Pour être prononcées, ces sanctions nécessitent des conditions de forme (1) et de fond (2). Lorsqu’elles sont prononcées, elles entraînent des conséquences concrètes (3).
I. Conditions de forme.
Prescription : l’action doit être exercée dans les 3 ans à compter du jugement d’ouverture de la procédure [2].
Si le redressement judiciaire est converti en liquidation judiciaire, c’est la date du redressement judiciaire qui est retenue pour le point de départ du délai de prescription.
Bien que l’action doive être exercée dans le cadre de la procédure collective, la sanction, elle, peut être prononcée après la clôture de la procédure.
Initiative : L’article 653-7 du Code commerce dispose que les personnes compétentes pour exercer l’action en sanction civile sont les suivantes :
Liquidateur ou mandataire judiciaire ;
Contrôleur ;
Ministère public.
Juridiction : le Tribunal de la procédure est seul compétent selon les positions jurisprudentielles récentes [3].
L’ancien article L654-6 du Code de commerce disposait que les sanctions civiles pouvaient être prononcées par le tribunal de la procédure collective et par le tribunal correctionnel dans le cadre de sanctions pénales en accessoire d’une condamnation pénale pour banqueroute, à condition que le tribunal correctionnel soit le premier à sanctionner le dirigeant.
La lecture de l’article L654-6 du Code de commerce dans sa version issue de l’ordonnance du 18 décembre 2008 n°2008-1345 a donné lieu à un débat jurisprudentiel. En effet, l’article L654-6 du Code de commerce permettait aux sanctions de se cumuler si le tribunal correctionnel était à l’origine de la première sanction civile, pour les mêmes faits.
Cette solution était source d’inégalité entre les dirigeants sanctionnés selon la juridiction qui statuait en premier sur la sanction, puisqu’un dirigeant pouvait être sanctionné deux fois.
Une question prioritaire de constitutionnalité a été soumise au Conseil constitutionnel par renvoi de la Cour de cassation.
Par une décision rendue le 29 septembre 2016 (n° 2016-573), le Conseil constitutionnel a retenu que l’article L654-6 du Code de commerce était contraire à la Constitution.
Toutefois, cette décision n’a pas conduit à la suppression pure et simple de cet article, puisque sa version issue de la loi de 2005 a remplacé la version issue de l’ordonnance de 2008 censurée par le Conseil constitutionnel.
Le problème demeurait mais sous une autre forme, cette fois-ci : les sanctions pouvaient se cumuler si le Tribunal correctionnel prononçait la sanction en premier, et cela même pour des faits différents.
Finalement, en 2017, la Cour de cassation [4] a confirmé l’inconstitutionnalité de l’article L654-6 du Code de commerce.
Désormais, un tribunal correctionnel qui sanctionne un dirigeant pour banqueroute ne peut plus prononcer de faillite personnelle ou d’interdiction de gérer à son encontre.
II. Conditions de fond.
La personne objet de la sanction : Lorsqu’une procédure de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire est ouverte, une faillite personnelle ou une interdiction de gérer peut être prononcée [5] :
Aux personnes physiques exerçant une activité commerciale ou artisanale, aux agriculteurs et à toute autre personne physique exerçant une activité professionnelle indépendante y compris une profession libérale soumise à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé ;
Aux personnes physiques, dirigeants de droit ou de fait de personnes morales ;
Aux personnes physiques, représentants permanents de personnes morales, dirigeants des personnes morales définies au 2° tiret.
Par exception, les mesures de sanctions civiles ne sont pas applicables aux personnes physiques ou dirigeants de personne morale, exerçant une activité professionnelle indépendante et, à ce titre, soumises à des règles disciplinaires [6].
Une ou plusieurs fautes reprochées : ces fautes doivent résulter de comportements antérieurs à l’ouverture de la procédure. Par exception, certains comportements peuvent résulter de l’attitude de la personne durant la procédure collective.
Les textes listent les différentes fautes pouvant être reprochées.
Parmi ces fautes, certaines peuvent donner lieu à une mesure de faillite personnelle ou à un défaut d’interdiction de gérer.
Parmi les plus fréquentes, on retrouve notamment :
Détournement ou dissimulation d’actifs (L653-3 I 3°) ;
Des actes commis dans l’intérêt de tiers (L653-5 3°, 4° et 7°) ;
Absence de comptabilité ou irrégularité comptable (L653-5 6°) ;
Poursuite d’une activité déficitaire (L653-3 I 1°).
Certaines fautes spécifiques ne peuvent donner lieu qu’à une interdiction de gérer [7] :
toute personne mentionnée à l’article L653-1 qui a omis sciemment de demander l’ouverture d’une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire dans le délai de quarante-cinq jours à compter de la cessation des paiements, sans avoir, par ailleurs, demandé l’ouverture d’une procédure de conciliation ;
toute personne mentionnée à l’article L653-1 qui, de mauvaise foi, n’aura pas remis au mandataire judiciaire, à l’administrateur ou au liquidateur les renseignements qu’il est tenu de lui communiquer en application de l’article L622-6 dans le mois suivant le jugement d’ouverture ;
toute personne mentionnée à l’article L653-1 qui a, sciemment, manqué à l’obligation d’information prévue par le second alinéa de l’article L622-22.
III. Effets.
L’interdiction de gérer et la faillite personnelle emporte les mêmes effets de base, la faillite personnelle entraîne quelques effets supplémentaires.
Durée de la sanction prononcée : la durée de la sanction prononcée par le tribunal de la procédure ne doit pas excéder 15 ans [8].
La lecture de l’article 8 de la Convention européenne laisse penser que le Tribunal doit tenir compte de la gravité des faits, de la situation matérielle familiale et sociale du dirigeant et de sa personnalité.
Pas d’exécution provisoire du jugement prononçant la sanction civile : contrairement à la majorité des décisions rendues en matière de procédure collective, le jugement qui prononce la faillite personnelle ou l’interdiction de gérer n’est pas exécutoire de plein droit sauf si le tribunal en décide autrement [9].
Effets de l’interdiction de gérer : cette sanction emporte les effets suivants :
Interdiction de gérer toute entreprise, sauf si le tribunal décide de limiter l’interdiction à certaines entreprises ou activités ;
Le tribunal peut enjoindre à ces dirigeants ou à certains d’entre eux, de céder leurs actions ou parts sociales dans la personne morale ou ordonner leur cession forcée par les soins d’un mandataire de justice, au besoin après expertise. Le produit de la vente est affecté au paiement de la part des dettes sociales dans le cas où ces dettes ont été mises à la charge des dirigeants [10] ;
Le droit de vote des dirigeants sanctionnés est exercé dans les assemblées des personnes morales soumises à une procédure de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire par un mandataire désigné par le tribunal à cet effet, à la requête de l’administrateur, du liquidateur ou du commissaire à l’exécution du plan [11].
Toutefois, certaines limites font de l’interdiction de gérer une sanction moins contraignante que la faillite personnelle.
En effet, cette sanction n’entraîne pas la reprise des poursuites individuelles des créanciers après la clôture de la procédure.
En outre, aucune inéligibilité ne peut être prononcée à l’encontre de la personne.
Effets de la faillite personnelle : La faillite personnelle emporte les mêmes effets de base que l’interdiction de gérer, à savoir : interdiction de gérer toute entreprise, possibilité de cession forcée des actions ou parts sociales et conséquence sur le droit de vote.
Ces effets supplémentaires sont les suivants :
L’interdiction de gérer toute entreprise, sans exception possible ;
Reprise du droit de poursuite individuelle des créanciers après la clôture de la procédure ;
Le tribunal qui prononce la faillite personnelle peut prononcer l’incapacité d’exercer une fonction publique élective. L’incapacité est prononcée pour une durée égale à celle de la faillite personnelle, dans la limite de cinq ans. Lorsque la décision est devenue définitive, le ministère public notifie à l’intéressé l’incapacité, qui produit effet à compter de la date de cette notification [12].
A titre de conclusion, la faillite personnelle et l’interdiction de gérer permettent de sanctionner un dirigeant ou toute autre personne visée à l’article L653-1 du Code de commerce qui a commis une ou plusieurs faute(s) particulière(s).
La faillite personnelle présente un degré de sanction supplémentaire puisqu’elle peut toucher la carrière politique de la personne sanctionnée.