Que ce soit en tant qu’avocat ou joueur de l’équipe de France de Cécifoot, le leitmotiv de Gaël Rivière est : « Pour espérer réussir, il faut le concours de tous ».
Village de la Justice : Gaël Rivière, qui êtes-vous ? Quel est votre point fort ?
Gaël Rivière : « Puisque c’est mon actualité la plus immédiate, peut-être devrais-je commencer par me présenter, d’abord comme joueur de l’équipe de France de Cécifoot depuis 2006 et, en parallèle, avocat au barreau de Paris depuis 2017. J’exerce plus précisément au sein du cabinet Bredin Prat, en ayant pour spécialisations principales la règlementation bancaire et financière d’une part et les abus de marché d’autre part.
L’atout que je m’emploie à obtenir ou à cultiver le plus intensément, parce qu’il me paraît être nécessaire dans ce métier, c’est ma capacité à demeurer curieux ».
Comment conciliez-vous votre profession d’avocat et celle de sportif de haut niveau ?
« Mon parcours de vie a fait que j’ai été sportif de haut niveau pendant longtemps avant de devenir avocat. Aussi, au moment où il s’est agi d’exercer concrètement ma profession, j’avais, de prime abord, résolu de me consacrer entièrement à l’apprentissage de mon métier, en m’efforçant de rendre au plus tôt au cabinet la confiance qu’il m’avait témoignée. Pendant plusieurs années, j’ai donc fait passer en priorité l’avocature, sans cesser pour autant de faire partie de l’équipe de France de cécifoot, en tirant avantage des quelques acquis que j’avais antérieurement développés. Reste qu’avec mon manque d’entraînement chronique, ma place au sein de la sélection française s’était fortement précarisée et, à l’aube des jeux de Paris 2024, il m’a fallu trouver le moyen d’avoir un rythme d’entraînement quotidien pour espérer faire partie de cette aventure. Je m’en suis donc ouvert au cabinet, qui a consenti aux aménagements de temps qu’une préparation paralympique requiert, en me permettant de n’être au cabinet que de 10h à 17h, ce qui me laissait suffisamment de temps pour faire deux entraînements, l’un en début de journée, l’autre en sortant du cabinet ».
Que vous apporte le métier d’athlète de haut niveau dans votre vie d’avocat et inversement quels sont les bénéfices de l’avocature pour votre vie de sportif ?
« Il me semble que ce en quoi mon expérience de sportif de haut niveau m’a été la plus utile, c’est dans la capacité à appréhender, avec le plus de sérénité possible, les moments de fortes tensions et plus généralement à garder calme et lucidité dans la « tempête ». Par ailleurs, ayant évolué pendant plus de 20 ans de ma vie dans un sport collectif, je suppose que la conscience aigüe que j’ai de l’importance du travail d’équipe me vient un peu de mon parcours de footballeur, sport où l’on apprend très vite que pour espérer réussir, il faut le concours de tous ».
Comment faites-vous de votre handicap une force au quotidien ?
« Je ne pense pas pouvoir dire que je parviens à faire de mon handicap une force ; ce qui est vrai en revanche, pour ne parler que de l’aspect professionnel, c’est qu’il y a des tâches, où je suis plus au moins efficace du fait de ma déficience visuelle. Typiquement, le logiciel que j’utilise pour pouvoir lire ce qu’il y a d’afficher sur l’écran (logiciel dit de lecteur d’écran), peut être paramétré pour avoir un débit de lecture plus ou moins rapide. Autrement dit, je suis, comme beaucoup de non-voyants qui utilisent ce genre d’outils, en capacité de prendre connaissance d’un document numérique plus vite que nombre de personnes voyantes, en accélérant de manière substantielle le débit de lecture de ce logiciel ».
Pensez-vous être un "rôle modèle" pour les (futurs) juristes ?
« J’ai toujours eu assez peu d’affection pour les modèles qui ont, à mon sens, plutôt tendance à enfermer plutôt qu’à libérer, à restreindre les potentiels plutôt qu’à aider à leur expression.
Le seul message que j’ai pour ambition de véhiculer est de dire à tous ceux qui en douteraient, parce qu’ils sont, par exemple, en situation de handicap ou qu’ils sont issus d’un milieu socio-économique qui ne leur laisse pas l’opportunité d’envisager concrètement toutes les perspectives qui s’offrent à eux, que le champ des possibles est bien plus étendu que ce qu’ils présument et que le véritable échec consiste à ne pas même essayer ».