Dans quelle mesure la cyberattaque, telle que celle de l’Estonie en 2007, met-elle en péril la souveraineté de l’Etat congolais en générant une pléthore de défis nonobstant son cadre juridique novice ? De quelle manière aborder ces questions fondamentales liées à la souveraineté, et comment la préserver au moment où la connectivité gagne de plus en plus le terrain planétaire ?
Quid de la cyberattaque ?
Le droit congolais ne définit pas expressément ce que c’est une cyberattaque.
Néanmoins, à travers la définition de la cybercriminalité, le législateur la considère comme une forme particulière de celle-là.
En droit Français, la législation ne la prend pas en compte de manière séparée vis-à-vis de la cybercriminalité. Il a fallu recourir à l’agence nationale de la sécurité des systèmes d’information (ANSSI) afin de trouver lumière sur le vrai sens de ce terme.
Elle la qualifie comme :
« un ensemble coordonné d’actions menées dans le cyberespace qui visent des informations ou les systèmes qui le traitent, en portant atteinte à leur confidentialité ».
Souveraineté numérique, gage du nouvel ordre mondial ?
La souveraineté numérique ne peut être comprise sans l’alléger de son jargon traditionnel.
Elle s’étend, à ce jour, au niveau national et international. A l’interne, elle renvoie au pouvoir réservé à l’Etat de prendre des mesures incitatives vis-à-vis des individus en vue d’imposer sa volonté à la limite de son espace territorial. Au-delà de ce territoire, elle assure l’équilibre, l’égalité et l’autonomie dans les rapports de force entre sujets de droit international.
Le concept éclairé, il importe de le situer dans le cyberespace. Le professeur Kodjo affirme que « les particularités du web affectent l’imposition d’un ordre public étatique dans le cyberespace ». Le cyberespace n’est qu’un outil technologique servant de domination à l’échelle mondiale : il se transforme à la loi du plus fort. C’est donc avec raison que Monsieur Eric Freyssinet insiste qu’il faut « repenser nécessairement internet et les réseaux numériques de communication, comme un véritable territoire à sécuriser ».
La souveraineté numérique, en se référant à ce qui était souligné ci-haut, ce n’est que la transposition des particularités de la souveraineté traditionnelle dans le virtuel. Ce terme apparut concrètement en 2011, il a été évoqué par Pierre Bellanger à travers cet extrait :
« la souveraineté numérique est la maitrise de notre présent et de notre destin tels qu’ils se manifestent et s’orientent par l’usage des technologies et réseaux informatiques ».
Que craint l’Etat congolais ?
Les vrais problèmes rencontrés par la RDC, se cloisonnent de manière étanche. Sur le plan sécuritaire, nombre de risques sont à souligner : la cyberattaque, la cybercriminalité, le piratage informatique, la guerre cybernétique, le cyberespionnage en vue de soutirer les informations liées à l’armée, au renseignement et à la sécurité.
Dans le domaine économique, l’invasion des géants du numérique, [1], fait perdre à l’Etat congolais le contrôle de son marché. Ils fournissent une ribambelle de services digitaux, via l’internet, en absence de toute présence physique sur ledit territoire. D’où, la pénible taxation de l’économie numérique, la complexité du commerce électronique, la concurrence déloyale, la faible protection de la propriété intellectuelle, etc.
L’axe juridique fait face à l’inefficacité de l’application du droit et de la détermination du juge naturel, la pluri-normativité, la fluidité dans la protection de données personnelles, la violation du principe de l’intangibilité et de l’intégrité des frontières.
De manière vague, d’autres domaines de la société ne sont pas couverts par le digital, ce qui alourdit l’évolution technologique.
Le droit congolais du cyberespace.
L’Etat congolais garanti le respect du droit à la vie privée et au secret de la correspondance, de la télécommunication et de toute autre forme de communication (art.31 constitution). En même temps, il rappelle qu’il est souverain et qu’il l’exerce dans toutes les structures de l’écosystème du Congo, bien que le cyberespace ne soit point mentionné comme tel (art.9).
La régulation du cyberespace congolais, bien que récente, remonte dans le temps à travers l’adoption de certains textes législatifs tels que : l’ordonnance n°87-243 du 22 juillet 1987 portant règlementation de l’activité informatique au Zaïre, la loi-cadre n°013/2002 sur les télécommunications en RDC, etc.
A ce jour, c’est l’ordonnance-loi n°23-010 du 13 mars 2023 portant Code du numérique qui assure la régulation de cette sphère au Congo. Ce texte n’est pas le seul. D’autres textes s’appliquent également dans ce secteur : la loi organique n°11/001 du 10 janvier 2011 portant composition, attribution et fonctionnement du conseil supérieur de l’audiovisuel et de la communication, la loi n°20/017 du 25 novembre 2020 relative aux télécommunications et aux technologies de l’information et de la communication en RDC.
Conclusion.
La RDC n’est, en aucun cas, épargnée de toutes ces pressions techno-juridiques.
L’avènement du cadre légal sécurisant le secteur numérique est une prouesse, mais attention, ce n’est pas tout.
La souveraineté numérique consiste aussi à avoir une certaine ingérence, si il n’y a pas de contrôle, dans toutes les couches composant le cyberespace, qui sont : la couche matérielle, logicielle et informationnelle.
Il serait souhaitable d’encourager les initiatives technologiques et les recherches scientifiques dans le domaine du numérique en vue de faire face, pourquoi pas, à n’importe quel danger émanant du cyberespace.
Sans oublier le plan national numérique horizon 2025, publié en septembre 2019 sous la houlette de la présidence, qui regorge de projets de développement de ce secteur sur le territoire congolais.