Précisions sur la notion d’avantage économique en matière de contrôle des aides d’État.

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Le Tribunal éclaire la condition de l’avantage économique pour la qualification des aides d’État dans le contexte de relations contractuelles entre une entité publique et un prestataire de services. Cet arrêt appelle à une grande vigilance des parties prenantes pour éviter la qualification d’aides d’État et leur récupération auprès des bénéficiaires.

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Par un arrêt en date du 7 septembre 2022, le Tribunal rejette le recours du publicitaire JCDecaux dans une affaire portant sur des aides d’État de la ville de Bruxelles ayant pris la forme de loyers et de taxes non payés sur des dispositifs publicitaires. Ce recours permet au Tribunal d’apporter un éclairage intéressant mais non moins contestable sur la notion d’avantage économique.

L’aide d’État accordée au publicitaire et les conclusions de la Commission européenne

En application d’un premier contrat datant de 1984, le publicitaire JCDecaux s’engageait auprès de la ville de Bruxelles à installer des abribus et mobiliers urbains publicitaires. La société pouvait alors exploiter ces mobiliers à des fins publicitaires pour une durée de 15 ans à compter de l’installation du dispositif et s’engageait à procurer à la ville de Bruxelles un certain nombre d’avantages en nature, en étant dispensée par ailleurs du paiement de toute redevance pour l’exploitation de ces mobiliers.

En 1999, ce contrat est remplacé par un nouveau contrat, aux termes duquel la société était cette fois tenue de payer un loyer pour l’utilisation des supports publicitaires. Alors que le publicitaire aurait dû démanteler progressivement les dispositifs issus du contrat de 1984 à l’issue de la période de 15 ans, il s’est toutefois avéré, en pratique, que celui-ci a continué à exploiter certains de ces supports au-delà de la période d’exploitation de 15 ans, sans avoir pour autant à payer un quelconque loyer. Inversement, certains supports ont été démantelés de manière anticipée avant l’expiration de la période d’exploitation de 15 ans.

Saisie sur plainte d’un concurrent, la Commission européenne constatait en 2019 que le maintien de l’exploitation des dispositifs sans avoir à payer de loyers et taxes à l’issue de la période de 15 ans constituait une aide d’État illégale et incompatible avec le marché intérieur, en en exigeait la récupération auprès du bénéficiaire (Déc. C (2019) 4466 final, 24 juin 2019). Selon l’estimation du plaignant, ce montant s’élèverait à environ 2 millions d’euros (Déc. préc., considérant 144).

Le Tribunal confirme l’existence d’un avantage économique

Le Tribunal a été saisi d’un recours du publicitaire contre la décision de la Commission. Le premier moyen, tenant à l’absence d’un avantage économique, retient particulièrement l’attention.

Selon la Commission, en continuant à exploiter les dispositifs au-delà de leur date d’échéance prévue sans payer ni loyer ni taxe à la ville de Bruxelles, la société a bénéficié d’un allègement de ces charges qui auraient dû normalement grever le budget de la société. Toutefois, la requérante défend que le maintien d’exploitation à titre gratuit de certains dispositifs qui auraient dû être démantelés aurait compensé le préjudice résultant du démantèlement anticipé d’un certain nombre d’autres dispositifs relevant également du contrat de 1984, de telle sorte qu’il y aurait ainsi eu une « interversion » entre les dispositifs publicitaires démantelés prématurément et ceux démantelés tardivement.

Le Tribunal rejette toutefois l’argument, en s’appuyant notamment sur un arrêt de la cour d’appel de Bruxelles constatant une occupation sans titre ni droit en l’absence d’une autorisation expresse de la ville de Bruxelles de procéder à cette interversion. Le Tribunal relève également qu’aucun élément au dossier ne permet d’identifier l’existence d’une analyse a priori par la ville de Bruxelles du niveau de compensation approprié avant de mettre en place ledit mécanisme, semblant suggérer qu’un tel calcul ne peut pas être réalisé a posteriori devant la Commission. La récupération des loyers et taxes non payés doit ainsi être ordonnée pour chacun des dispositifs publicitaires maintenus au-delà de la date prévue, sans considération des dispositifs démantelés de manière anticipée.

Ce raisonnement peut surprendre dans la mesure où, comme le rappelle le Tribunal, la notion d’aide d’État est une notion juridique objective définie en fonction des effets des mesures. En effet, pourquoi l’autorisation expresse de la ville de Bruxelles et une analyse a priori seraient nécessaires si, in fine, il s’avère que la compensation est équilibrée et qu’il n’en résulte aucun avantage économique pour le prétendu bénéficiaire ? Si cette voie avait été choisie, la récupération aurait pu être limitée à l’incrément dans le cas où la compensation aurait été supérieure au désavantage subi par le publicitaire (ce qui semblait être le cas ici), correspondant à l’avantage réel pour le bénéficiaire.
Pour le reste, le Tribunal rejette chacun des moyens d’annulation soulevés par la requérante, en excluant notamment l’application de la jurisprudence Altmark quant à de prétendues obligations de service public supportées par la requérante.

Cet arrêt doit mener les entités publiques et leurs prestataires à la plus grande vigilance lors de l’exécution des contrats : si, en dehors de tout cadre contractuel, les entreprises consentent à certains sacrifices et bénéficient en retour de certaines largesses (mise à disposition de matériel, occupation du domaine public à titre gratuit, etc.), seules ces dernières pourraient être retenues pour la qualification du critère de l’avantage économique nécessaire à l’existence d’une aide d’État.

Par Frédéric Puel, Avocat associé, Fidal et Alexandre Marescaux, Avocat, Fidal

Source : TUE, 7 sept. 2022, aff. T-642/19, JCDecaux Street Furniture Belgium c/ Commission

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