La relation du contribuable avec le juge administratif.

Par Naoual Belouaham, Etudiante.

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Explorer : # contentieux fiscal # jurisprudence fiscale # dualité de juridiction # retard judiciaire

De cette relation entre le contribuable et le juge, ce dernier ne sait rien faire et il interfère peu sur la formation de cette relation.
Tantôt il accueillera la demande du contribuable agissant seul ou par mandataire interposé, tantôt la loi exigera que la représentation du contribuable soit assurée par un avocat.

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A. Une relation génératrice de grandes espérances pour le contribuable.

Les litiges opposant un contribuable à l’administration fiscale trouvent, le plus souvent, leur solution par les voies amiables, et c’est qu’une petite minorité qui sont soumis à l’examen du juge fiscal, le plus souvent c’est le contribuable qui prend l’initiative de faire un recours contre l’administration fiscale.
Dans le cas de cette relation, il serait préférable d’entamer la question des motivations du contribuable requérant au cours de l’instance (1), avant d’étudier la grande qualité de la démarche jurisprudentielle (2).

1. Les motivations du contribuable requérant.

Il y a d’abord un souci lorsque le contribuable saisit le juge fiscal en pensant pouvoir faire pression sur l’administration et l’amener à infléchir sa décision. La saisine du juge sera parfois le seul moyen de se défendre utilement contre une fixation d’office des bases d’imposition, en critiquant la méthode suivie par l’administration pour reconstituer les bases de l’impôt.

Ce sera généralement un contribuable qui s’estime sûr de son bon droit et qui n’a rien à se reprocher, ou qui se considère comme à l’abri du redressement sur d’autres chefs que ceux invoqués par l’administration.

Le contribuable qui choisit d’aller au contentieux aura besoin d’un conseil informé pour savoir devant quel juge informer son recours, en raison notamment de la double juridiction en matière fiscale. Selon M. Robert Hertzog : « La dualité de juridiction fracture en effet le contentieux de l’imposition en deux parties inégales, et gare à l’erreur : le juge saisi à tort ne pourra que se déclarer incompétent et rejeter la demande. Même le juge administratif, traditionnellement plus libéral, suivra cette tendance s’il statue en matière fiscale ».

L’examen de la jurisprudence, permet de constater que le juge administratif est amené plus fréquemment que le juge judiciaire à poser des questions préjudicielles, cela ne signifie pas que juge judiciaire et juge administratif soient traités différemment mais qu’au contraire en tant que juge de l’impôt, les deux sont titulaires d’une plénitude de juridiction étendue. La dualité de juridiction ne présente pas en fait d’inconvénient dans le cadre du contentieux de l’imposition. Certes, ils existent des difficultés qui auraient pu être de freins pour le contribuable dans sa quête du juge compétent, mais, ce travail de clarification et de simplification n’a pas connu le même succès concernant d’autres branches du contentieux .

Pour M. Robert Hertzog, la dualité de juridiction entraîne une rupture à un autre niveau, celui de l’appel, si l’appel contre les décisions du Tribunal Administratif statuant en matière fiscale est possible devant le Conseil d’État, il n’en va pas de même des décisions du Tribunal de Grande Instance statuant en matière de droit d’enregistrement, seul un pourvoi en cassation peut être lancé.

2. La grande qualité de la démarche jurisprudentielle.

La jurisprudence fiscale est abondante, ce qui ne signifie pas qu’elle présente toujours un grand intérêt, cette abondante tient au fait que la loi fiscale est changeante, souvent obscure et toujours complexe à mettre en œuvre.
Du juge fiscal ainsi saisi dans sa diversité, le contribuable loue la grande qualité de la démarche jurisprudentielle. L’œuvre du juge fiscal se caractérise en effet par une grande tolérance et par une grande liberté. Ainsi le juge administratif compétent en matière fiscale, admet les régularisations, par exemple en cas d’absence de signature du requérant sur une déclaration introductive d’instance.

Cette tolérance ne peut qu’être ressentie positivement par le contribuable, le procès fiscal n’apparaissant jamais comme une bataille sur la procédure contentieuse. Le juge fiscal impose à tous, et notamment à l’administration cette souplesse sur des points qu’il estime secondaires, pour mieux concentrer son analyse sur le litige lui-même.

L’importance du juge fiscal aux yeux du contribuable requérant est accrue par l’étendue de ses pouvoirs, sur simple déclaration introductive d’instance, le juge de l’imposition pourra, non seulement dire et juger si le redressement était totalement ou partiellement fondé en droit, mais recalculer aussi le montant de l’impôt dû. Il se substitue à l’administration et apparait bien au contribuable comme une alternative équitable. Mais le succès de ce contentieux lui pose de sérieux problèmes d’avenir.

Le plus souvent les arrêts rendus par le juge de l’impôt ne font que s’inscrire dans une jurisprudence bien établie. Ces arrêts, donnent ou non satisfaction au requérant, qui se demande sur la possibilité d’inventer des procédures alternatives à la procédure contentieuse.

L’interprétation des textes fiscaux, vient écarter pour l’occasion les universitaires et les avocats, émane de l’administration elle-même et du juge, chacun ayant ses méthodes, sa logique et ses objectifs. Ce droit à l’interprétation est parfois contesté au motif que, ni l’administration dont la valeur de l’interprétation est juridiquement niée, ni le juge qui doit se borner, en présence d’un texte clair et précis, à appliquer au cas particulier la norme générale sans lui donner une portée large et étroite .

B. Une relation victime de son succès.

Le juge fiscal ayant administré aux contribuables la preuve de son efficacité, ceux-ci vont faire appel à lui de plus en plus souvent, en raison de l’augmentation du nombre des redressements notifiés chaque année par l’administration fiscale. Ce qui va ralentir le processus de décision, qui engendra par la suite le retard générateur de déceptions (1), dans le camp des contribuables, eux même satisfait par le développement du contentieux fiscal (2).

1. Le retard générateur de déceptions.

Une chose est sûre, le juge fiscal met plusieurs années à rendre ses décisions.

Or, l’existence du retard fragilise la portée de la décision de justice :
- Que ce soit au niveau de l’apport juridique : la loi interprétée n’est plus en vigueur et a été remplacée par un texte nouveau ;
- Ou que ce soit sur le plan pratique : le contribuable peut disparaître, c’est-à-dire qu’il peut subir une liquidation judiciaire par exemple, ou avoir modifier sa situation fiscale entre temps.
Ainsi, les causes de la lenteur de la justice fiscale sont multiples et imputables chacune à l’un des protagonistes du procès fiscal.

Le but recherché étant d’obtenir un contentieux fiscal plus souple, deux solutions sont possibles :
- Ou bien il faut donner à la juridiction les moyens de traiter davantage de litiges chaque année ;
- Ou bien il faut limiter le développement du contentieux fiscal.

En ce qui concerne l’organisation de la juridiction, le législateur pourrait adopter un nouveau partage des litiges fiscaux :
- Certains pourraient être évoqués en première instance par un juge unique, à l’instar de celui qui fonctionne dans le cadre des tribunaux de première instance ;
- Une fraction des litiges pourrait être évoquée en premier et dernier ressort par le Tribunal Administratif, la seule voie de recours restant alors le pourvoi en cassation.

Le contribuable craint toujours de perdre un juge qui est le garant d’une jurisprudence attentive et sereine. La Cour de cassation ou le Conseil d’État sont des juridictions embouteillée, parce qu’ils rendent des décisions d’une grande qualité, par ce que ses membres sont suffisamment spécialisés dans l’appréhension de tel ou tel contentieux.

2. Le développement du contentieux fiscal.

En ce qui concerne la relation liant le contribuable et le contentieux fiscal, nous déduisons que, le recours contentieux est une garantie pour le contribuable contre les erreurs et abus de l’administration fiscale. En outre, les lois fiscales changent continuellement et sont parfois confuses. L’administration fiscale se charge alors de les éclaircir par des circulaires qui interprètent souvent la loi en sa faveur et les impose au contribuable. Ce dernier est en droit de manifester son désaccord contre toutes ces pratiques par le recours contentieux. Il est de plus en plus conscient qu’il n’est pas en position de faiblesse et qu’il aura gain de cause s’il est honnête.

Mais la pratique montre, que même de bonne foi, il peut perdre si :
- Sa comptabilité n’a pas la force de preuve contre les arguments de l’administration fiscale ;
- Ses déclarations n’ont pas été bien faites ;
- La défense de son dossier n’a pas respecté certaines règles de fond et de forme exigées par la loi pour un quelconque recours contentieux.

Pour qu’un recours soit bénéfique, il faut bien s’y préparer et suivre la bonne procédure.
Aussi, la possibilité de limiter parallèlement le développement du contentieux fiscal, le contribuable a pris le rôle que peut jouer le juge fiscal à son égard. Il n’est donc pas prêt d’y renoncer, même en prenant en considération la longueur des délais. L’accès à la justice, un accès pratiquement gratuit au service public de la justice fiscale.

Pourtant le juge administratif, statuant en matière fiscale, inflige des amandes pour procédure abusive, alors que le contribuable intervenant dans un litige fiscal évoqué par un juge judiciaire ne pourra échapper à la charge des frais et dépens de l’instance et des frais d’avocat s’il succombe à cette instance.

C’est ce qui justifie d’ailleurs la relation entre le contribuable et le juge tant que le tribunal délibérant en formation de jugement, doit se prononcer sur le litige à l’issue du débat contentieux et admettre ou rejeter totalement ou partiellement la demande du contribuable.

C’est ainsi que des obligations pèsent sur le juge qui sous certaines conditions permettent de préserver la régularité de son jugement et qui donnent à sa décision une portée qu’il convient de préciser au terme de notre étude de la garantie qu’offre le recours juridictionnel du contribuable notamment devant les premiers juges.

Plus précisément, il doit fixer les bases d’imposition pour chacune des années en cause et ne peut se limiter à accorder une réduction globale pour l’ensemble de ces années, conformément à une décision du Conseil d’État.

Le juge en se prononçant sur le litige épuise son pouvoir de juridiction et sa décision s’impose à toutes les juridictions et au contribuable requérant. Elle revêt alors « autorité de la chose jugée ». Ainsi, un tribunal ne peut ni réviser un premier jugement ni être saisi une seconde fois du même litige.
Pour les mêmes raisons, le contribuable n’est pas fondé à saisir à nouveau le tribunal, lorsque celui-ci s’est prononcé par un jugement auquel s’attache la valeur de la chose jugée.
Toutefois, cette règle ne vaut que lorsque le litige à nouveau soumis est identique à celui sur lequel a statué le juge notamment du triple point de vue des parties, de son objet et des causes.

Le jugement doit d’autre part avoir statué au fond. La jurisprudence administrative précise que l’autorité de la chose jugée ne s’attache qu’aux jugements statuant sur le fond mais non à ceux qui déclarent la demande irrecevable .Il s’ensuit que le contribuable dans la mesure où il est insatisfait de la décision rendue par les premiers juges peut obtenir un réexamen de celle-ci par la juridiction d’appel.

Naoual BELOUAHAM étudiante chercheuse en droit privé

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