À ce titre, bien que le régime juridique afférent à la reconstruction en droit de la copropriété soit régi par les articles 38 à 41 de la loi du 10 juillet 1965, il importera tout de même de différencier deux situations distinctes.
La première situation correspond à la destruction d’un bâtiment soumis à la loi du 10 juillet 1965 comprenant au moins deux copropriétaires.
La seconde, qui est une situation plus exceptionnelle, est celle de la destruction d’un bâtiment indépendant au sein de la copropriété appartenant à un copropriétaire unique.
il sera dans cet article analysé le régime juridique de cette seconde situation qui semble nécessiter un éclaircissement, notamment du fait de l’existence d’une jurisprudence relativement limitée en la matière.
En conséquence, il sera examiné les trois points à respecter aux fins d’obtenir la réalisation de la reconstruction d’un lot sinistré indépendant du reste de la copropriété et appartenant à un copropriétaire unique.
Tout d’abord, il est important de noter l’absence d’influence de l’origine du sinistre sur le droit à reconstruire du copropriétaire unique.
Il est vrai que la loi ne restreint pas expressément les causes du sinistre donnant lieu à une reconstruction du lot détruit.
Par application de la loi et au regard de la jurisprudence sur cette question, les motifs de destruction traités par le juge sont larges et ne semblent pas être limités.
Il a été jugé à ce titre, la possibilité pour le copropriétaire de reconstruire le lot sinistré suite à :
une explosion accidentelle (CA Paris 6 juill.2007 n°0512219),
un incendie (TGI Bobigny, 5e ch., 3e sect., 20 déc. 2017, n° 16/06615),
une démolition complète, suite à une injonction administrative (TGI Paris, 8e ch. 2e sect., 5 nov. 2009, n° 09/12543).
La diversité de ces situations vient donc renforcer le fait que l’origine du sinistre est indifférente et n’est pas une condition pouvant empêcher une reconstruction d’un lot sinistré dans le cadre de l’interprétation de la loi du 10 juillet 1965.
Ensuite, il peut être dérogé conventionnellement aux dispositions régissant la reconstruction d’un lot sinistré des articles 38 et suivants de la loi du 10 juillet 1965.
Or, le plus souvent en pratique, les règlements de copropriété reproduisent intégralement les articles précités au sein du règlement de copropriété.
Cela étant dit, le copropriétaire concerné devra tout d’abord s’assurer de l’indépendance de son bâtiment au sein du règlement de copropriété et de l’état descriptif de division.
Point n°1 la vérification de l’indépendance du bâtiment dans le règlement de copropriété et l’état descriptif de division.
Les premiers documents à vérifier sont bien le règlement de copropriété et l’état descriptif de division.
C’est donc ces derniers qui vont définir si oui ou non le bâtiment en question doit être considéré comme indépendant. C’est également ces derniers qui vont justifier de la répartition de la prise en charge des travaux de reconstruction.
Effectivement, le règlement de copropriété doit explicitement mentionner l’existence d’un bâtiment indépendant en le séparant des autres bâtiments de la copropriété.
Pour cela, il importera de se fonder notamment sur un faisceau d’indices.
Le plus souvent, ledit règlement prévoira en sus de l’indépendance du bâtiment (bâtiment 1, bâtiment 2 et bâtiment 3), une spécialisation des charges dont le copropriétaire unique en sera le seul redevable. S’appuyer sur le plan de la copropriété pour établir la séparation du bâtiment est également une bonne pratique.
Cette condition remplie, le copropriétaire devra ensuite se poser la question de savoir si une décision d’assemblée générale est nécessaire avant de procéder aux travaux de reconstruction.
Point n°2 l’absence de nécessité de principe d’obtenir une décision d’assemblée générale de copropriété.
Le copropriétaire d’un bâtiment indépendant doit-il obtenir une décision d’assemblée générale de copropriété pour la reconstruction du lot sinistré ?
C’est ici la question centrale qui se pose sur ce sujet. C’est d’ailleurs la principale opposition entre le régime applicable au copropriétaire unique d’un bâtiment indépendant et le régime applicable à un bâtiment comprenant au moins deux copropriétaires.
L’article 38 de la loi du 10 juillet 1965 prévoit :
« En cas de destruction totale ou partielle, l’assemblée générale des copropriétaires dont les lots composent le bâtiment sinistré peut décider à la majorité des voix de ces copropriétaires, la reconstruction de ce bâtiment ou la remise en état de la partie endommagée. Dans le cas où la destruction affecte moins de la moitié du bâtiment, la remise en état est obligatoire si la majorité des copropriétaires sinistrés la demande. Les copropriétaires qui participent à l’entretien des bâtiments ayant subi les dommages sont tenus de participer dans les mêmes proportions et suivant les mêmes règles aux dépenses des travaux. »
À l’aune de cet article, il est bien précisé qu’une décision d’assemblée générale est en principe nécessaire à la reconstruction d’un lot de copropriété détruit.
Cette question ne fait aucun doute dans le cadre d’un bâtiment appartenant au moins à deux copropriétaires, une décision d’assemblée générale à la majorité requise sera donc nécessaire.
Néanmoins, il a été jugé à plusieurs reprises en ce qui concerne le copropriétaire unique d’un bâtiment indépendant, qu’une décision d’assemblée générale n’était pas obligatoire dès lors que la reconstruction était projetée à l’identique.
Pour illustration, le tribunal de grande instance de Paris a jugé le 2 février 2006 (TGI Paris, 8e ch. 2e sect., 2 févr. 2006, n° 02/12725) :
« Qu’il s’ensuit qu’A B, dont il n’est pas contesté qu’il disposait seul de la propriété d’un lot constituant un pavillon, n’avait nul besoin de l’autorisation des autres copropriétaires pour reconstruire un pavillon dont seule l’existence d’une ouverture est critiquée ; »
Dans le même sens, le tribunal de grande instance de Bobigny, a jugé le 26 septembre 2012 (Tribunal de grande instance de Bobigny, 5e chambre, 2e section, 26 septembre 2012, n° 10/13402) :
« — si le bâtiment sinistré appartient à un seul copropriétaire, une assemblée spéciale réunissant ce seul copropriétaire n’a pas lieu de se tenir, et la reconstruction du bâtiment doit être financée par ce seul copropriétaire,
— les copropriétaires des bâtiments non sinistrés ne participent pas au financement des travaux de reconstruction notamment lorsque le règlement de copropriété prévoit une spécialisation des charges du bâtiment sinistré »
Il est par conséquent notable et logique que ces décisions viennent préciser l’absence d’obligation d’obtenir une autorisation de l’assemblée générale pour le copropriétaire unique d’un bâtiment séparé au sein de la copropriété.
Toutefois, nous ne saurons que trop conseiller d’obtenir tout de même une autorisation de l’assemblée générale par la préparation d’un projet de résolution complet, à tout le moins, de préalablement prévenir le conseil syndical des travaux de reconstruction afin d’éviter toute situation potentielle de blocage ou autre désagrément.
Point n°3 l’obtention d’une autorisation d’urbanisme adéquate pour une reconstruction à l’identique.
Enfin, dernier point et pas des moindres, il sera avant tout début de travaux également nécessaire d’obtenir une autorisation d’urbanisme de l’autorité compétente pour reconstruire à l’identique.
Sans entrer dans le détail du régime spécifique de la reconstruction à l’identique en matière de droit de l’urbanisme, lequel sera traité dans un futur article, le projet devra soit être soumis à déclaration préalable soit à permis de construire, selon son ampleur et sa situation.
En tout état cause, il est essentiel que le projet de reconstruction justifie d’une identité de gabarit et d’une identité de surface semblables à la construction détruite tant au niveau du droit de la copropriété (TGI Paris, 8e ch. 2e sect., 2 févr. 2006, n° 02/12725) qu’au niveau du droit de l’urbanisme si le copropriétaire souhaite bénéficier de ce régime administratif favorable pour l’obtention de son autorisation (article L. 111-15 du code de l’urbanisme).
En tout état de cause, justifier de la similarité de ces identités pourrait devenir primordial en cas de litige avec les autres copropriétaires.