Intelligence artificielle et enjeux juridiques.

Par Antoine Chéron, Avocat.

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Explorer : # protection des données personnelles # responsabilité juridique # propriété intellectuelle # compétitivité technologique

Outre les aspects économiques et sociaux, l’intelligence artificielle suscite de nombreuses interrogations sur le plan juridique, c’est un des enseignement qui ressort de la lecture du rapport sur l’intelligence artificielle du mathématicien et député Cédric Villani, rendu public le mercredi 28 mars 2018.

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Concernant la compétitivité.

En premier lieu, on notera que le rapport suggère un assouplissement de la législation, à destination des start-ups notamment, afin d’inciter à la recherche et aux expérimentations.

Le rapport prône par exemple la facilitation des tests de logiciel d’intelligence artificielle grâce à la création de "zones franches de l’IA" sur lesquelles "un allègement drastique des formalités administratives du quotidien, des compléments de salaire conséquents et des aides pour l’amélioration de la qualité de vie" seraient proposés.

Il s’agirait donc de se libérer d’un cadre juridique et fiscal trop contraignant, qui décourage la recherche, freinant ainsi la compétitivité de la France.

Concernant la protection des données personnelles.

Le rapport vise également à renforcer la confiance du citoyen dans l’utilisation de ses données, dans un contexte de suspicion. Il s’agirait de renforcer les législations existantes, en garantissant la transparence et la loyauté dans l’utilisation des données par les algorithmes de l’intelligence artificielle.

On peut citer, à titre d’exemple, la loi pour une République Numérique qui impose à l’Administration d’être totalement transparente lorsqu’elle exécute des traitements algorithmiques.

La nouvelle législation européenne (GDPR) en matière de protection des données personnelles imposera à l’avenir une plus grande transparence si le traitement à vocation à traiter des données personnelles des individus.

Il conviendra également de se mettre en conformité au regard du nouveau principe de minimisation dans la collecte de données personnelles.

Le rapport a pour ambition d’aller plus loin dans l’échange de données au niveau national et intra Union européenne. Il préconise en revanche de restreindre les transferts de données hors Union européenne, dans l’optique de limiter la fuite des cerveaux.

Pour cela, il s’agit de faciliter le recours à l’open data, en incitant les entreprises publiques et privées à rendre leurs données publiques, via des plateformes de mutualisation entre le secteur public et le secteur privé.

En matière de santé par exemple, il s’agira de développer des bases de données, plateformes d’accès et d’échange d’informations pour faire avancer la recherche.

Concernant la protection par les droits de propriété intellectuelle.

L’intelligence artificielle vise également les enjeux du droit de la propriété intellectuelle, à travers notamment la question de la protection des algorithmes et de leur titularité.

On peut par exemple envisager le recours au secret professionnel, au secret de fabrique ou au droit d’auteur pour protéger sa solution d’intelligence artificielle.

Concernant le régime de la responsabilité.

L’une des grandes questions juridiques qui se pose au sujet de l’intelligence artificielle est celle de la détermination de la personne responsable en cas de litige.

Pour donner un exemple, si un robot agissant de manière autonome blesse quelqu’un ou provoque un dommage, qui est responsable ?

On a vu cette question se poser récemment aux Etats-Unis, avec les voitures autonomes qui ont été à l’origine de plusieurs accidents mortels.

Il n’existe pas aujourd’hui de régime juridique propre à l’intelligence artificielle, et aucun fondement juridique n’y apporte de réponse spécifique.

Il s’agit alors de rechercher dans les fondements juridiques préexistants de la responsabilité civile délictuelle des articles 1240 et suivants du Code civil.

La responsabilité civile impose que chacun doit répondre de ses actes. La question qui se pose avec l’intelligence artificielle est celle de la détermination de la personne responsable. Est-ce l’humain à l’origine de l’algorithme défaillant, ou bien le robot ?

Il convient de remarquer que contrairement à l’homme, le robot ne dispose pas de la personnalité juridique, ce qui interdit, selon la législation actuelle, toute possibilité d’indemnisation du dommage par le robot, celui-ci ne disposant pas d’un patrimoine.

Pourrait donc se poser à l’avenir la question de la consécration d’une personnalité juridique propre aux robots, bien que cette réflexion soit encore à ce stade purement théorique.

Le projet de réforme du droit de la responsabilité civile n’envisage d’ailleurs à aucun moment ces enjeux.

Concernant le fonctionnement de la Justice.

Un autre enjeu juridique de l’intelligence artificielle réside dans la question de la justice prédictive. Peut-il y avoir des algorithmes prédictifs en matière de décisions de justice ?

Le Conseil d’Etat a fait remarquer que si l’intelligence artificielle promet certes des évolutions bénéfiques pour la qualité et l’efficacité de la justice, les progrès de la technologie ne doivent cependant pas masquer des risques pour l’office du juge et l’accès à la justice.

L’open data et la justice prédictive promettent des progrès dont nous devons nous saisir, mais dans le respect des principes fondamentaux de la justice.

Les juges doivent en effet conserver leur liberté d’appréciation et leur indépendance et l’utilisation des algorithmes doit être fondée sur les principes de neutralité et de transparence.

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