I. Un statut adapté aux litiges du quotidien.
Le statut est un ensemble de textes qui régissent la situation et l’activité d’une personne.
Celui du conciliateur de Justice est défini par le décret du 30 mars 1978 : c’est un auxiliaire de justice assermenté qui exerce sa mission à titre gratuit. Il s’agit d’une mission de service public de proximité qui relève du ministère de la Justice.
Le conciliateur de justice peut être saisi par tous moyens certes, mais pour une meilleure traçabilité seront privilégiés les rendez-vous à sa permanence, les saisines en ligne via le site « Conciliateurs de France » [1] ou directement sur la messagerie dédiée à son activité.
En outre, en vertu de l’article 750-1 du Code de Procédure Civile, à peine d’irrecevabilité que le juge peut prononcer d’office, une demande en Justice doit être précédée obligatoirement d’une tentative de conciliation menée par un conciliateur de justice ou d’une tentative de médiation ou d’une tentative de procédure participative lorsqu’elle :
- tend au paiement d’une somme n’excédant pas 5 000 euros,
- est relative :
- à des actions en bornage ;
- à la distance prescrite par la loi pour les plantations ou l’élagage d’arbres ou de haies ;
- aux constructions et travaux mentionnés à l’article 674 du code civil ;
- au curage des fossés et canaux servant à l’irrigation des propriétés ou au mouvement des usines et moulins ;
- aux servitudes et leurs indemnités visées par le code rural et de la pêche maritime ; articles 640 et 641 du Code civil ;
- aux servitudes établies au profit des associations syndicales de propriétaires ;
- aux troubles anormaux de voisinage (nuisances sonores, olfactives, visuelles, différends de personnes…).
Pour ces domaines du droit civil, la maxime de droit romain « de minima non curat praetor » (le juge ne s’occupe pas des petites affaires) ne saurait s’appliquer.
La réalité judiciaire aujourd’hui est que ni le juge des contentieux de la protection, ni le juge des référés n’ont aujourd’hui le temps :
- de se transporter sur les lieux du litige,
- d’auditionner des tiers,
- et surtout de traiter de façon aussi approfondie qu’ils le souhaiteraient les très nombreux dossiers dont ils sont saisis et dont ils peuvent prendre connaissance seulement 48h avant l’audience.
Pour ces raisons, déjà, le conciliateur de Justice est un allié précieux.
II. La question d’un statut renforcé.
Les parties peuvent s’opposer dans le cadre d’affaires plus importantes quant à leur montant (supérieures à 10 000 euros) ou qui achoppant sur un problème lié au droit de propriété pour lequel il existe des solutions (accord de tour d’échelle, plan d’échange…), affaires relevant du tribunal judiciaire.
Le recours à un conciliateur de justice expérimenté peut permettre de trouver une solution équitable et respectueuse des droits des parties sans avoir à recourir à une procédure judiciaire qui peut s’avérer longue et coûteuse, avec une incidence non négligeable sur la santé des justiciables.
Pour certaines affaires complexes, certains conciliateurs de Justice savent, en effet, amener les parties, seules ou accompagnées par leurs avocats, à un accord amiable au mieux de leurs intérêts respectifs, accord qui peut ensuite être homologué par le juge.
Dès lors, serait-il question de donner à de tels conciliateurs de Justice un pouvoir qui est habituellement celui du juge (convocation, homologation, rappel à la loi, …) ?
Non a priori, essentiellement pour deux raisons.
La première tient à leur formation et leur expérience. La population des conciliateurs de justice, si elle représente une richesse en terme de parcours professionnels, est très hétérogène quant à leurs expériences et connaissances juridiques sans compter le temps, très variable, que chacun peut consacrer à sa fonction. Tous ne sont pas armés pour répondre à des enjeux plus importants et très chonophages.
La formation des magistrats, recrutés sur concours, est longue et intense et intègre dorénavant l’enseignement des MARDs.
Il est difficile d’imaginer que les brèves formations complémentaires prodiguées par l’École Nationale de la Magistrature aux conciliateurs de justice pourraient leur permettre d’atteindre le niveau suffisant pour traiter d’affaires plus complexes.
La seconde tient à leur cursus de conciliateur. En fonction de ce cursus, conviendrait-il de distinguer deux catégories parmi les quelque 2 700 conciliateurs dont la majorité est affiliée à la Fédération Nationale des Conciliateurs de France ?
Cela n’est pas davantage envisageable. L’égalité de statut est fondamentale.
Il serait inapproprié de créer une dichotomie qui pourrait nuire à la profession qui distingue déjà en son sein, de fait, les « sachants » et les autres dont le rôle social est considéré comme déterminant.
Le conciliateur de Justice, de façon conventionnelle ou sur délégation du juge, est avant tout un facilitateur qui s’efforce de consacrer le temps nécessaire aux affaires qui lui sont confiées, avec patience et bienveillance.
Ainsi, il peut attendre qu’une plainte ait été classée sans suite pour tenter de rapprocher les parties et les convaincre qu’il est de leur intérêt de trouver une solution sur le plan civil.
Il peut également, en lien avec d’autres intervenants (service Urbanisme, géomètre expert si besoin,…) aider les parties à régler leur différend concernant une application du Plan Local d’Urbanisme, voire un empiètement de terrain.
De la même façon, dans le cadre d’un différend où une expertise technique est nécessaire, le conciliateur peut convaincre les parties de recourir à un expert judiciaire, par nature neutre et impartial, dont elles partageront le coût.
III. Un statut compatible avec des enjeux juridictionnels.
Certains conciliateurs sont plus expérimentés, tant dans les différents domaines du droit civil dans lesquels ils interviennent que par leur connaissance du droit qui représente véritablement un atout.
Car, si ce n’est pas le rôle du conciliateur de « dire le droit », pouvoir prendre en compte les remarques de l’une ou l’autre des parties en ce domaine est essentiel.
Le conciliateur expérimenté ne se contente pas de connaissances juridiques sommaires, mais avant chaque rendez-vous ou réunion, sa formation juridique le prédispose à rechercher plus facilement les éléments qui lui permettront d’éclairer avec pertinence une situation particulière, qu’il s’agisse des dispositions du Code civil ou de jurisprudence.
Il peut ainsi plus facilement répondre aux remarques des parties en la matière pour ensuite les orienter pleinement vers la résolution de leur différend davantage marqué par des rapports humains difficiles.
De la même façon, le conciliateur de justice prend un soin particulier à rechercher toute information utile et instruire les éléments du dossier pour mieux comprendre le contexte particulier dans lequel est survenu le litige, ce qu’aura difficilement le temps de faire le juge.
Enfin, il sait rédiger des constats d’accord aboutis tant sur le fond que sur la forme, tout particulièrement pour ceux devant faire l’objet d’une homologation du juge par ordonnance.
Pour ces conciliateurs expérimentés, l’intervention « aux côtés du juge » ne peut se faire que sur la base d’un volontariat.
Encore faut-il que le juge des contentieux de la protection (chambre de proximité) ou celui des référés (tribunal judiciaire) connaisse les conciliateurs et conciliatrices de son ressort, soit convaincu de leur valeur ajoutée et ait pu établir avec eux un lien de confiance pour travailler en complémentarité lors des audiences qui concernent leurs domaines d’intervention légitimes.