L’expertise biologique en droit de la filiation.

Par Benjamin Ladoux, Avocat.

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Explorer : # expertise biologique # refus de se soumettre # paternité # droit de la filiation

Il est des situations où le parent ne souhaite pas être rattaché juridiquement à son enfant. La volonté joue un rôle considérable dans le droit de la filiation. Le refus du prétendu parent de se soumettre à une expertise biologique a pour conséquence de perturber le bon déroulement du procès et de limiter l’accès à la recherche de la vérité biologique

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En l’état actuel du droit, la recherche de la vérité biologique est bloquée par le refus du vivant de se soumettre à une expertise biologique. De plus, concernant les expertises post mortem, l’absence de consentement du vivant empêche de pratiquer ces tests sur le défunt.

Ainsi, la recherche de la vérité biologique se confronte à la volonté du défendeur mais il est intéressant de constater que le juge peut tirer toutes conséquences de ce refus.

L’article 11 du Code de procédure civile permet au juge d’apprécier souverainement le refus du défendeur de se soumettre à une expertise biologique. Cette opposition peut être considérée comme injustifiée dans la plupart des cas (I) mais il existe des situations où le juge interprète positivement le refus à l’égard du récalcitrant (II).

I. Un refus considéré comme illégitime.

Le défendeur a le droit d’opposer son refus à une expertise ordonnée par le juge du fond mais, face à ce refus, le juge détient un pouvoir d’appréciation très large. Ce dernier prend en compte, non pas uniquement le simple refus mais aussi, l’ensemble des éléments de preuve fournis. Ces éléments de preuve et le refus du défendeur prennent alors la forme d’un faisceau d’indices.

Ce faisceau permet d’éviter qu’une décision soit seulement fondée sur le refus de se soumettre à une expertise. Le juge dégage alors, le plus souvent, un aveu de paternité. Dès lors, pour le tribunal, ce refus peut être considéré comme illégitime au vu de l’infime atteinte portée au corps humain. Les expertises peuvent porter sur les cheveux, la salive ou bien encore le sperme.

De ce fait, le droit au respect de l’intégrité physique, défendu par le récalcitrant, ne trouve plus vraiment sa place. La jurisprudence a pu dégager les éléments sur lesquels se fonde le juge pour prononcer un aveu de paternité.

La correspondance, le concubinage notoire durant la grossesse, les relations amoureuses non datées, l’envoi mensuel de somme d’argent à un enfant, sont autant d’élément permettant au juge d’apprécier l’illégitimité du refus et ainsi établir la paternité.

Le droit français, en matière d’expertise, semble peu cohérent et très hypocrite. En effet, il est autorisé au défendeur d’opposer son refus tout en lui faisant comprendre que la barrière qu’il a fixée se retournera contre lui par la suite.

Dès lors, toute personne est libre de ne pas se soumettre à la volonté du juge mais si cette dernière ne le fait pas alors elle se verra probablement établir un lien de filiation contre sa volonté.

Il est des cas où le demandeur à l’action sollicite des dommages et intérêts pour préjudice moral. Le préjudice moral trouve sa source dans un lien de filiation non établi et au vu du refus opposé par le défendeur de se soumettre à une expertise biologique ainsi que du temps qui passe.

II. Un refus interprété positivement.

L’interprétation, par les juges du fond, du refus de se soumettre à une expertise ne rime pas forcément avec établissement d’un lien de filiation. La réticence du défendeur n’est pas obligatoirement interprétée au profit du demandeur, tel est le cas en matière de contestation de la reconnaissance.

La reconnaissance peut se définir comme

« la manifestation de volonté par laquelle une personne accepte de tenir pour établie une situation préexistante de fait, en l’espèce le lien de filiation. Il s’agit ainsi d’un acte unilatéral déclaratif de cette situation mais propre à lui faire produire ses effets ou à les renforcer ».

L’appréciation souveraine des juges du fond démontre que le simple refus du défendeur ne suffit pas à qualifier de mensongère la reconnaissance contestée. C’est au demandeur de prouver que cette reconnaissance ne correspond pas à la réalité.

Certes, la preuve biologique semble être le mode de preuve le plus efficace mais il convient de rapporter des preuves complémentaires. Si le refus est corroboré par d’autres éléments l’action en contestation pourrait aboutir.

Le défendeur, en matière d’action en contestation, paraît mieux protégé que le défendeur en matière d’action en recherche de paternité. Cette solution préserve l’intérêt de l’enfant et la stabilité du lien de filiation.

Benjamin Ladoux
Avocat
https://ladoux-avocat.com/

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