Vers un encadrement du démarchage téléphonique.
Au printemps dernier, un sondage réalisé par l’UFC Que choisir révélait que pour 92 % des Français, le démarchage commercial par téléphone était « agaçant » et « trop fréquent ». Les usagers recevant en moyenne 4 appels de la sorte par semaine. Problème : contrairement à la publicité papier que l’on peut refuser en collant un sticker « anti-pub » sur sa boîte aux lettres, difficile de filtrer les appels commerciaux. Dont certains peinent également à se défaire une fois le combiné décroché. Si bien que pour beaucoup, le phénomène, assez oppressant, a tout du " harcèlement ", certains se demandant même s’ils ne pourraient pas « porter plainte en action de groupe ».
Qu’ils se rassurent toutefois : les sollicitations téléphoniques intempestives pourraient être prochainement mieux encadrées par la loi. Début décembre 2018, l’Assemblée nationale a adopté en première lecture un texte proposé par le groupe centre-droit UDI-Agir. Qui prévoit, notamment, la multiplication par 5 des sanctions prévues pour les démarcheurs qui appelleraient des personnes dont le nom figure sur Bloctel — une plateforme sur laquelle les personnes qui refusent d’être sollicitées à des fins publicitaires peuvent s’inscrire.
D’après le député à l’origine du texte, Christophe Naegelen (groupe Les Constructifs), tout appelant devra non seulement se présenter de manière complète, mais surtout préciser à son interlocuteur qu’il peut s’inscrire sur Bloctel. Les entreprises qui ne respecteraient pas cette obligation encourant alors jusqu’à 375 000 euros d’amende administrative (contre 75.000 aujourd’hui).
Un montant revu à la hausse qui s’appliquera également aux entreprises ayant recours à des automates destinés à « vérifier la présence d’un consommateur à son domicile ou la bonne attribution du numéro appelé », expliquait Christophe Naegelen en décembre dernier. Et le député de préciser que ces appels, ayant souvent lieu à l’heure des repas, sont « de véritables nuisances pour les particuliers qui, lorsqu’ils décrochent, ne sont souvent mis en relation avec aucun conseiller ou opérateur ». Quant aux opérateurs de démarchage commercial ne mettant pas à jour leur répertoire, « au moins une fois par mois » pour ceux exerçant « à titre habituel », ils verraient là aussi leurs sanctions être alourdies.
Alors que près de 4 millions de personnes et 700 entreprises se sont inscrites sur les listes Bloctel l’an dernier, certaines associations de consommateurs avancent cependant le caractère encore méconnu de ce service, et aimeraient que soit mis en place un consentement exprès des consommateurs pour pouvoir être démarchés. C’est ce que l’on appelle le système de l’« opt-in ». D’après la CNIL, qui s’intéresse de près à la question, « l’opt-in, c’est obtenir l’accord du destinataire de la publicité : s’il n’a pas dit “oui”, c’est “non”. » À charge pour la société de démarchage d’obtenir l’accord du destinataire avant de lui envoyer un mail, SMS, MMS ou fax.
Seulement, le gouvernement a affiché quelque réticence sur l’encadrement maximal du démarchage commercial. Pour des raisons économiques surtout. Selon la secrétaire d’État auprès du ministre de l’Économie, Agnès Pannier-Runacher, « présumer que le consommateur est par principe opposé à tout démarchage et rendre illégal le démarchage s’il ne l’a pas explicitement demandé […] pénaliserait le démarchage respectueux de la réglementation et menacerait de nombreux emplois ». Il faudra donc attendre que le texte adopté par l’Assemblée nationale passe devant le Sénat, dans les prochains mois, pour être fixé sur les nouvelles règles concernant le démarchage publicitaire.
Quid du démarchage à domicile ?
L’encadrement du démarchage téléphonique pose la question de celui du démarchage à domicile. Dans le secteur de l’énergie notamment, les pratiques abusives sont monnaie courante. Dans son rapport annuel 2018, le Médiateur de l’énergie, Jean Gaubert, dénonçait ainsi les « mauvaises pratiques » commerciales des énergéticiens Total Spring, ENI et Engie (ex-GDF Suez), notamment en ce qui concerne le démarchage des particuliers à leur domicile : « le médiateur a enregistré 1 519 litiges relatifs à des contestations de souscription ou à des pratiques de démarchage trompeuses ou déloyales (contre 1 140 en 2016). La plupart concernent Engie et Eni. Cette tendance ne diminue pas en 2018, bien au contraire, d’autant que d’autres fournisseurs, notamment Total Spring, commencent à effectuer du démarchage à domicile, avec de premiers litiges à la clé », pouvait-on lire dans le communiqué de presse annonçant la publication du rapport.
Un constat qui pourrait bien se renouveler en 2019. Depuis le début de l’année, les plaintes de particuliers pour démarchage à domicile agressif fleurissent sur Twitter. Dans leur viseur, encore, Engie, ENI, Total Spring et Direct Energie. « Les mauvaises pratiques d’Engie perdurent », titrait même l’UFC Que Choisir le 14 janvier dernier. « Décidément, Engie est incorrigible et entame bien mal l’année 2019. Le Médiateur national de l’énergie a beau l’épingler chaque année comme mouton noir du démarchage à domicile, ses pratiques agressives perdurent », expliquait l’association de défense des consommateurs.
Une réalité que seul un encadrement législatif permettra d’endiguer, le directeur de Total Spring ayant déclaré en mai dernier à Europe 1, « assumer pleinement ce démarchage agressif sur un marché de plus en plus concurrentiel ».