Introduction.
Pour beaucoup d’influenceurs, les réseaux sociaux sont bien plus qu’un simple outil : ils sont devenus leur espace de travail, leur scène, parfois même une extension de leur vie personnelle. Mais cette visibilité, si précieuse pour leur travail, s’accompagne trop souvent d’une face sombre : messages haineux, campagnes coordonnées de harcèlement, menaces, usurpations d’identité, diffusion d’informations personnelles ou encore piratages.
Ces attaques ne sont pas isolées. Elles sont récurrentes, souvent organisées, et visent parfois des groupes entiers. Face à cette violence numérique, de nombreux créateurs ressentent le besoin de ne plus affronter seuls ce qu’ils vivent. Se regrouper, s’entraider, agir ensemble devient une évidence. Mais comment faire ? Et surtout, comment faire efficacement ?
La vraie question est la suivante : comment structurer un collectif d’influenceurs pour qu’il soit écouté, reconnu, et capable de se défendre juridiquement ?
I. Pourquoi structurer juridiquement un collectif.
Il existe déjà des regroupements spontanés : des groupes WhatsApp, des échanges sur Instagram ou Discord, des élans de solidarité parfois très forts. Mais juridiquement, ces initiatives n’ont aucune existence. Elles ne peuvent ni agir en justice, ni porter plainte en tant que collectif, ni même ouvrir un compte bancaire ou signer un contrat. Et face à des plateformes ou à l’administration, elles restent invisibles.
Se doter d’une structure juridique permet de passer à une autre échelle. Cela donne de la légitimité au collectif, et surtout les moyens concrets d’agir : porter une voix commune, engager des actions, être pris au sérieux.
II. L’association loi 1901 : la solution la plus simple et la plus efficace.
Créer une association est aujourd’hui la démarche la plus accessible pour structurer un collectif d’influenceurs. La loi du 1ᵉʳ juillet 1901 permet à un groupe de personnes de se réunir autour d’un objectif commun, dans un cadre souple et sécurisé.
Une fois constituée, l’association peut agir en justice, signer des conventions, percevoir des aides, et être un interlocuteur reconnu, que ce soit auprès des plateformes, des médias, ou des institutions. La procédure de création est relativement simple : il faut rédiger des statuts, désigner un bureau (président, trésorier, etc.) et faire une déclaration en préfecture.
Mais attention : il est essentiel de soigner l’objet social. Il doit être clair, précis, et fidèle à la mission que se donne le collectif. Par exemple : « Regrouper les influenceurs victimes de harcèlement en ligne, leur apporter un soutien moral et juridique, sensibiliser le public et les institutions, et entreprendre toute action utile à la défense de leurs droits fondamentaux ».
Une fois l’association créée, elle pourra coordonner les actions de ses membres, organiser des soutiens juridiques, déposer plainte au nom du collectif, ou encore se constituer partie civile.
III. Que peut faire concrètement une association ?
Une association peut tout d’abord déposer plainte lorsqu’elle est directement visée par des attaques ou que ses membres sont touchés collectivement. Elle peut aussi se constituer partie civile, c’est-à-dire participer à une procédure judiciaire pour obtenir réparation.
Si un commissariat refuse de prendre une plainte - ce qui arrive malheureusement encore souvent dans les affaires de harcèlement en ligne - l’association peut directement écrire au procureur de la République. Cette démarche se fait par courrier recommandé. Pour qu’elle soit prise au sérieux, la plainte doit être juridiquement construite, appuyée de preuves (captures d’écran, messages, liens, etc.) et s’appuyer sur des qualifications pénales solides. D’où l’importance d’être accompagné par un avocat.
L’association peut aussi engager des recours contre les plateformes lorsqu’elles n’agissent pas, malgré des signalements répétés. La loi leur impose de retirer les contenus manifestement illicites dans des délais raisonnables. Leur inaction peut engager leur responsabilité.
Enfin, l’association peut saisir la CNIL si des données personnelles sont exposées sans autorisation (adresse, numéro, localisation, etc.), ce qui arrive souvent dans les cas de doxing.
IV. Aider chaque membre à faire valoir ses droits.
Au-delà de l’action collective, chaque membre du collectif conserve bien sûr ses droits en tant que personne. Il peut porter plainte, demander réparation, se constituer partie civile ou encore engager une action en justice à titre individuel. Et là aussi, l’association joue un rôle clé.
Elle peut faciliter la constitution des dossiers, centraliser les preuves, mettre les membres en lien avec des avocats ou des professionnels de santé, organiser des plaintes conjointes pour donner du poids aux démarches, et accompagner chacun dans l’évaluation de son préjudice, qu’il soit moral, professionnel ou économique.
L’idée n’est pas de tout faire à la place des membres, mais de leur permettre d’agir plus sereinement, avec un cadre, du soutien, et des ressources communes.
V. Le recours à la médiatisation comme levier d’action.
Le droit est un levier. Mais dans certains cas, la médiatisation est un accélérateur. Lorsqu’un collectif prend publiquement la parole, explique ce qu’il vit, alerte sur des dérives ou dénonce l’inaction des plateformes, cela peut faire bouger les lignes.
L’association peut organiser des prises de parole dans les médias, publier des communiqués de presse, sensibiliser le public, participer à des débats, interpeller les institutions. Cela permet de sortir du silence, de briser l’isolement, et de faire exister le sujet au-delà du cercle des victimes.
Évidemment, cette communication doit être pensée avec précaution. Elle ne doit pas exposer les membres à de nouvelles attaques, ni donner lieu à des contentieux pour diffamation. D’où l’intérêt d’un accompagnement juridique, pour que cette stratégie médiatique soit cohérente avec les démarches judiciaires en cours.
Conclusion.
Agir seul contre le harcèlement en ligne est souvent décourageant. Pourtant, des solutions existent. Structurer un collectif d’influenceurs sous la forme d’une association, c’est se donner les moyens de réagir, de se protéger et d’agir ensemble, avec force et légitimité.
L’association loi 1901 permet de passer d’un groupe informel à un acteur reconnu, capable de dialoguer avec les plateformes, de se faire entendre des pouvoirs publics, de soutenir ses membres, et, surtout, de ne plus subir en silence.
Créer un collectif, c’est déjà une forme de réponse. L’organiser juridiquement, c’est le rendre audible et efficace. Pour les influenceurs confrontés à ces violences, le droit est là. Encore faut-il savoir l’utiliser.