I. Sur le redevable de la taxe d’aménagement en cas de pétitionnaires multiples.
Le choix de l’administration entre le paiement solidaire ou la répartition des charges.
L’article L. 331-6 du code de l’urbanisme dispose :
Les opérations d’aménagement et les opérations de construction, de reconstruction et d’agrandissement des bâtiments, installations ou aménagements de toute nature soumises à un régime d’autorisation en vertu du présent code donnent lieu au paiement d’une taxe d’aménagement, sous réserve des dispositions des articles L331-7 à L. 331-9.
Les redevables de la taxe sont les personnes bénéficiaires des autorisations mentionnées au premier alinéa du présent article à la date d’exigibilité de celle-ci ou, en cas de construction sans autorisation ou en infraction aux obligations résultant de l’autorisation de construire ou d’aménager, les personnes responsables de la construction.
Le fait générateur de la taxe est, selon les cas, la date de délivrance de l’autorisation de construire ou d’aménager, celle de délivrance du permis modificatif, celle de la naissance d’une autorisation tacite de construire ou d’aménager, celle de la décision de non-opposition à une déclaration préalable ou, en cas de constructions ou d’aménagements sans autorisation ou en infraction aux obligations résultant de l’autorisation de construire ou d’aménager, celle du procès-verbal constatant l’achèvement des constructions ou des aménagements en cause.
L’article L. 331-24 du code de l’urbanisme dispose :
La taxe d’aménagement et la pénalité dont elle peut être assortie en vertu de l’article L. 331-23 sont recouvrées par les comptables publics compétents comme des créances étrangères à l’impôt et au domaine.
Le recouvrement de la taxe fait l’objet de l’émission de deux titres de perception correspondant à deux fractions égales à la moitié de la somme totale à acquitter, ou de l’émission d’un titre unique lorsque le montant n’excède pas 1 500 €.
Le titre unique ou le premier titre est émis à compter de quatre-vingt-dix jours après la date d’exigibilité de la taxe. Le second titre est émis six mois après la date d’émission du premier titre.
Les sommes liquidées en application de l’article L331-23 font l’objet de l’émission d’un titre unique dont le recouvrement est immédiatement poursuivi contre le constructeur ou la personne responsable de l’aménagement.
Le Conseil d’État avait déjà précisé (Conseil d’État, 19 juin 2019, Ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, n°413967, B) :
« 4. Il résulte de ces dispositions que, lorsqu’un permis de construire a été délivré à plusieurs personnes physiques ou morales pour la construction de bâtiments dont le terrain d’assiette doit faire l’objet d’une division en propriété ou en jouissance avant l’achèvement des travaux conformément à l’article R. 431-24 du code de l’urbanisme, les redevables de la taxe d’aménagement dont ce permis est le fait générateur sont les titulaires de celui-ci, chacun d’entre eux étant redevable de l’intégralité de la taxe due à raison de l’opération de construction autorisée. Dans une telle hypothèse, l’administration compétente peut mettre cette taxe à la charge soit de l’un quelconque des bénéficiaires du permis, soit de chacun de ces bénéficiaires à la condition alors que le montant cumulé correspondant aux différents titres de perception émis n’excède pas celui de la taxe due à raison de la délivrance du permis. Par suite, en jugeant que le service ordonnateur ne pouvait mettre la taxe d’aménagement due à raison de l’opération de construction autorisée par le permis de construire délivré le 17 mai 2013 à la charge du seul M. A... au motif que M. et Mme B...étaient, eux aussi, bénéficiaires du permis et, par suite, redevables de cette taxe, le tribunal a commis une erreur de droit. Le ministre de la cohésion des territoires et de la mer est fondé pour ce motif, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens de son pourvoi, à demander l’annulation du jugement qu’il attaque ».
Ainsi, en présence de plusieurs pétitionnaires, l’administration a la faculté de choisir entre solliciter le paiement de la taxe d’aménagement en son entier à un seul des pétitionnaires ou bien répartir la charge de la taxe d’aménagement entre chacun des pétitionnaires, à la condition que le cumul des sommes mises à la charge des copétitionnaires n’excède pas le montant total dû.
Le caractère indifférent de la division préalable et de la répartition des surfaces de plancher entre copétitionnaires
Dans l’arrêt rendu par le Conseil d’État le 17 mars 2022, il s’agit d’une SCI qui a déposé une de permis de construire portant sur la construction de plusieurs maisons individuelles.
Les terrains ont par la suite fait l’objet de divisions.
Les travaux ont cependant excédé ce qui était autorisé par le permis de construire initial et les propriétaires de ces maisons ont souhaité régulariser par un unique permis couvrant l’ensemble des maisons ainsi construites.
Chacun des propriétaires est copétitionnaire et certains d’entre eux règlent la taxe d’aménagement due à la régularisation du permis de construire mais certains ne s’exécutent pas.
L’administration sollicite toutefois le paiement de l’ensemble auprès de ceux qui avaient réglé la taxe d’aménagement en premier lieu.
Ces derniers ont alors saisi le tribunal administratif de Cergy-Pontoise en faisant valoir que l’administration avait connaissance de l’existence d’une division ayant eu lieu avant que le permis de construire a été accordé et qu’elle avait également connaissance des surfaces de plancher correspondant à chacun des pétitionnaires.
Le Conseil d’État censure cependant ce raisonnement et maintient la faculté dont dispose l’administration :
« 4. Les circonstances que le terrain ait fait l’objet d’une division avant la demande de permis de construire et que l’administration dispose de la répartition des surfaces de plancher entre les bénéficiaires ne sont pas de nature à priver l’administration de cette faculté. Dès lors, en se fondant sur de telles circonstances pour juger que la décision de mettre la taxe à la charge de M. M... était entachée d’une erreur manifeste d’appréciation, le tribunal administratif a commis une erreur de droit. La ministre de la transition écologique est donc fondée à demander l’annulation du jugement qu’elle attaque, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi ».
II. L’articulation de cette faculté de l’administration avec les garanties nécessaires pour solliciter un sursis de paiement en cas de contentieux sur la taxe d’aménagement.
L’article L277 du livre des procédures fiscales dispose :
Le contribuable qui conteste le bien-fondé ou le montant des impositions mises à sa charge est autorisé, s’il en a expressément formulé la demande dans sa réclamation et précisé le montant ou les bases du dégrèvement auquel il estime avoir droit, à différer le paiement de la partie contestée de ces impositions et des pénalités y afférentes.
L’exigibilité de la créance et la prescription de l’action en recouvrement sont suspendues jusqu’à ce qu’une décision définitive ait été prise sur la réclamation soit par l’administration, soit par le tribunal compétent.
Lorsque la réclamation mentionnée au premier alinéa porte sur un montant de droits supérieur à celui fixé par décret, le débiteur doit constituer des garanties portant sur le montant des droits contestés.
A défaut de constitution de garanties ou si les garanties offertes sont estimées insuffisantes, le comptable peut prendre des mesures conservatoires pour les impôts contestés.
Lorsque le comptable a fait procéder à une saisie conservatoire en application du quatrième alinéa, le contribuable peut demander au juge du référé prévu, selon le cas, aux articles L279 et L279 A, de prononcer la limitation ou l’abandon de cette mesure si elle comporte des conséquences difficilement réparables. Les dispositions des troisième et quatrième alinéas de l’article L279 sont applicables à cette procédure, la juridiction d’appel étant, selon le cas, le tribunal administratif ou le tribunal judiciaire.
L’article R. 277-1 du livre des procédures fiscales dispose :
Le comptable compétent invite le contribuable qui a demandé à différer le paiement des impositions à constituer les garanties prévues à l’article L277.
Le contribuable dispose d’un délai de quinze jours à compter de la réception de l’invitation formulée par le comptable pour faire connaître les garanties qu’il s’engage à constituer.
Ces garanties peuvent être constituées par un versement en espèces qui sera effectué à un compte d’attente au Trésor, par des créances sur le Trésor, par la présentation d’une caution, par des valeurs mobilières, des marchandises déposées dans des magasins agréés par l’Etat et faisant l’objet d’un warrant endossé à l’ordre du Trésor, par des affectations hypothécaires, par des nantissements de fonds de commerce.
Si le comptable estime ne pas pouvoir accepter les garanties offertes à sa demande ou spontanément par le contribuable parce qu’elles ne répondent pas aux conditions prévues au deuxième alinéa, il lui notifie sa décision par pli recommandé avec demande d’avis de réception postal dans un délai de quarante-cinq jours à compter du dépôt de l’offre. A défaut de réponse par le comptable dans ce délai, les garanties offertes sont réputées acceptées.
En cas de contentieux portant sur la taxe d’aménagement, le redevable peut solliciter un sursis de paiement en parallèle à sa contestation de la sommes mise à sa charge.
Au titre de l’article R277-7 du livre des procédures fiscales, quand le paiement pour lequel un sursis est demandé est d’un montant supérieur ou égal à 4 500 euros, les garanties sont exigées par l’autorité administrative.
L’article R277-1 du livre des procédures fiscales précise la nature de ces garanties : « ces garanties peuvent être constituées par un versement en espèces qui sera effectué à un compte d’attente au Trésor, par des créances sur le Trésor, par la présentation d’une caution, par des valeurs mobilières, des marchandises déposées dans des magasins agréés par l’État et faisant l’objet d’un warrant endossé à l’ordre du Trésor, par des affectations hypothécaires, par des nantissements de fonds de commerce ».
En pratique, l’administration a tout intérêt à demander le paiement de la taxe d’aménagement à un seul des pétitionnaires.
Lorsque les copétitionnaires remplissent le formulaire CERFA de demande de permis de construire, un « pétitionnaire principal » est désigné dans le formulaire principal et des feuillets additionnels permettent de désigner des pétitionnaires supplémentaires.
Ces données sont envoyées par les communes à l’administration fiscale qui rédige et envoie le titre exécutoire.
Les logiciels de l’administration fiscale, à défaut de précision particulière lors de l’entrée des données, indiquent un des copétitionnaires et lui font supporter l’ensemble de la taxe d’aménagement.
Si parmi ces copétitionnaires, l’un d’eux est plus impliqué financièrement et se charge de l’obtention des garanties bancaires qui permettront de constituer les garanties visées à l’article L277 du livre des procédures fiscales, il doit s’agir de celui qui est désigné dans le titre exécutoire rédigé par l’autorité administrative.
En effet, si un des copétitionnaires présente des garanties alors qu’il ne s’agit pas du pétitionnaire visé par le titre exécutoire, alors l’administration fiscale a l’obligation de refuser les garanties qu’il présente.
Et le juge administratif s’émeut peu du fait que l’administration avait la faculté d’adresser ce titre exécutoire à l’un ou l’autre des copétitionnaires [1].
C’est une hypothèse rare certes mais le cas échéant, il faut se montrer vigilant au risque de voir des sommes importantes immobilisées le temps d’un contentieux qui peut être long, par exemple lors d’un contentieux portant sur une taxe d’aménagement majorée.