L’opposabilité au maître de l’ouvrage ou au tiers-victime des clauses de la police d’assurance décennale du constructeur.

Par Julie Raignault, Avocat.

2395 lectures 1re Parution: 4.96  /5

Explorer : # assurance décennale # clauses contractuelles # responsabilité des constructeurs # protection des consommateurs

Les 4 avril (n° 18-12.410) et 27 juin 2019 (n°17-28.872), la troisième chambre de la Cour de cassation a été amenée à se prononcer sur la question de l’opposabilité au maître de l’ouvrage et à un tiers-victime de clauses contenues dans la police d’assurance décennale du constructeur. Ces deux arrêts de rejet ont été publiés au Bulletin de la Cour.

La solution peut paraître sévère pour le maître de l’ouvrage, dans la première affaire, et le tiers-victime dans la seconde. Elle l’est d’autant plus lorsque le constructeur a été mis en liquidation judiciaire, ce qui était le cas dans la première espèce.

-

Dans la première affaire, deux particuliers entendaient faire jouer l’assurance décennale de l’installateur de leur pompe à chaleur défectueuse. Ayant vainement tenté de faire intervenir l’entreprise, le maître de l’ouvrage s’était alors retourné vers l’assureur décennal, lequel a refusé sa garantie au motif que selon une clause de la police d’assurance, il y avait réception tacite dès lors que « sur une période significative, le maître de l’ouvrage a clairement signifié qu’il considérait les travaux comme conformes au marché. En aucun cas, la simple prise de possession des lieux ne vaut réception en soi, même si ultérieurement la date de cette prise de possession est considérée comme le point de départ de divers délais ».

Dans la seconde espèce, une ASL de copropriétaires, tiers-victime, avait assigné la MAF, assureur d’un architecte, pour obtenir réparation de son préjudice au titre de fautes commises par ce dernier.

La MAF a opposé une exclusion de garantie contenue dans la police d’assurance au motif que l’assuré n’avait pas déclaré le chantier à son assureur. S’appliquait alors une réduction proportionnelle de garantie qui, en l’espèce, équivalait à une absence de garantie étant donné que l’assureur n’avait perçu aucune cotisation au titre de la mission litigieuse.

Dans les deux cas, la Cour de cassation a rejeté les pourvois des victimes et approuvé les juges du fond (Cours d’appel de Rennes et Rouen) en ce qu’ils ont considéré que les clauses des polices d’assurance concernées étaient valables et leur étaient opposables.

Quelles problématiques posent cette jurisprudence ?

Cette jurisprudence, juste d’un point de vue du droit des contrats, est très sévère à l’égard des maîtres de l’ouvrage et des tiers-victimes de constructions et autres travaux défectueux.

Ceux-ci, en effet, se voient pénalisés alors qu’ils ne sont pas forcément informés des clauses particulières de la police d’assurance souscrite par leur cocontractant. Ils le sont même très rarement.

Et l’arrêté du 5 janvier 2016 fixant le modèle d’attestation d’assurance décennale à fournir par les constructeurs ne comporte pas les précisions qui ont ici manqué aux victimes des désordres.

Cette solution devra inciter les maîtres de l’ouvrage - ce sera évidemment bien plus compliqué pour des tiers-victimes qui n’ont pas cette qualité - à se renseigner et à être attentifs aux conditions générales et surtout particulières contenues dans les polices d’assurance de leurs cocontractants. Pour cela, il ne faudra pas de contenter des attestations d’assurance, mais demander la copie de la police dans son intégralité, ce qui ne sera pas toujours aisé.

Une révision du contenu des attestations d’assurance devra peut-être également être envisagée par le gouvernement pour assurer une meilleure information du maître de l’ouvrage en amont et éviter que celui-ci se trouve face à une entreprise en liquidation ou insolvable et un assureur qui ne garantit pas le sinistre.

Julie RAIGNAULT
Avocat associée
Barreau de Paris
GRAMOND & ASSOCIES
www.gramond-associes.com

Recommandez-vous cet article ?

Donnez une note de 1 à 5 à cet article :
L’avez-vous apprécié ?

24 votes

Cet article est protégé par les droits d'auteur pour toute réutilisation ou diffusion (plus d'infos dans nos mentions légales).

Village de la justice et du Droit

Bienvenue sur le Village de la Justice.

Le 1er site de la communauté du droit: Avocats, juristes, fiscalistes, notaires, commissaires de Justice, magistrats, RH, paralegals, RH, étudiants... y trouvent services, informations, contacts et peuvent échanger et recruter. *

Aujourd'hui: 156 340 membres, 27877 articles, 127 257 messages sur les forums, 2 750 annonces d'emploi et stage... et 1 600 000 visites du site par mois en moyenne. *


FOCUS SUR...

• Assemblées Générales : les solutions 2025.

• Avocats, être visible sur le web : comment valoriser votre expertise ?




LES HABITANTS

Membres

PROFESSIONNELS DU DROIT

Solutions

Formateurs