Un sujet proposé par la Rédaction du Village de la Justice

Adaptations juridictionnelles au contentieux commercial international.

Par Johnny Anibaldi, Juriste.

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Explorer : # contentieux commercial international # compétences techniques des juges # confidentialité des débats # formation continue des juges

Ce que vous allez lire ici :

Les adaptations juridictionnelles au contentieux commercial international font l'objet d'un bilan réalisé par le Haut Comité Juridique de la Place Financière de Paris. Ce bilan met en évidence les spécificités du rôle du juge de la chambre internationale, notamment ses compétences techniques en anglais juridique et sa formation continue.
Description rédigée par l'IA du Village

Cette publication vise à fournir une note de synthèse du bilan du fonctionnement des chambres internationales du Tribunal de commerce et de la Cour d’appel de Paris établi par le Haut Comité Juridique de la Place Financière de Paris en date du 30 mars 2023.

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Le bilan du fonctionnement des chambres internationales du Tribunal de commerce et de la Cour d’appel de Paris (ci-après le « bilan ») a été rédigé par le Haut Comité Juridique de la Place Financière de Paris (ci-après le « HCJP ») le 30 mars 2023 et fait suite à un rapport du 2 mai 2017 comportant des préconisations permettant la mise en place à Paris de chambres spécialisées pour le traitement du contentieux international des affaires. Fort de cet historique, le bilan propose un état des lieux du fonctionnement des chambres commerciales du tribunal de commerce et de la Cour d’appel de Paris tout en préconisant certaines réformes ou évolutions en raison de spécificités liées aux affaires portées devant elles. Il s’agit ici d’envisager deux thématiques majeures de ce bilan, à savoir : d’une part, l’office du juge de la chambre internationale (I) et, d’autre part, les spécificités procédurales des affaires portées à la chambre internationale (II).

I - L’office du juge de la chambre internationale.

Aux yeux du bilan, les spécificités de l’office du juge de la chambre internationale du Tribunal de Commerce ou de la Cour d’appel de Paris se retrouvent à deux niveaux : d’une part, en ce qu’il doit maîtriser des compétences techniques (A) et, d’autre part, en ce qu’il est censé disposer d’un soutien à la fois structurel et ponctuel (B).

A) Des compétences techniques.

Les compétences techniques permettent l’attractivité des chambres internationales, raison pour laquelle les juges de la chambre internationale se doivent de maîtriser l’anglais juridique (1) et bénéficient d’une formation continue sur des thèmes techniques (2).

1) La maîtrise de l’anglais juridique (§ 29).

Le premier champ de compétences du juge concerne le droit international privé, plus précisément en termes de détermination et d’application de la loi étrangère. De même, les magistrats siégeant au sein de la chambre commerciale doivent maîtriser l’anglais juridique. Il est effectivement question d’un choix en ce que les juges des chambres internationales sont nommés à l’image des juges consulaires. Il n’est donc pas seulement question de à comprendre et analyser des documents rédigés en anglais pour ces magistrats, de maîtriser des concepts juridiques, mais bien d’appréhender sous l’angle du droit comparé les affaires pendantes devant la chambre internationale. L’élément psychologique, comme le relève le bilan, est d’autant plus saillant que si les parties à un litige doutent de la compétence des juges, chargés de connaître leur affaire, la réputation de la place de Paris n’en sera que moins reluisante, ce qui est à éviter dans un contexte de concurrence des juridictions internationales.

2) Une formation continue annuelle (§ 30).

Face à la complexité des enjeux, les juges se doivent d’être constamment actualisés en leurs compétences et connaissances techniques, raison pour laquelle ils bénéficient d’une formation continue sur une base annuelle. L’intérêt porté à la formation continue des juges se comprend d’autant mieux qu’elle permet d’asseoir la réputation des chambres internationales parisiennes sur la base de connaissances toujours actualisées. Autrement dit, la formation continue des magistrats concourt à assurer l’attractivité des juridictions commerciales de Paris en tant que pôle attractif en termes de résolution de litiges commerciaux internationaux. La formation des juges va donc de pair avec la réputation, à l’international, des juges internationaux de Paris. Il est évident que cette formation continue portera aussi bien sur l’actualité jurisprudentielle nationale qu’internationale : la réputation de la place de Paris passera nécessairement par la capacité des juges à comprendre les contentieux qui leur seront soumis à la lumière du contexte juridique international mais aussi économique ou encore géopolitique. Le juge doit donc être en mesure de ne pas traiter le contentieux du seul point de vue du droit, comme il le ferait pour un dossier à caractère national, mais bien dans un contexte plus grand, ce qui fera certainement partie de la formation continue des juges.

B) Un soutien structurel et ponctuel.

D’après le bilan, le juge doit être soutenu de deux façons : via la possibilité de demander l’assistance de magistrats experts en leur domaine (1) et par la mise en place de ressources humaines particulières (2).

1) Le recours à des magistrats experts.

Bien que le juge consulaire dispose de connaissances techniques et linguistiques, il peut connaître des difficultés dans un dossier particulier. C’est pour cette raison que « la chambre internationale du tribunal de commerce sollicite parfois des juges siégeant dans d’autres chambres afin qu’ils siègent dans la chambre internationale pour l’examen d’une affaire donnée » (paragraphe n° 36). Le recours à des magistrats experts n’est donc pas seulement informel : le magistrat appelé à l’aide peut prendre part au traitement du dossier en ce qu’il participe à l’examen de l’affaire donnée.

2) La mise en place d’une équipe dédiée.

Le soutien apporté aux juges consulaires ne passe pas seulement par le recours à un « panel » mais par la présence d’une équipe dédiée à l’assistance des juges. Le bilan préconise en effet que face au développement de l’activité des chambres internationales soient mises en place des « équipes spécialisées qui apporteraient un concours approprié aux magistrats ». Concrètement, « cela supposerait de recruter plus d’assistants de justice et stagiaires en droit international des affaires, maîtrisant l’anglais juridique » (paragraphe n° 43). En parallèle de ces services, le bilan remarque que « la chambre internationale du tribunal de commerce et de la cour d’appel disposent chacune d’une greffière affectée » (paragraphe n° 46). Au vu de l’activité des chambres, il s’agit de « ressources satisfaisantes » (paragraphe n° 47). Le bilan recommande donc que les juges consulaires soient assistés principalement de juristes en devenir et formés aux dernières actualités du droit commercial des affaires en vue, toujours dans le même esprit, d’être en mesure de comprendre et traiter les problématiques posées aux chambres commerciales.

Parallèlement aux spécificités de l’office du juge, il incombe désormais d’envisager les spécificités propre à la procédure devant la chambre internationale du Tribunal de commerce ou de la Cour d’appel de Paris.

II- Les spécificités procédurales de la chambre internationale.

Parmi les spécificités procédurales, se distinguent deux traits saillants tenant aux modalités de saisine de la chambre (A) puis aux particularités propres au caractère international des affaires traitées (B).

A) La saisine de la chambre.

Le bilan met en lumière deux éléments à propos de la saisine de la chambre : son automatisation (2) et son conditionnement à l’acquittement d’un droit de timbre (1).

1) Le paiement d’un droit de saisine (§ 60).

Corrélativement à ce qui a été dit en termes de soutien aux juges consulaires, le bilan envisage aussi la possibilité de mettre en place l’acquittement d’une somme dont la valeur reste à déterminer. La première spécificité de cette modalité est qu’elle doit être prévue par la loi. En effet, il s’agirait alors d’une exception à l’article L111-2 du Code de l’organisation judiciaire consacrant la gratuité des actes de justice rendue par les juridictions. La question de la conformité d’une telle mesure à la Constitution étant susceptible d’être posée, le bilan prend soin de préciser que la constitutionnalité d’une telle mesure a été reconnue par le Conseil constitutionnel dans une affaire à propos de deux droits de timbre de trente-cinq et cent cinquante euros. Le Conseil constitutionnel a rajouté que, pour être constitutionnel, le droit de timbre doit être conforme aux principes d’égalité devant les charges publiques et ne doit pas représenter un obstacle à l’accès au juge. Pour ce faire, le droit de timbre doit être adapté aux capacités contributives des parties et ne doit pas viser une dépense en particulier comme le financement des ressources des chambres internationales du Tribunal de commerce et de la Cour d’appel de Paris. Par ailleurs, ces règles ne s’opposent pas une modulation de la somme selon les années, d’autant que le bilan souligne que l’absence de lien entre la somme acquittée et les ressources des chambres puisque l’hypothèse d’un faible nombre de saisines serait alors synonyme de maigres ressources pour ces mêmes chambres. Le paiement d’un droit de saisine poursuit donc une double finalité : d’une part, faire en sorte que les parties s’acquittent d’un droit de voir leur litige tranché par les chambres commerciales et, d’autre part, que la soumission du litige à leur connaissance s’accompagne d’une participation au budget de l’État qui, indirectement, permettra d’allouer davantage de ressources aux chambres internationales.

2) La saisine automatique de la chambre commerciale de la Cour d’appel de Paris.

La question de la saisine automatique de la Cour d’appel de Paris s’inscrit dans la logique du respect du principe de double juridiction. Le risque est qu’une décision rendue par la chambre commerciale du tribunal de commerce soit portée, en appel, devant une autre juridiction. C’est pour cela que le bilan propose une saisine automatique de la chambre commerciale de la Cour d’appel de Paris dès lors que l’affaire a été portée devant celle du tribunal de commerce. Le greffe disposerait toujours de la possibilité, par une mesure d’organisation judiciaire, de porter le différend à une autre chambre. En réalité, plutôt qu’une saisine automatique, il est davantage question d’une vocation de principe d’une affaire jugée par la chambre commerciale du Tribunal de commerce de Paris à être traitée par la chambre commerciale de la Cour d’appel de Paris, l’exception étant à la discrétion du greffe de la cour d’appel susceptible de diriger, par mesure d’organisation judiciaire, l’affaire vers une autre chambre de la cour d’appel. Cette question du double degré de juridiction serait d’ailleurs à étendre aux sentences arbitrales qui pourraient, elles aussi, être traitées en appel devant cette même chambre commerciale. En effet, le bilan préconise que la chambre commerciale de la Cour d’appel de Paris soit compétente pour les recours en annulation contre les sentences arbitrales. L’idée est donc de consacrer la chambre commerciale de la cour d’appel comme l’instance susceptible de revoir un jugement commercial international ou une sentence arbitrale. En d’autres termes, la chambre commerciale de la cour d’appel est vouée, d’après le bilan, à devenir la référence en matière d’appel contre des décisions rendues en matière de droit commercial international.

B) Deux enjeux propres au caractère international des affaires.

À l’aune des singularités des affaires portées devant la chambre commerciale, le bilan préconise des aménagements législatifs et réglementaires à deux niveaux : en ce qui concerne l’administration de la preuve (1) et la confidentialité des débats et des informations divulguées (2).

1) La preuve.

Les parties à un contrat commercial international sont désireuses de ne pas voir certaines informations divulguées au grand public. Forte de cette considération, la chambre commerciale du tribunal y répond par l’invocation régulière du secret des affaires sur la base de l’article L153-1 du Code de commerce. Cette question de la publicité des informations, y compris les éléments de preuve, rejoint une autre problématique : celle de la communication des éléments de preuve au cours d’une procédure face à une chambre commerciale. En d’autres termes, il est loisible de penser qu’une partie à un litige refuserait la transmission d’informations la concernant au motif, là aussi, du secret des affaires. En vue de fournir une réponse, le bilan suggère d’ouvrir une procédure similaire à celles des Redfern Schedules, à savoir le recours à des tableaux présentant les pièces demandées à la partie adverse, laquelle peut refuser en invoquant soit l’inexistence du document soit un impératif justificatif.. En somme, le bilan propose de donner la possibilité aux parties de demander un élément de preuve en justifiant de son intérêt sous réserve du contrôle du magistrat responsable de l’instruction de l’affaire ou encore de sa mise en état, lesquels peuvent opposer leur refus à une demande de documents.

2) La confidentialité.

La question de la confidentialité se pose à deux niveaux dans le fonctionnement des chambres commerciales : d’une part, en ce qui concerne les débats ; d’autre part, à propos de la publicité des décisions. Dans une optique comparative avec l’arbitrage international, le bilan retient que l’un des intérêts de cette procédure consiste en un haut degré de confidentialité dont il serait sage de s’inspirer : au-delà de la seule question des moyens de preuve et du secret des affaires, c’est toute la confidentialité des débats qu’il s’agirait de préserver. Par contre, cette sauvegarde de la confidentialité obéit à une condition : que le litige soit de nature à être traité par un tribunal arbitral, il doit s’agir d’une matière susceptible d’être portée devant un tribunal arbitral conformément à l’article 2059 du Code civil. Les conséquences d’un dossier susceptible d’être porté à la connaissance d’un tribunal arbitral sont elles-mêmes envisagées par le bilan : dans la mesure où un litige est susceptible d’être porté à la connaissance d’un tribunal arbitral, il y a lieu de retrouver la confidentialité de la procédure. Or, cette confidentialité n’est pas automatique : elle devra être expressément envisagée dans la clause attributive de juridiction ou formulée par les parties aux premières étapes du litige. Si la confidentialité est demandée, alors l’affaire sera portée devant la chambre du conseil. Il faut donc que la matière soit arbitrable mais aussi que les parties au litige aient expressément formulé la demande à la chambre commerciale que l’affaire soit traitée dans la plus grande confidentialité, donc en chambre du conseil. Le principe demeure donc celui de la publicité des débats, l’exception étant le passage en chambre du conseil.

L’autre volet de la question de la confidentialité concerne la publicité des décisions rendues par les chambres commerciales. Il y a là une contradiction entre les objets poursuivis : d’une part, la promotion des chambres commerciales passe par la publicité de la jurisprudence en français et en anglais et, d’autre part, l’anonymisation des décisions. Cet équilibre entre des intérêts divergents est, là aussi, envisagée dans une optique comparative avec l’arbitrage international : le bilan suggère que le principe de la publicité des décisions consacrée à l’article L111-13 du Code de l’organisation judiciaire fasse éventuellement l’objet de quelques aménagements. Or, une autre difficulté surgit : celle du recoupage d’informations permettant d’identifier les parties à l’affaire : certaines affaires pouvant être rapportées par les médias, quiconque pourra recouper des informations trouvées notamment sur Internet pour déterminer qui sont les parties au litige. L’anonymisation des décisions n’apparaît donc pas comme une solution viable puisqu’il n’est pas possible de se résoudre à ne pas publier de décisions de justice. En somme, l’influence de l’arbitrage international sur le fonctionnement des chambres internationales du Tribunal de commerce et de la Cour d’appel de Paris se voit fortement influencé par l’arbitrage international. Cette influence soulève un conflit normatif avec les principes généraux de l’organisation judiciaire, de la mise en balance de la nécessaire confidentialité des échanges d’ »information entre les parties et in fine dans les minutes de la décision et de l’exigence de publicité propres à assurer la sécurité juridique et le droit à un procès équitable. La question reste ouverte.

Johnny Anibaldi
Juriste et formateur en droit

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