Comment réagir face à une lettre de réclamation concernant des images publiées sans autorisation sur un blog personnel ?

Par Marina Carrier, Avocat.

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Explorer : # droit d'auteur # copyright trolling # gestion des images en ligne # concurrence déloyale

Recevoir une lettre de réclamation pour l’utilisation d’une image sur son blog personnel, non monétisé et destiné à un public restreint, peut surprendre et inquiéter bon nombre de blogueurs amateurs. Ces demandes, parfois accompagnées de montants élevés en guise de "transaction", sont fréquemment le fait de sociétés mandatées par des agences de presse et spécialistes du contentieux d’opportunité appelés "copyright trolls". Pourtant, elles ne sont pas toutes légalement fondées. Cet article vise à fournir les clés pour comprendre la portée de ces réclamations, en évaluer la validité et adopter la bonne stratégie de réponse, tout en s’inscrivant dans une démarche préventive pour l’avenir.

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Décrypter la réclamation : entre droit et abus.

Des sociétés de recouvrement de droits scrutent internet à l’aide de logiciels automatisés pour repérer l’utilisation non autorisée de photographies ou d’images. Leur activité cible aussi bien les entreprises commerciales que les particuliers, y compris les blogueurs personnels sans but lucratif. Ces entités agissent pour le compte de titulaires de droits (agences de presse, banques d’images, photographes professionnels) et expédient des courriers dénonçant un usage contrefaisant d’une image, accompagnés d’une demande de régularisation financière.

Souvent, la réclamation prend la forme d’une "mise en demeure amiable" contenant un extrait du blog incriminé, une référence à la photo (souvent accompagnée d’une capture d’écran), la revendication d’un droit d’auteur, et un montant à régler en compensation. Ces pratiques, bien que parfois fondées, reposent souvent sur une exploitation de la peur d’une procédure judiciaire.

Exiger la preuve de la titularité et du mandat de représentation.

Conformément à l’article L113-1 du Code de la propriété intellectuelle (CPI), la qualité d’auteur appartient, sauf preuve contraire, à celui ou ceux sous le nom de qui l’œuvre est divulguée. Avant toute réponse ou reconnaissance de responsabilité, le destinataire de la réclamation est en droit de demander :

  • Une preuve que l’image est bien une "œuvre de l’esprit" originale au sens de l’article L112-1 du CPI ; c’est souvent ce point que les sociétés de recouvrement sont dans l’incapacité de caractériser, les images ciblées étant le plus souvent des images prises sur le vif, sans effort esthétique ou du lorem picsum (images banales, génériques, utilisées pour illustrer des articles ou pour aider à la mise en page de sites web de façon temporaire) ;
  • L’identité de l’auteur de l’image et la date de première divulgation ;
  • Le contrat de cession ou le mandat établi entre l’auteur (ou ses ayants droit) et la personne morale qui formule la réclamation, justifiant d’une transmission des droits patrimoniaux [1] ;
  • La preuve que la photo revendiquée est effectivement celle apparaissant sur le blog (URL horodatée, fichier d’origine, etc.).

L’absence de ces éléments affaiblit la crédibilité de la demande et peut être un levier dans la discussion.

Réagir et prévenir : vers une gestion responsable des images en ligne.

Apprécier les risques juridiques et choisir une stratégie de réponse.

Le droit d’auteur confère à son titulaire un droit exclusif d’exploitation. En conséquence, la reproduction ou la représentation d’une image sans autorisation constitue, en principe, un acte de contrefaçon au sens de l’article L335-3 CPI, même si le blog n’est pas monétisé.

Toutefois, le juge apprécie les faits au regard du préjudice subi. Or, comme les juridictions le rappellent régulièrement [2], le montant des dommages intérêts doit être proportionné à l’exploitation effective et au préjudice éventuel (audience du blog, durée de publication, absence de caractère lucratif).

Trois stratégies peuvent donc être envisagées :

  • Reconnaître l’erreur et proposer un montant raisonnable, fondé sur le tarif d’une licence à usage éditorial limité et non commercial ;
  • Contester la demande, en soulignant les éléments manquants, la disproportion du montant réclamé, voire l’absence d’originalité de l’image tel, par exemple, une photo banale ou prise sur le vif [3] ;
  • Solliciter un conseil juridique, en cas de menace de procédure ou d’action en contrefaçon introduite devant un tribunal.

Attention aux actes de concurrence déloyale ou de parasitisme.

En parallèle, il ne faut pas négliger le risque d’une action en concurrence déloyale (dans un cadre concurrentiel) ou parasitisme (en dehors de toute activité concurrentielle), lorsque l’image utilisée, bien que non protégée par le droit d’auteur, est exploitée dans un contexte de captation de la valeur économique créée par autrui. Ainsi, selon une jurisprudence constante [4], le fait pour un tiers de tirer profit d’un investissement matériel ou intellectuel sans autorisation ni contrepartie peut constituer un acte de parasitisme, même en l’absence de droit exclusif.

En pratique, une action pour parasitisme suppose de démontrer :

  • un investissement ou un savoir-faire préalable du demandeur ;
  • une reprise ou exploitation par le défendeur dans un contexte économique comparable ;
  • l’existence d’un préjudice (atteinte à la valeur économique, détournement de clientèle, etc.

L’usage d’une image banale sur un blog personnel non monétisé ne suffira pas à caractériser un acte de parasitisme sans ces éléments.

Marina Carrier
Avocat associé
Barreau de Toulouse
www.halt-avocats.fr

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Notes de l'article:

[1Art. L131-3 CPI.

[2Notamment CA Paris, 12 févr. 2021, n° 19/20681.

[3CA Rennes, 18 janv. 2022, n° 19/06526.

[4Par exemple Cass. com., 26 janv. 1999, n° 96-20.177.

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