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Sujet : Un nouveau régime juridique pour l'animal ?

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Un nouveau régime juridique pour l'animal ?

de chrystele34   le Lun 14 Nov 2011 23:37

Dans le cadre de la préparation de ma soutenance orale de ma thèse qui porte sur le médicament vétérinaire, je réfléchis aux différentes questions juridiques qui pourraient être intéressantes de me poser.
Concernant le projet de modification des dispositions du code civil relatives au régime juridique de l'animal, je cherche à comprendre la phrase suivante, qui est extraite du compte rendu d'un colloque sur ce thème :
"une proposition d’inscription dans le code civil du seul principe sans implication normative risquerait d’être fortement critiquée par le Conseil d’Etat et le Conseil Constitutionnel"
http://www.animaletsociete.fr/groupe-1- ... avril-2008
Il est question de ne pas modifier le régime juridique de l'animal dans le code civil à partir du moment où cette modification n'aurait pas d'intérêt quant à sa protection juridique.
Pour ma part, je pense que cette modification, même que symbolique, est importante (que l'animal sorte de la catégorie des biens).
Je cherche des arguments pour contrer les avis qui s'opposent à la modification du code civil
Il s'agit notamment d'affirmer que ce changement n'aurait aucune application pratique si le régime d'appropriation de l'animal reste soumis au régime juridique des biens. Certains auteurs affirment également qu'il est contradictoire de faire sortir l'animal de la catégorie des biens pour le laisser soumis au régime juridique des biens
Merci pour votre participation à cette discussion que j'initie

   Re: Un nouveau régime juridique pour l'animal ?

de Camille   le Mar 15 Nov 2011 10:24

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Bonjour,
Je dirais, justement, que le code civil n'est pas du tout l'endroit prévu pour des déclarations symboliques, sans portée réelle, vu que ce n'est pas sa fonction.
D'ailleurs, existe-t-il un texte, dans le code civil, qui rappellerait expressément que l'être humain est un être sensible ? Si tel n'est pas le cas, pourquoi l'écrire spécifiquement pour l'animal ?
Le principal problème, je suppose, réside également dans le fait que de faire sortir l'animal de la catégorie des biens va impliquer nécessairement qu'il soit possible de faire commerce d'autres catégories que celle des biens, donc de pouvoir faire commerce d'êtres sensibles, à la seule exclusion des êtres humains.
Ce qui pourrait conduire, à terme, à l'interdiction de tout commerce d'animaux, quels qu'ils soient (par contre-coup, interdiction de la chasse, de la pêche de loisir et des corridas), ou alors à (ré)autoriser le commerce des êtres humains (sous certaines conditions, naturellement...)
B-l

   Re: Un nouveau régime juridique pour l'animal ?

de classicus   le Mar 15 Nov 2011 12:06

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Bonjour,
Nous vivons une époque formidable qui connait tous les bouleversements de valeurs, de concepts, d'idéologies, etc...!!
Ainsi faire "sortir" l'animal de la catégorie des biens...OK, et le classer alors dans quoi ? :shock:
Que la maltraitance des animaux soit punie me semble justifiée, mais le Code Civil n'est effectivement pas prévu pour des déclarations symboliques aussi généreuses soient elles. Néanmoins à notre époque de relativisme exacerbé, pourquoi pas ? (Hélas !!!) :cry: :cry:

   Re: Un nouveau régime juridique pour l'animal ?

de Camille   le Mar 15 Nov 2011 13:52

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Bonjour,
classicus a écrit :Ainsi faire "sortir" l'animal de la catégorie des biens...OK, et le classer alors dans quoi ?

C'est justement tout le problème juridique, presque un imbroglio.
Et en étant sûr de pouvoir le faire adopter progressivement par tous les pays du monde, puisqu'on commerce internationalement.
Nouvelle catégorie qui, même si elle n'est créée qu'à titre purement symbolique, ne pourra jamais le rester éternellement. Tout le monde le sait déjà.

   Re: Un nouveau régime juridique pour l'animal ?

de classicus   le Mar 15 Nov 2011 15:26

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En quoi est-ce un problème ?
Il suffit de décider !
Décidons que l'animal est un bien, point.
L'animal est, notamment en UE, bien protégé, de même au niveau intrnational (en tous cas dans les textes).
Pourquoi changer ce qui fonctionne bien et se créer des situations juridiques inextricables par la suite :shock: :shock: ??
P.S: un imbroglio est fait pour être désimbrogliolisé...!!!

   Re: Un nouveau régime juridique pour l'animal ?

de chrystele34   le Jeu 17 Nov 2011 1:43

Merci à tous pour vos réponses.
Voici en résumé, ce que j'ai indiqué dans ma thèse. Personnellement, j'ai du mal à avoir une opinion tranchée du régime juridique qu'il faudrait adopter pour l'animal.
Par contre je suis pour modifier les dispositions du code civil relatives au statut juridique de l'animal pour qu'il cesse d'être considéré en droit civil comme une chose. Je suis contre également les "fictions juridiques" destinées à doter l'animal de la personnalité juridique.

MODIFICATION du CODE CIVIL ?
 oui
- place accordée de nos jours à l’animal dans la société n’est plus celle du code civil de 1804 (reconnaissance de sa valeur d’être vivant et sensible)
- objectif d’harmonisation des dispositions du Code civil avec celles du Code pénal et du Code rural + avec les engagements pris par la France dans le Traité d’Amsterdam (prise en compte du BEA dans sa législation nationale)
- résolution de la contradiction entre la place de l’animal en droit civil (bien) et la reconnaissance de sa nature intrinsèque d’être vivant et sensible dans les lois de protection animale
- reconnaissance des particularités de l’animal par rapport aux biens dans la nouvelle définition du caractère sensible de l’animal, par la Fondation de la Ligue Française des droits des animaux d’avril 2011 (nécessité de faire respecter cette sensibilité particulière)
- dans certains pays européens, l’animal n’est plus considéré comme une chose

 non
- protection suffisante via les lois particulières. Notion de « bien subjectif » (l’animal ne serait pas limité à sa simple valeur vénale) => l’extraction du droit des biens n’est donc pas nécessaire pour que sa dimension d’être vivant et sensible soit reconnue (JB SEUVE)
- protection suffisante via les lois protectrices animales : pas possible, ni nécessaire, ni anodin. La sensibilité des animaux est variable selon l’espèce animale ; un geste symbolique sans application pratique n’est pas nécessaire ; si n’est pas anodin y a un risque de conséquences sur le commerce des animaux et sur l’expérimentation animale (interdiction) (JP BIGARD)
- dans d’autres pays européens, l’animal reste considéré comme une chose

 les régimes juridiques nouveaux à adopter pour l’animal
• l’animal, un « bien protégé » : maintien dans la catégorie des biens, tout en pouvant bénéficier du statut juridique de « bien protégé » par des lois particulières
cf. Rapport 10 mai 2005 Mme ANTOINE : régime juridique de l’animal présenté en 2ème intention
Avant-projet de loi portant réforme du Livre II du code civil relatif aux biens (Commission de réforme constituée sous l’égide de l’association Henri CAPITANT)
• l’animal, classé au sein d’une catégorie sui generis
cf. Rapport 10 mai 2005 Mme ANTOINE : régime juridique de l’animal présenté en 1ère intention
sa nature d’être sensible prévaut sur sa valeur utilitaire, toutefois l’animal resterait soumis au régime des biens.
Proposition de loi présentée par Madame la députée MARLAND-MILITELLO et enregistrée à l’Assemblée nationale, le 9 novembre 2005 et le 27 septembre 2007
Proposition de loi présentée par les sénateurs POVINELLI, BOULAUD, SIGNE et BONNEFOY, enregistrée à la présidence du Sénat le 7 juin 2011.
• l’animal, devenu un sujet de droits
cf. théorie de la personne par destination (LABBEE), théorie de la réalité technique (MARGUENAUD, théorie de la désappropriation de l’animal (BOISSEAU-SOWINSKI)

   Re: Un nouveau régime juridique pour l'animal ?

de chrystele34   le Jeu 17 Nov 2011 1:50

J'ajoute que si le code civil ne précise pas que l'homme est un être sensible, il pose le principe du respect de la dignité de la personne humaine ...
Ona bien modifié le code civil pour retirer la notion du chef de famille dans ses pouvoirs de direction, avec la femme incapable juridiquement lorsqu'elle se mariait à son cher et tendre pater familias :(
dans quelques années, on sourira peut être d'avoir mis si longtemps à ne plus considérer l'animal comme une chose ...
Pour ce qui est de la vocation normative de la loi, j'ai lu que la jurisprudence du conseil constitutionnel sur ce point était critiqué par certains auteurs qui affirment que la loi peut contenir une disposition dépourvue de valeur normative, elle peut être la manifestation d'une volonté non juridique mais politique.

   Re: Un nouveau régime juridique pour l'animal ?

de garfield   le Jeu 17 Nov 2011 8:52

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Bonjour,

Je n'ai pas tout lu, je le reconnais.
Mais je me pose une question, lorsque vous dites l'animal, vous pensez au(x)quel(s) ?Uniquement les animaux de compagnies ? chiens, chats...

Comment décider quels animaux seraient protégés par ce régime juridique ?
Par ex, parfois les cochons sont des animaux de compagnie et d'autres fois des animaux de boucherie.
A quel moment décider que tel animal sera (mieux) protégé et tel autre non (et restera dans la catégorie des biens meubles).
A moins de décider qu'ils seront tous concernés par ce nouveau régime mais dans ce cas il y aura contradiction avec le traitement des animaux de boucherie.

Je précise qu'il s'agit d'une réflexion à froid et que je n'ai pas fait de recherche précise sur le sujet.
Membre du club des pédants et bien-pensants du VJ

   Re: Un nouveau régime juridique pour l'animal ?

de Camille   le Jeu 17 Nov 2011 10:42

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Bonjour,
classicus a écrit :En quoi est-ce un problème ?
Il suffit de décider !
Décidons que l'animal est un bien, point.

Alors, plus besoin de décider, c'est le statut actuel de l'animal.

   Re: Un nouveau régime juridique pour l'animal ?

de Camille   le Jeu 17 Nov 2011 11:24

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Bonjour,
garfield a écrit :Je précise qu'il s'agit d'une réflexion à froid et que je n'ai pas fait de recherche précise sur le sujet.

Effectivement, le problème est un peu plus complexe et ça fait des décennies que tous les acteurs du sujet en discutent, contrairement à ce que certains pourraient penser.
Dès lors que vous cherchez à revoir le statut de l'animal, vous enchaînez une ribambelle de problèmes, tant que les hommes (et les femmes, pas de ségrégation !) continueront à consommer des animaux pour se nourrir, mais pas seulement.

Et il faudra pouvoir au moins distinguer effectivement :
Les animaux de compagnie ou d'agrément, en se cantonnant même aux seuls animaux "classiques", hors "NAC", donc les chats, les chiens, oiseaux décoratifs, cochons d'Inde, poissons d'aquarium, etc.
Les animaux élevés ou pêchés pour la bouche, veaux, vaches, cochons, couvées, saumons d'élevage ou sauvage, cabillauds, coquilles Saint-Jacques, langoustes et langoustines, etc.
Les animaux chassés ou pêchés par loisirs ou par profession, faisans, perdreaux, sangliers, truites, brochets, etc.
Les animaux élevés pour des fonctions particulières : chasse, garde, police, assistance, etc.
Pour les seules espèces sauvages protégées et interdites à la vente, le problème théorique est à peu près réglé.

Mais, si on crée un statut de l'animal qui se rapproche de celui de l'être humain, vous remettez automatiquement en cause, non seulement les corporations les plus évidentes (abattoirs, boucheries, charcuteries, pêcheries, chasseurs) mais également d'autres qui concernent également la première catégorie.
Sera-t-il toujours légitime de faire commerce de quelque chose qui ne sera plus un bien, alors qu'actuellement, c'est le critère initial de tout commerce ?
Si la réponse est non, vous tuerez tous les éleveurs canins ou félins, même ceux qui se crèvent à courir les expos et autres concours de beauté pour améliorer et valoriser les races, les animaleries et, à la limite, la Société Centrale Canine et les clubs de races d'élevage, même d'agrément.
Il faudra aussi revoir complètement le statut des vétérinaires qui, aujourd'hui, ne suivent pas les contraintes attachées aux professions médicales uniquement parce qu'ils ne sont censés s'occuper que de biens et non pas d'êtres humains, avec une insécurité juridique presque garantie, du fait d'un statut intermédiaire forcément mal défini entre le bien inerte pur et dur et l'être humain. Or, actuellement, ce sont les seules règles déontologiques de la profession et les quelques textes du code pénal qui garantissent le respect de l'animal et, dans ce domaine en tout cas, ça marche plutôt bien.

Bref, à chaque fois qu'on cherche une solution simple, on trébuche sur des conséquences imprévues. Et j'en ai sûrement oublié.
Et le problème, c'est qu'on n'a pas d'exemple similaire déjà existant.

Tiens, au fait… Si un jour des Martiens débarquent au beau milieu de la place de la Concorde aux heures de pointe et jouent à E.T., quel statut juridique ???? Rien trouvé dans le code...
B-l B-l B-l B-l

 
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