Rappel sur la notion de « faillite personnelle ».
Peuvent être frappées de faillite personnelle les personnes physiques qui sont dirigeants de droit ou de fait de personnes morales qui commettent certains « agissements répréhensibles ».
Les agissement répréhensibles sont variés et le Code de commerce prévoit que la faillite personnelle peut être prononcée à l’encontre d’un dirigeant social qui a :
disposé des biens sociaux comme des siens propres ;
fait des actes de commerce dans un intérêt personnel, sous le couvert de la société masquant ses agissements ;
fait des biens ou du crédit de la société un usage contraire à l’intérêt de celle-ci à des fins personnelles ou pour favoriser une autre personne morale ou entreprise dans laquelle il était intéressé directement ou indirectement ;
poursuivi abusivement, dans un intérêt personnel, une exploitation déficitaire qui ne pouvait conduire qu’à la cessation des paiements de la société ;
détourné ou dissimulé tout ou partie de l’actif ou frauduleusement augmenté le passif de la société ;
exercé une activité commerciale, artisanale ou agricole ou une fonction de direction ou d’administration d’une personne morale contrairement à une interdiction prévue par la loi ;
dans l’intention d’éviter ou de retarder l’ouverture de la procédure de redressement ou de liquidation judiciaire, fait des achats en vue d’une revente au-dessous du cours ou employé des moyens ruineux pour se procurer des fonds ;
souscrit, pour le compte d’autrui, sans contrepartie, des engagements jugés trop importants au moment de leur conclusion eu égard à la situation de la personne morale ;
payé ou fait payer, après la cessation des paiements et en connaissance de cause de celle-ci, un créancier au préjudice des autres créanciers ;
fait obstacle au bon déroulement de la procédure en s’abstenant volontairement de coopérer avec les organes de celle-ci ;
fait disparaître des documents comptables, n’a pas tenu de comptabilité lorsque les textes applicables en font obligation ou a tenu une comptabilité fictive, manifestement incomplète ou irrégulière au regard des dispositions applicables ;
déclaré sciemment, au nom d’un créancier de la société, une créance supposée (applicable aux procédures collectives ouvertes depuis le 1er juillet 2014).
La sanction de la faillite personnelle est lourde de conséquences.
En effet, la faillite personnelle emporte interdiction de diriger, gérer, administrer ou contrôler, directement ou indirectement, toute entreprise commerciale ou artisanale, toute exploitation agricole ou toute entreprise ayant toute autre activité indépendante et toute personne morale.
Par ailleurs, les dirigeants frappés de faillite personnelle sont privés de l’exercice de leur droit de vote dans les assemblées de la personne morale soumise à la procédure collective et peuvent même être contraints de céder leurs actions ou parts sociales.
La durée de la sanction est fixée par le tribunal et ne peut excéder quinze ans.
Il faut savoir que le tribunal peut être saisi :
par le ministère public, le mandataire judiciaire, le liquidateur ;
ou, en cas de carence du mandataire de justice, par la majorité des créanciers nommés contrôleurs.
Enfin, il est précisé que la prescription des actions en faillite personnelle est de trois ans à compter du jugement qui ouvre la procédure collective.
La nécessité de faits antérieurs au jugement d’ouverture de la procédure collective.
Dans un arrêt récent [1], la Cour de cassation rappelle que « seuls des faits antérieurs au jugement d’ouverture de la procédure collective peuvent justifier le prononcé de la faillite personnelle ».
Les faits étaient les suivants : une société a été assignée par l’URSSAF en demande d’ouverture d’une procédure de liquidation judiciaire.
La procédure de liquidation judiciaire est ouverte par le tribunal de commerce le 05 octobre 2010 dans l’après midi.
Le matin même, à 08h, le dirigeant de société opère un virement de plus de 10.000 euros depuis le compte bancaire de la société vers son compte personnel.
Par la suite, le liquidateur assigne le dirigeant de société afin que soit prononcée à son encontre une mesure de faillite personnelle.
Il est reproché au dirigeant de société d’avoir détourné un actif de la société : « devant l’impérieuse nécessité de rembourser un découvert exceptionnel ; M. N... a cherché à récupérer quelques fonds avant d’être privé de la direction de la société par la décision qu’il savait devoir intervenir quelques heures plus tard ».
La Cour d’appel donne raison au liquidateur et prononce la faillite personnelle du dirigeant, retenant à son encontre « un détournement de l’actif de la société le 5 octobre 2010 à 8 heures ».
La Cour de cassation censure cette décision au visa des articles L. 653-4, 5° et R. 621-4 du code de commerce : « Qu’en statuant ainsi, alors que les faits reprochés à M. N...ayant eu lieu le jour même de l’ouverture de la procédure collective, ils étaient nécessairement postérieurs à celle-ci, dès lors que le jugement d’ouverture prend effet le jour de son prononcé à 0 heure, la cour d’appel a violé les textes susvisés ».
La Haute Juridiction procède à un rappel utile et conforme à sa jurisprudence : le jugement d’ouverture de la liquidation judiciaire prend effet à compter de sa date c’est-à-dire à zéro heure le jour de son prononcé.
En résumé, la sanction de la faillite personnelle ne peut être prononcée que pour des faits que le dirigeant a commis avant l’ouverture de la procédure collective de la société et les faits du jour de l’ouverture de la liquidation ne sont pas répréhensibles au titre de la faillite personnelle.