selon que le propriétaire est une personne physique ou une personne morale.
1° Une personne physique.
S’il y a un seul propriétaire à l’acte qui est l’interlocuteur de l’agent, la détermination du propriétaire ne semble pas poser de difficulté, la problématique étant différente s’il y a plusieurs propriétaires personnes physiques, ou si le prospect de l’agent immobilier n’est pas le propriétaire du bien au titre de propriété.
Depuis l’acquisition, différents événements ont pu intervenir qui ont modifié l’identité du propriétaire.
Un décès qui fait que des héritiers ont des droits sur l’immeuble, que l’agent immobilier ne peut naturellement qu’analyser.
Les pièces à étudier ou se faire remettre sont :
un éventuel certificat de notoriété ou d’hérédité,
une attestation immobilière après décès.
Ces documents ne sont établis par le notaire que lorsque la succession est réglée ou du moins avancée, en pratique, lorsque le conjoint survivant a levé son option successorale en fonction du choix qu’il a opéré.
Si le conjoint survivant et les enfants décident de vendre avant de régler la succession, il n’existe aucun acte établissant la qualité d’héritier.
Le seul document que peut solliciter l’agent immobilier établissant une filiation (et encore de façon incomplète) est le livret de famille.
Or, la multiplication des familles recomposées fait que sans attestation immobilière après décès, la question des propriétaires reste dangereuse pour l’agent immobilier, lors de la prise du mandat.
Il ne pourra que se contenter des déclarations de son mandant d’où la précaution à prendre de se faire remettre la liste des héritiers, adresse et date de naissance, soit dans un document manuscrit soit par écrit par mail, afin de conserver la preuve que le mandat a été établi sur la base des déclarations du mandant.
En effet il faut rappeler, que tout mandat affecté de nullité prive l’agent immobilier de tout droit à rémunération, aussi si un héritier est dissimulé à l’agent immobilier et si celui-ci peut prouver que sa vigilance a été trompée, il pourra solliciter des dommages intérêts à défaut d’honoraires.
Le deuxième événement important qui peut impacter la qualité de propriétaire est celle d’un divorce.
La première question à se poser celle du domicile conjugal.
L’immeuble dont la vente est envisagée, était-il le domicile conjugal ou non ?
Il ne faut pas se contenter de l’évidence, ce n’est pas parce qu’un époux ne réside plus physiquement au domicile que celui-ci n’est plus le domicile conjugal.
En effet, pour le domicile conjugal, quel que soit le propriétaire, il faut l’accord des deux époux pour prendre la décision de vendre, aussi l’agent immobilier devra prendre la précaution de faire signer les deux époux, dès qu’il aura un doute sur cette qualité de l’immeuble.
Si ce n’est plus le domicile conjugal, l’accord de l’époux seul propriétaire est suffisant.
Si l’immeuble est commun, il faut l’accord des deux époux.
Pour connaître avec certitude le régime matrimonial d’un époux, seule la copie intégrale de son acte de naissance peut établir sa situation matrimoniale, un éventuel contrat de mariage étant mentionné …mais pas le régime adopté. En pratique, aucun agent immobilier n’osera solliciter un tel acte pour rédiger un mandat. Tout au plus se contentera-t-il du livret de famille sur lequel figure l’existence d’un contrat de mariage éventuel, mais ce document n’est peut-être pas à jour dans l’hypothèse d’un changement de régime matrimonial.
C’est pourquoi là encore obtenir un document manuscrit du mandant qui renseigne avec précision, son régime matrimonial et sa situation de famille ne peut qu’être bénéfique et démontrer la faute éventuelle du mandant dans l’établissement du mandat, ce qui légitimerait en cas de contentieux, une action en dommages intérêts, puisque l’agent immobilier ne pourra pas obtenir de rémunération sur la base d’un mandat affecté de nullité.
Ce ne sera que lorsqu’il sera en possession de la bonne information, que l’agent immobilier pourra préparer un mandat avec une détermination dénuée d’ambiguïté pour le (ou les) mandant.
Globalement, il faut rappeler les différents régimes matrimoniaux et leurs conséquences quant à la désignation du mandant :
Pour le régime de communauté légale c’est-à-dire des époux mariés sans contrat et pour un immeuble acheté pendant le mariage, la signature des deux époux au mandat est requise ;
Pour un immeuble acheté avant le mariage, sous réserve de l’application du régime du domicile conjugal, seul l’époux propriétaire doit donner mandat. Il en est de même pour un immeuble dont l’un des époux a hérité ou reçu en donation ;
Pour des époux séparés de biens ou sous le régime participatif, la signature du propriétaire suffit et si l’immeuble est indivis, les deux signatures sont requises ;
Pour des époux en communauté universelle, les deux époux doivent signer le mandat ;
Pour des propriétaires pacsés, si l’immeuble est indivis pas de difficulté, les deux propriétaires doivent donner mandat.
Si un seul des partenaires est propriétaire, il peut donner seul mandat, même si son conjoint vit dans l’immeuble, il n’y a pas la protection du domicile conjugal.
La détermination du propriétaire incombe à l’agent immobilier avant la régularisation du mandat, celui-ci doit donc analyser la situation patrimoniale de son mandant avant l’établissement du contrat dont seule une rédaction exempte de vice lui permet d’obtenir des honoraires.
En pratique, on constate que les agents immobiliers font souvent régulariser les deux époux dès qu’il y a mariage, ce qui leur procure une sécurité supplémentaire car si un époux a signé inutilement, il n’y a pas de conséquence, alors qu’un défaut de signature affecte de validité le mandat.
2° Une personne morale.
« L’identité » d’une personne morale n’est pas constituée seulement par l’extrait K bis qui donne des indications quant au gérant, et au siège social de la personne morale mais ne précise ni les pouvoirs du gérant, ni l’identité des associés.
Il est indispensable pour vérifier cette qualité que l’agent immobilier consulte les statuts de la société, que ce soit une société civile immobilière (SCI), société commerciale (Sarl, SAS, etc..), ou un groupement agricole (GAEC, EARL, etc.…).
La consultation des statuts est un préalable incontournable à la régularisation d’un mandat de vente pour le compte d’une personne morale dans la mesure ou ce sont ces statuts qui vont déterminer les pouvoirs du gérant, ceux de l’assemblée générale et la majorité nécessaire pour la mise en vente d’un bien.
Lorsque l’unanimité des associés est requise, l’agent avant de rédiger son mandat devra prendre la précaution de vérifier que la délibération est bien prise à l’unanimité des associés et non de seuls présents à l’assemblée.
Il lui faudra donc obtenir une délibération autorisant la mise en vente. Celle-ci devra contenir l’identification claire et déterminée du bien à céder et impérativement un prix de cession.
Il y aura là un conflit d’intérêts potentiels entre l’agent immobilier et le gérant de la personne morale qui ne voudra pas forcément que l’agent immobilier connaisse le prix plancher auquel les associés se sont entendus pour consentir à la cession.
Cette question peut poser de graves difficultés, si ultérieurement une offre est acceptée pour un montant inférieur à celui de la délibération.
Tout associé pourrait remettre en cause la validité de la transaction au motif que le gérant a accepté une offre inférieure à la décision collective des associés et a outrepassé ses pouvoirs.
En pratique, si une offre inférieure est susceptible d’être acceptée, il faudra une nouvelle délibération pour accepter l’offre inférieure à la délibération antérieure.
Là encore, la délibération devra être prise et remise à l’agent immobilier avant l’acceptation de l’offre.
Dès lors, l’attention de l’agent immobilier doit être attiré sur le formalisme propre aux personnes morales.
Une erreur d’appréciation quant aux pouvoirs de la personne se présentant comme le gérant de la personne morale fait que si une transaction est intervenue sans que le mandant régularise dans le mandat et le pouvoir d’établir un tel acte fait que l’agent immobilier perdra son droit à toute rémunération.
Il ne pourra se contenter d’indiquer qu’il a été trompé pour obtenir des dommages-intérêts, le juge pouvant parfaitement considérer que la négligence de l’agent immobilier est l’élément déterminant de la situation et qu’en conséquence, ce manquement le prive de toute action à la fois en rémunération, mais également en indemnisation.
Or l’absence de délibération antérieure au mandat est un vice qui ne peut être couvert, aussi, l’agent immobilier doit appliquer un critère simple : pas de mandat pour une personne morale, sans délibération antérieure annexée au mandat.
En pratique s’agissant souvent de sociétés familiales (avec un formalisme souvent allégé), pour lesquelles il existe un risque de dissensions familiales, l’agent immobilier devra être prudent et s’assurer de l’accord de tous les associés.
Il ne devra pas accepter et régulariser le mandat sans la décision collective des associés.
Enfin, Il existe une construction juridique hybride qui n’est ni personne morale, ni personne physique : l’indivision.
L’agent immobilier la rencontre surtout en matière de succession, mais elle est également la règle lorsque des concubins ont acheté un immeuble sans PACS, ni convention.
Au niveau du mandat, pas de difficulté : l’ensemble des indivisaires doit régulariser le mandat.
En pratique, certains agents immobiliers, lorsqu’il y a un éloignement d’un indivisaire ou des difficultés avec celui-ci mentionnent au mandat des clauses de porte fort, voire établissent des procurations.
Ces pratiques sont à bannir. Si l’agent immobilier proposait un bien à la vente et obtenait une proposition au prix du mandat, sans qu’aucune promesse de vente ou compromis ne puisse intervenir ultérieurement, il engagerait sa responsabilité à l’égard de l’acquéreur évincé qui reprocherait à l’agent immobilier d’avoir été négligent lors de l’établissement du mandat.
C’est pourquoi, la signature de l’ensemble des indivisaires au mandat est une condition incontournable.
Il en est de même pour les indivisions successorales qui comporte une particularité puisque la propriété a été démembrée suite au décès de l’un des propriétaires du bien commercialisé, ses héritiers et le conjoint survivant étant demeurés dans l’indivision.
Au niveau du mandat, la signature de tous les nu-propriétaire est naturellement obligatoire, mais plus encore la signature de l’usufruitier est indispensable.
En effet, l’immeuble qui dépend d’une indivision successorale est a priori incessible sans l’accord exprès de l’usufruitier.
C’est donc en priorité cet accord qu’il faut recueillir avant de régulariser le mandat.
En conclusion, pour établir un mandat, quel que soit la qualité juridique de son mandat, l’agent immobilier doit réaliser un petit audit juridique afin de déterminer les droits, du ou des mandants sur l’immeuble, et faire régulariser son mandat par le ou les personnes titulaires de droits sur le bien à commercialiser, le moindre vice privant l’agent immobilier de toute rémunération.