La vérification de comptabilité constitue la procédure de contrôle fiscal la plus connue dans la mesure où elle est utilisée le plus souvent par les Inspecteurs des Impôts.
Ce contrôle prévu aux articles L. 13 et suivants du Livre des procédures fiscales s’applique à l’égard des contribuables soumis à des obligations comptables qui exercent une activité professionnelle commerciale, industrielle, libérale, artisanale, agricole …
Cette procédure concerne indifféremment les personnes physiques, exploitants individuels ou non, les personnes morales (sociétés, associations …), quelles que soient la nature et la taille de l’entreprise. C’est ainsi qu’un Inspecteur des Impôts, "Vérificateur", formé spécialement pour cette mission de contrôle fiscal, est appelé à entreprendre une vérification de comptabilité aussi bien d’une entreprise familiale, commerciale ou artisanale, d’un modeste médecin généraliste de province, d’une banque, d’une clinique "prestigieuse" ou pas, d’une compagnie d’assurances ou d’une multinationale, en passant par des "grandes surfaces", des entreprises du bâtiment, des bijoutiers, parfumeurs, antiquaires, bars-tabacs, restaurants, magasins de prêt à porter, des agences immobilières, des cabinets d’avocats, d’astrologie, d’architectes, etc …
En règle générale, le choix par le fisc du dossier "à vérifier" ne relève, évidemment, aucunement du hasard …
Sans que ces exemples soient exhaustifs, les motifs les plus "banals" qui reviennent très souvent se rapportent à des anomalies apparentes constatées dans les déclarations de résultats (disproportion des chiffres d’affaires d’une année sur l’autre, charges a priori excessives, recettes minorées par rapport aux informations parvenues au Service des Impôts…). Ils résultent aussi tout naturellement de négligences commises au regard des obligations déclaratives (dépôt tardif des déclarations, voire absence chronique de celles-ci malgré des mises en demeure …).
Mais il peut arriver que la vérification de comptabilité soit déclenchée simplement en application de programmes décidés au plus haut niveau de la Direction générale des Finances publiques, en vue de cibler tel ou tel secteur d’activité, "sous-vérifié" en termes statistiques ou, réputé déclarer des résultats trop modestes par rapport aux profits censés être réalisés.
Une fois choisie, sous peine de nullité de la procédure, l’entreprise est obligatoirement avisée par un avis de vérification (imprimé n°3927) auquel est joint un fascicule, appelé "la charte des droits et obligations du contribuable vérifié".
Ce document est à conserver précieusement tout au long du contrôle, même dans l’éventualité où la procédure est encadrée par un Expert-comptable et (ou) un Avocat fiscaliste.
Les Inspecteurs des Impôts adressent l’avis de vérification à peu près 2 semaines avant la date prévue pour leur première intervention.
Cet avis précise notamment que l’entreprise peut se faire assister d’un Conseil de son choix, ainsi que la période exacte visée par le contrôle, soit les années et (ou) exercices comptables non prescrits, au titre desquels les échéances sont intervenues pour le dépôt des déclarations.
Exemples avec des exercices clos au 31/12 :
. Si l’entreprise reçoit l’avis de vérification en Mars 2010 :
Les opérations de contrôle ne porteront que sur les années et (ou) exercices comptables des années 2007 et 2008.
. Si l’entreprise reçoit l’avis de vérification en Juin 2010 :
Les opérations de contrôle pourront concerner les années et (ou) exercices comptables des années 2007, 2008 et 2009 (puisque pour cette dernière année, les déclarations fiscales devront avoir été souscrites).
. Si l’entreprise reçoit l’avis de vérification en Janvier 2011 :
Les opérations de contrôle ne porteront que sur les années et (ou) exercices comptables des années 2008 et 2009 (dans la mesure où l’année 2007 sera prescrite fiscalement au 31/12/2010).
A travers la vérification de comptabilité, terminologie assez abstraite, l’Administration fiscale procède à un ensemble d’examens dans les écritures comptables, en analysant de manière corrélative un maximum de pièces justificatives (livres-journaux divers, ensemble des factures et notes de frais, relevés du compte bancaire utilisé à titre professionnel …
Le but de la manœuvre consiste évidemment pour l’Inspecteur à confronter les constatations matérielles effectuées dans le cadre de ses interventions, par rapport aux données chiffrées et aux résultats mentionnés sur les déclarations souscrites au regard de l’Impôt sur le revenu ou de l’Impôt sur les sociétés, et de la T.V.A.
L’entreprise dispose de la faculté de bénéficier d’un report de la date de la première visite projetée par le vérificateur, à condition de formuler cette demande par écrit. Sauf cas de force majeure, il vaut mieux de ne pas différer sa venue afin d’éviter que l’Inspecteur assimile le "désir de reculer l’échéance" à une volonté de gagner du temps, par exemple, pour reconstituer une comptabilité inexistante ou très mal tenue.
En toute hypothèse, en cas de report de la date du début des opérations, la durée des interventions sera de toute manière différée d’autant …
La première entrevue avec le Vérificateur se résume essentiellement à une prise de contact avec une visite des locaux, à des explications relatives aux conditions d’exercice de l’activité professionnelle, et à un simple examen formel des documents comptables.
La vérification se déroule en principe sur place, soit dans les locaux de l’entreprise, au siège de la société, au cabinet du professionnel libéral, au magasin du commerçant, etc …
Cependant, sur demande également expresse et motivée, les opérations de contrôle peuvent avoir lieu au bureau du vérificateur ou au Cabinet comptable, même si cette façon de procéder est peu prisée du fisc.
Dans tous les cas de figure, l’Inspecteur des Impôts a l’obligation envers le contribuable (chef d’entreprise ou responsable de société) d’organiser au cours de ses interventions, le débat oral et contradictoire.
La surveillance du respect de cette exigence incombe à l’Expert-comptable et (ou) à l’Avocat fiscaliste.
En théorie, l’article L. 52.-I. du Livre des procédures fiscales prévoit que la vérification sur place ne peut, sous peine de nullité des éventuels redressements, s’étendre sur une durée supérieure à trois mois lorsque le chiffre d’affaires ou le montant des recettes brutes hors TVA de l’entreprise, n’excède pas actuellement les sommes suivantes :
. 763 000 € pour les entreprises industrielles ou commerciales dont l’activité est de vendre des marchandises, objets, fournitures et denrées à emporter ou à consommer sur place, ou de fournir le logement.
. 230 000 € pour les autres entreprises industrielles ou commerciales (prestataires de services notamment), et pour les contribuables se livrant à une activité non commerciale.
. 350 000 € pour les entreprises agricoles.
A compter du 1/1/2010, ces seuils vont être actualisés chaque année.
L’expiration du délai de trois mois n’est pas opposable à l’Administration fiscale, en particulier dans les cas suivants :
. Pour l’instruction des observations ou des requêtes présentées par le contribuable, après l’achèvement des opérations de vérification.
Cette éventualité est susceptible de s’appliquer par exemple, quand le contribuable produit de nouveaux éléments en réponse à la proposition de rectification.
. Pour l’examen, en application de l’article L. 12 du L.P.F., des mouvements des comptes financiers utilisés à titre privé et professionnel.
Cette situation précise est réservée aux personnes physiques qui commettent la bévue de ne pas détenir un compte à usage exclusivement professionnel.
Car si l’Inspecteur des Impôts se rend compte a posteriori, par exemple à l’occasion d’un examen contradictoire de situation fiscale personnelle (E.S.F.P.) – * – que le contribuable a remis des recettes sur ce compte "mixte", il est en droit de revenir dans l’entreprise puisque les mouvements de celui-ci n’ont pas été analysés dans le cadre des interventions sur place.
* – ce type de contrôle fera l’objet d’une prochaine étude.
. En cas de graves irrégularités privant de valeur probante la comptabilité. La vérification sur place peut alors s’étendre sur une durée égale à six mois.
A partir de là, le vérificateur dispose donc non seulement, de plus de temps pour procéder à ses investigations, mais il va très probablement rejeter la comptabilité en vue de reconstituer les chiffres d’affaires déclarés afin d’aboutir à des rehaussements souvent importants.
Ces cas de figure se rencontrent fréquemment à l’occasion des contrôles des bars-tabacs et restaurants, des commerces du textile, de téléphonie mobile …
Dans ces situations, l’Expert-comptable et l’Avocat fiscaliste ont donc tout intérêt, si possible avant le stade de la proposition de rectification, à collaborer étroitement dans l’intérêt de l’entreprise pour s’assurer que les reproches relatifs à la tenue de la comptabilité présentée, se rapportent véritablement à de "graves irrégularités".
. Cas particulier des holdings importants :
Pour permettre au fisc d’appréhender l’ensemble de la comptabilité de ces entités, l’article L. 52 A. du L.P.F. écarte expressément la règle du délai de trois mois pour le contrôle des sociétés, à l’actif desquelles sont inscrits des titres de placement ou de participation dont le montant total est, pour un seul des exercices vérifiés, égal ou supérieur à 7 600 000 €.
Pour en revenir aux interventions sur place proprement dites, le Vérificateur ne vient pas en général chaque jour ouvré de la semaine, sans discontinuer … et ce, pour deux raisons principales qu’il n’est pas inutile de préciser :
L’emploi du temps de l’Inspecteur est plus chargé qu’on croit, et il doit mener de pair d’autres vérifications de comptabilité, en ayant le souci constant d’être le plus performant possible en termes de résultats par rapport à l’ampleur de ses investigations.
Car la recherche des "gains de productivité" au sens littéral du terme est entrée durablement à la Direction générale des finances publiques, au sein de laquelle la mission de contrôle fiscal n’échappe pas à la règle.
Le Vérificateur s’organise pour ne pas obliger le chef d’entreprise à rester mobilisé en permanence même s’il se repose souvent en grande partie sur son Expert-comptable.
Et ce n’est pas encore si l’on ose dire, un ordinateur qui procède à la vérification de comptabilité, et celle-ci est encore effectuée par des femmes et des hommes avec leur personnalité et leur tempérament …
A l’issue des interventions sur place, l’Inspecteur est amené dans le prolongement logique et obligatoire du débat oral et contradictoire, à "annoncer la couleur" au contribuable. Lors de la réunion de synthèse en présence bien entendu de l’Expert-comptable et (ou) de l’Avocat fiscaliste, il doit en effet exposer clairement et de manière détaillée l’ensemble des motifs de fait et de droit, fondant les rectifications et les sanctions fiscales envisagées.
Cette dernière étape apparaît tout à fait fondamentale puisqu’elle permet à l’entreprise de faire valoir encore des arguments pour dissuader le Vérificateur de procéder à des rehaussements sur certains points. Par exemple, lors de cette concertation, l’Expert-comptable a la possibilité d’en profiter pour expliquer ou "réexpliquer" une écriture comptable, et produire des pièces justificatives relatives à certaines charges déduites, non présentées en temps utile.
Corrélativement, l’Avocat fiscaliste tout en respectant les prérogatives de l’Expert-comptable, essaie de son côté, de dissuader l’Inspecteur des Impôts de faire application de la majoration de 40% pour manquement délibéré, visée à l’article 1729 a. du Code général des Impôts.
Car sous couvert de réprimer la fraude fiscale, les Vérificateurs ont tendance à recourir assez souvent à cette sanction lourde de conséquences financières, puisque ce pourcentage de 40% est calculé sur le montant des rappels d’impôts résultant des rehaussements apportés aux résultats déclarés par l’entreprise.
Or, si des négligences ont été commises dans la tenue de la comptabilité, celles-ci ne sont pas automatiquement assimilables à de "graves irrégularités" susceptibles d’entraîner cette sévère sanction fiscale.
En toute hypothèse, selon une jurisprudence constante en la matière, l’Inspecteur des Impôts doit établir leur caractère intentionnel, critère essentiel pour justifier valablement l’application de cette majoration.
Par la suite, après réception de la proposition de rectification par le contribuable, l’Expert-comptable et l’Avocat fiscaliste doivent s’atteler à préparer une réponse crédible, étayée d’un maximum d’arguments pertinents et de justifications concrètes, de nature à démontrer éventuellement la réalité de l’exagération des redressements notifiés.
L’Administration fiscale peut persister à maintenir dans sa réponse aux observations (imprimé n°3926), la totalité des rectifications sans tenir compte des éléments probants produits.
Dans ce cas, le chef d’entreprise ou le dirigeant de la société a encore à sa disposition avant la mise en recouvrement des rappels d’impôts en cause, diverses voies de recours évoquées expressément dans la "charte des droits et obligations du contribuable vérifié" (soit auprès du supérieur hiérarchique du Vérificateur, puis auprès de l’Interlocuteur départemental et d’Organismes de médiation indépendants, telles les Commissions départementales et une Commission nationale pour les grandes entreprises …).
Enfin, en dernier ressort et après la mise en recouvrement, il restera encore heureusement, la possibilité pour le contribuable de déposer une réclamation contentieuse pour faire valoir ses droits au regard des rectifications demeurant non fondées.
Il est encore temps pour lui si cela n’a pas été fait avant, de s’en remettre à un Avocat spécialisé en procédures fiscales. Le devoir de celui-ci consistera alors à s’investir pleinement dans son dossier pour augmenter les chances d’inverser le "rapport de forces" avec l’Inspecteur des Impôts et sa hiérarchie.
Françoise Cavallé
Avocat Fiscaliste