Le constat du manque d’objectivité contenu dans le Rapport d’étape du Conseil national de la médiation 2024 m’a donc conduit à confier cette tâche à une IA nourrie de plusieurs types d’informations :
- une liste des biais cognitifs,
- une documentation sur les conceptions sur la médiation.
Le travail de l’IA a permis de mettre en évidence la conception idéologique de la médiation promue par le ministère de la justice. Parallèlement, l’analyse méthodologique a révélé les biais cognitifs qui influencent la conception de la médiation telle que promue par cette instance sous l’égide du ministère de la Justice. Approche engagée idéologiquement ? Contre-productivité de la médiation ? L’IA procède à une analyse minutieuse qui est à la portée de tous.
Ce travail de recherche méthodologique permet à chacun d’être vigilant sur la manière dont les choix peuvent être faits tant en matière juridique que judiciaire, mais aussi des choix de gouvernance, de management ou de pédagogie. Il en va ici d’une orientation culturelle et d’une conception générale de considérer l’accompagnement des personnes confrontées à des différends.
I. Conception idéologique de la médiation.
Il existe plusieurs courants de pensée influençant nombre d’environnement. Ces courants de pensée sont présents dans la littérature, le théâtre, le cinéma et bien sûr dans l’ensemble des pratiques relationnelles : la gouvernance, le management, l’enseignement, les relations sociales et familiales. Il n’est donc pas étonnant de retrouver ces influences dans le développement de la médiation. Le rapport d’étape du conseil national de la médiation n’échappe pas à ce constat.
Bienveillance et connotation religieuse : certaines expressions telles que "paix sociale", "justice inspirante", "dialogue bienveillant" ou encore l’évocation de l’équité et de la compréhension mutuelle semblent chargées de connotations qui peuvent rappeler les valeurs chrétiennes ou humanistes (appel au respect, à la compréhension mutuelle, etc.).
Juridique : le rapport présente une orientation fortement influencée par les institutions juridiques. De nombreux membres sont des magistrats, avocats ou acteurs du ministère de la Justice, ce qui renforce l’idée que la médiation y est pensée en lien étroit avec le cadre judiciaire. Il y a une insistance sur les procédures et les dispositifs légaux (comme les MPO - Médiations Préalables Obligatoires) et une médiation encadrée par des référentiels déontologiques à caractère formel et juridique.
Psychosociale : bien que moins dominante, une approche psychosociale transparaît dans les passages relatifs à la médiation familiale ou à la gestion des conflits en entreprise, qui mentionnent les dimensions émotionnelles et les relations humaines.
Méthodologique et rationnelle (Discursive) : cette dimension est moins affirmée. Bien que le rapport insiste sur la formation et la qualité professionnelle des médiateurs, il ne met pas suffisamment en avant une médiation fondée sur des processus méthodologiques rationnels structurés, comme le propose la médiation professionnelle fondée sur l’ingénierie relationnelle.
II. Orientation méthodologique manquante.
Le rapport ne présente pas une médiation fondée sur des techniques rationnelles comme l’altérocentrage ou la restitution de sens, ni ne met en avant les approches modernes telles que la médiation professionnelle qui privilégie une posture méthodologique, rationnelle et sans dimension affective ou morale.
3. Références à des biais cognitifs et à des conceptions erronées.
Dans le rapport, certaines approches comportementales et émotionnelles véhiculent indirectement des biais cognitifs, notamment dans les conceptions influencées par les notions de "réconciliation émotionnelle" ou de "relation bienveillante".
Biais de confirmation.
- Définition : tendance à privilégier les informations confirmant les croyances ou les conceptions préétablies.
- Manifestation dans le rapport : le rapport valorise fortement les pratiques de médiation intégrées au cadre juridique, en mettant en avant les magistrats, avocats et autres acteurs judiciaires comme figures clés de la médiation. Cette approche néglige ou minimise les méthodes méthodologiques et rationnelles qui s’éloignent du référentiel judiciaire.
En insistant sur l’importance de la déontologie et du cadre légal, le rapport semble valider principalement les formes de médiation qui s’inscrivent dans une logique de contrôle juridique, en excluant d’autres approches comme celle de la médiation professionnelle qui privilégie l’autonomie décisionnelle et l’accompagnement rationnel.
Impact : ce biais conforte une vision classique de la médiation comme "outil au service du judiciaire", occultant les approches plus innovantes fondées sur la qualité relationnelle ou l’ingénierie relationnelle.
Biais de temporalité contextuelle.
- Définition : tendance à adapter les solutions en fonction du contexte immédiat, en surestimant la pertinence des réponses traditionnelles ou en minimisant les évolutions récentes.
- Manifestation dans le rapport : la médiation est présentée comme une extension du cadre judiciaire visant à désengorger les tribunaux. Cette approche privilégie des solutions historiques et classiques, oubliant les avancées méthodologiques contemporaines comme les processus rationnels et structurés de médiation professionnelle.
La notion de "paix sociale" évoquée dans le rapport illustre cette temporalité contextuelle, car elle repose sur une vision du conflit influencée par des schémas historiques (conciliation, pacification par l’autorité ou la morale), plutôt que par des dynamiques contemporaines axées sur l’autonomie décisionnelle et la régulation relationnelle.
Impact : le rapport semble privilégier des approches qui répondent aux attentes d’un contexte socio-judiciaire figé dans ses pratiques anciennes, au détriment d’une réflexion plus ouverte et évolutive sur les modalités de médiation.
Biais d’autorité.
- Définition : tendance à accorder une valeur excessive aux idées ou décisions émanant d’une figure d’autorité.
- Manifestation dans le rapport : la forte présence de magistrats, d’avocats et d’acteurs institutionnels crée une domination symbolique des représentations juridiques de la médiation.
L’autorité du ministère de la Justice, présentée comme garant de la légitimité de la médiation, éclipse les démarches fondées sur des modèles méthodologiques indépendants.
Impact : ce biais empêche une véritable reconnaissance de la médiation comme démarche autonome, distincte du monde judiciaire.
Biais du statu quo.
- Définition : préférence pour le maintien des systèmes ou pratiques existants, même lorsque des solutions plus adaptées émergent.
- Manifestation dans le rapport : la volonté affichée de développer une "culture de l’amiable" repose sur une intégration étroite dans les dispositifs judiciaires existants, plutôt que sur la reconnaissance d’une approche de médiation fondée sur la liberté de décision et l’autonomie des parties.
La médiation y est souvent réduite à un outil procédural d’accompagnement de la justice, plutôt qu’à un espace de réflexion et d’expression rationnelle permettant aux parties de trouver leurs propres solutions.
Impact : ce biais conforte la médiation dans une dépendance aux systèmes judiciaires traditionnels, limitant les opportunités d’innovation méthodologique.
Biais de cadrage.
- Définition : tendance à percevoir une situation à travers un prisme restreint influencé par la manière dont les informations sont présentées.
- Manifestation dans le rapport : le rapport présente la médiation avant tout comme un "facteur de paix sociale" et un "outil d’apaisement", ce qui cadre fortement la médiation dans une logique émotionnelle ou morale, au détriment d’une approche technique et méthodologique. Cette approche tend à infantiliser les parties en conflit en les privant de l’exploration autonome de leurs propres solutions. Une formulation plus marquée sur les risques de dépendance à l’autorité judiciaire serait pertinente.
En insistant sur l’idée que la médiation peut rétablir la communication sans mentionner les techniques rationnelles (comme l’altérocentrage ou la restitution de sens), le rapport valorise davantage la posture empathique et émotionnelle que la maîtrise des processus relationnels objectifs.
En réduisant la médiation à une simple recherche d’apaisement émotionnel plutôt qu’à un processus structuré favorisant l’autonomie décisionnelle, en extension de la décision libre à l’origine de la relation devenue conflictuelle, le rapport entretient, malgré bien des formules, la confusion entre médiation et conciliation.
Impact : cette vision oriente la médiation vers une forme d’intervention plus affective que rationnelle, ce qui peut fragiliser son efficacité en contexte de conflit complexe.
Biais de familiarité.
- Définition : préférence pour des solutions déjà connues ou testées, même si elles ne sont pas optimales.
- Manifestation dans le rapport : la médiation familiale et la médiation institutionnelle sont largement mises en avant, ces formes étant historiquement intégrées dans les pratiques judiciaires. En revanche, les modèles alternatifs fondés sur des méthodes rationnelles structurées (comme l’ingénierie relationnelle ou la médiation professionnelle) sont absents du rapport.
Impact : cette orientation perpétue des pratiques établies au lieu d’encourager l’innovation et les approches fondées sur les sciences cognitives et les méthodes rationnelles.
Conclusion.
Le Conseil national de la médiation semble influencé par plusieurs biais cognitifs qui orientent son approche vers une médiation :
- Fortement encadrée par le juridique (biais de confirmation et biais d’autorité ;
- Ancrée dans des pratiques anciennes qui limitent l’innovation méthodologique (biais du statu quo et biais de temporalité contextuelle ;
- Teintée de connotations morales et émotionnelles favorisant une approche de la médiation fondée sur la bienveillance et la paix sociale (biais de cadrage).
En privilégiant une médiation sous l’égide du ministère de la Justice, le rapport tend à institutionnaliser la médiation comme un prolongement du contrôle étatique sur les relations sociales, au détriment d’une médiation émancipée et autonome, fondée sur la réflexion rationnelle et la régulation relationnelle. Pour que la médiation devienne un véritable levier d’émancipation sociale et décisionnelle, un droit fondamental à la libre décision, il est impératif de renforcer les approches fondées sur la rationalité et l’autonomie des parties. La médiation professionnelle, avec ses outils précis et sa posture méthodologique, incarne cette démarche d’avenir.