Contrôlé, interpellé ou entendu par la police : savez-vous exactement ce que la loi autorise et ce qu’elle interdit ?
I. Le contrôle d’identité : un acte strictement encadré.
Le contrôle d’identité est régi par les articles 78-1 à 78-6 du Code de procédure pénale (CPP).
Il intervient dans trois situations :
- Sur soupçon d’une infraction [1],
- À titre préventif pour garantir l’ordre public [2],
- Sur réquisition écrite du procureur de la République [3].
Lorsqu’une personne ne peut pas établir son identité, elle peut être retenue pour vérification pendant 4 heures maximum, toujours sous le contrôle d’un officier de police judiciaire (OPJ) [4].
Attention : un contrôle discriminatoire, fondé exclusivement sur l’apparence ou l’origine, est strictement interdit et peut entraîner l’annulation de tous les actes subséquents.
II. L’interpellation : appréhender une personne par les forces de l’ordre.
L’interpellation est l’acte par lequel une personne est physiquement appréhendée pour être présentée à l’autorité compétente.
Elle peut avoir lieu :
- En cas de flagrance [5],
- Sur mandat ou sur ordre judiciaire (mandat d’amener, mandat d’arrêt - art. 122 et suivants CPP).
Exemples pratiques :
- Un individu surpris en flagrance d’un vol peut être interpellé sans titre préalable.
- Une personne recherchée qui ne répond pas à une convocation peut être interpellée sur mandat.
L’interpellation doit toujours respecter les principes de nécessité et de proportionnalité [6].
III. La garde à vue : une mesure coercitive exceptionnelle.
Après une interpellation régulière, si les critères sont remplis, la personne peut être placée en garde à vue.
Les conditions, conformément à l’article 62-2 CPP, sont :
- Des raisons plausibles de soupçonner qu’elle a commis ou tenté de commettre une infraction punie d’emprisonnement,
- La nécessité de la mesure pour les besoins de l’enquête (par exemple, prévenir une fuite ou préserver des preuves).
La garde à vue prévoit :
- Une durée initiale de 24 heures, renouvelable une fois (soit 48 heures maximum),
- La notification immédiate des droits : droit à un avocat, droit de garder le silence, droit de prévenir un proche, droit à un examen médical [7].
Le non-respect de ces garanties peut entraîner l’annulation de la mesure et l’écartement des preuves obtenues [8].
IV. Le statut de témoin assisté : entre audition et mise en examen.
Le témoin assisté est défini par l’article 80-1 CPP.
Il s’agit d’une personne dont les éléments de l’enquête laissent présumer une participation aux faits, sans que ces éléments ne soient suffisamment graves pour justifier une mise en examen immédiate.
Le témoin assisté bénéficie de garanties particulières :
- Droit d’être assisté par un avocat,
- Accès au dossier,
- Droit de se taire (lorsque cela pourrait s’auto-incriminer).
Dans le cadre de ce statut, la personne ne peut être soumise ni à la garde à vue, ni à une mesure de contrainte uniquement en raison de sa qualité de témoin assisté.
V. Évolution du statut en cas d’indices incriminants ou d’aveux.
Si, lors de son audition, le témoin assisté est mis en cause par des indices graves ou concordants, ou s’il reconnaît lui-même sa participation à une infraction, alors :
- L’OPJ informe immédiatement le juge d’instruction,
- Seul le juge d’instruction peut décider de la mise en examen de la personne [9].
Cette décision est indispensable avant que toute mesure contraignante (telle que la détention provisoire ou un contrôle judiciaire) ne soit envisagée.
Exemple pratique :
- Lors d’une audition, un témoin assisté avoue sa participation à un cambriolage, ou des éléments nouveaux viennent appuyer des soupçons sérieux.
- L’OPJ saisit alors le juge d’instruction, qui doit statuer sur une mise en examen, car dès lors, la personne ne relève plus du régime protecteur du témoin assisté.
VI. Les vices de procédure : un levier essentiel pour la défense pénale.
Un vice de procédure est une violation des règles légales ou des garanties de la défense intervenant lors d’une intervention policière ou judiciaire.
Des exemples typiques incluent :
- Un contrôle d’identité effectué sans motif légitime,
- Une interpellation réalisée en dehors des cas prévus par la loi,
- Une garde à vue sans notification effective des droits du gardé à vue.
Selon l’article 802 CPP, la nullité d’un acte de procédure ne peut être prononcée que si l’irrégularité a causé un préjudice effectif aux droits de la partie.
Autrement dit, les vices de procédure ne sont pas automatiquement sanctionnés : il est nécessaire de démontrer le grief subi.
Exemples jurisprudentiels :
- Cass. crim., 19 mai 2021, n° 20-81.081 : la nullité d’une garde à vue n’est prononcée que si le préjudice lié à l’irrégularité a été prouvé.
- Cass. crim., 11 juillet 2017, n° 17-80.313 : annulation d’une procédure pour violation du principe du contradictoire et en raison d’une provocation policière déloyale.
Ces décisions illustrent l’exigence, pour contester une mesure, de démontrer concrètement que l’irrégularité a eu un impact sur les droits de la défense.
Références juridiques.
Code de procédure pénale (CPP) :
Articles 73, 78-1 à 78-6, 78-3, 62-2, 63, 63-1, 63-2, 63-3, 80-1, 113-1, 113-8, 171, 802.
Jurisprudences :
Cass. crim., 13 avril 2005, n° 04-83.939 : usage proportionné de la force lors d’une interpellation.
Cass. crim., 19 mai 2021, n° 20-81.081 : irrégularité de la garde à vue nécessitant la preuve d’un grief.
Cass. crim., 11 juillet 2017, n° 17-80.313 : annulation d’une procédure pour violation du contradictoire et provocation policière déloyale.