Or, le président du Conseil général avait fondé sa décision de refus sur deux arguments. D’une part, celui-ci avait estimé qu’en raison d’une absence de « référent paternel », les « repères identificatoires » feraient défaut à l’enfant. D’autre part, la situation de la compagne de la requérante avait été considérée comme étant « ambiguë » par rapport à la procédure d’adoption.
À la suite de ce refus, la requérante avait saisi les tribunaux administratifs pour contester cette décision. Pour la cour administrative d’appel, ce refus n’était pas fondé sur le choix de vie de la candidate à l’adoption.
Le Conseil d’Etat, saisi à son tour de l’affaire, avait, quant à lui, estimé que la Cour d’appel avait avant tout pris en compte l’intérêt de l’enfant dans sa décision et n’avait pas fondé celle-ci sur l’orientation sexuelle de la requérante. En conséquence, il rejeta le pourvoi de cette dernière.
Saisie en dernier recours par la requérante, la CEDH devait donc se prononcer sur le point de savoir si les autorités françaises avaient fait preuve de discrimination en refusant d’accorder un agrément pour adopter.
À l’appui de sa demande, la requérante avait en effet soulevé l’article 14 de la Convention européenne des droits de l’Homme qui interdit les discriminations, notamment fondées sur l’orientation sexuelle, dans la jouissance des droits.
Le droit invoqué par la requérante et dont elle n’avait pu jouir en raison d’une discrimination était le droit au respect de la vie privée et familiale, garanti par l’article 8 de la convention.
C’est sur la base de ces dispositions combinées que la Cour a condamné la France.
S’agissant du comportement de la compagne de la requérante, la cour considère qu’il peut paraître légitime que les autorités s’entourent de toutes les garanties en vue de l’accueil éventuel d’un enfant dans une famille, notamment si elles constatent qu’un autre adulte est présent dans le foyer d’accueil.
En revanche, le bien fondé du motif tiré de « l’absence de référent paternel » lui apparaît contestable étant donné qu’il s’agit d’examiner une demande formulée par un célibataire.
La législation française permet, en effet, aux célibataires d’adopter des enfants. Partant de ce constat, la cour considère que si le droit au respect de la vie privée et familiale, qui en l’occurrence implique le droit d’adopter un enfant, peut faire l’objet d’un traitement différent en fonction des situations ; cette différence doit être commandée par « des raisons particulièrement graves et convaincantes » pour la justifier. En l’espèce, la Cour n’a pas constaté l’existence de telles raisons.
En conséquence, la CEDH considère que le recours à la notion de « référent paternel », pour justifier la décision de refus à l’égard d’une célibataire, a pu servir de prétexte pour écarter la demande de la requérante en raison de son orientation sexuelle.
La cour ajoute de surcroît que la référence à l’homosexualité de la requérante, dans la décision de refus, était au moins implicite et avait, en tout état de cause, revêtu « un caractère décisif ».
Étant donnée la décision de la CEDH à laquelle la France doit se conformer, il semble que le motif tiré de « l’absence de référent paternel ou maternel » ne pourra plus être invoqué pour refuser une demande d’agrément pour adopter.
L’orientation sexuelle semble de plus insuffisant pour justifier une différence de traitement entre tous les célibataires demandant un agrément.
Il semble donc, en l’état actuel du droit, qu’il n’existe aucun motif juridique s’opposant à la délivrance d’un agrément d’adoption à une personne homosexuelle. Il faut rappeler que cet agrément, lorsqu’il est délivré, ouvre à son titulaire le droit d’adopter, mais ne garantie en rien l’adoption.
La rédaction du village