(Découvrir / art contemporain) : La Commanderie templière de Peyrassol : la collection d’art d’une vie.
Fondée aux alentours de 1204 par l’Ordre des Templiers, la commanderie servait alors de halte aux pèlerins en route vers la Terre sainte. Après la dissolution de l’Ordre au XIVe siècle, elle passa entre les mains des Hospitaliers de Saint-Jean de Jérusalem. De cette époque subsistent des bâtiments d’une grande sobriété, restaurés avec soin, qui ancrent le domaine dans une mémoire séculaire.
- Les bâtiments templiers et l’œuvre Brazil en référence au film de Terry Gilliam, Panamarenko 2004 © Photo JLRF
En 2001, l’entrepreneur et collectionneur Philippe Austruy acquiert le domaine (près de 1 000 hectares, dont 95 hectares de vignes certifiées en agriculture biologique) et lui donne une nouvelle impulsion. Tandis que le vignoble retrouve son excellence, une autre ambition prend corps : transformer la commanderie en un lieu d’expression artistique majeur, où l’art contemporain s’inscrit dans le paysage, en lien profond avec la pierre et la terre.
Aujourd’hui, la Commanderie de Peyrassol réunit plus de 70 œuvres majeures d’artistes internationaux, installées en plein air au fil d’un parcours pensé comme une promenade vivante, esthétique et sensorielle. Des sculptures de Bernar Venet, Jean Dubuffet, Antony Gormley, Urs Fischer, Vasarely ou Niki de Saint Phalle jalonnent les allées, les vignes et les clairières. Ce n’est pas une juxtaposition d’œuvres, mais un véritable dialogue entre l’espace, le temps et l’artiste. Chaque pièce est choisie et installée pour entrer en résonance avec le lieu sans artifice, sans rupture.
Loin du white cube, Peyrassol revendique un rapport organique à la création : ici, les œuvres vivent au rythme du vent, du soleil, des saisons. L’art est partout, mais ne s’impose jamais. Des événements réguliers (concerts et soirées sunset, fête de l’art et gastronomie en pleine nature en juillet, la journée des vendanges début septembre…) y sont organisés tout au long de l’année.
Jusqu’au 2 novembre 2025, la Commanderie accueille une exposition monographique exceptionnelle de Jonathas de Andrade, figure montante de la scène brésilienne, dans le cadre de la Saison croisée France–Brésil. Intitulée L’art de ne pas être vorace, l’exposition, commissariée par Mathilde Marchand, directrice de la collection, investit le nouveau centre d’art du domaine, un ancien hangar de vinification réhabilité avec audace en 2020 par l’architecte Charles Berthier.
L’artiste y interroge nos rapports au vivant, à la consommation et à la mémoire collective. Sa pièce éponyme, assemblage totem de pierres, résidus, disques industriels et éléments organiques, évoque autant l’accumulation des déchets que les strates géologiques de nos désirs. Ailleurs, une installation inspirée de limaçons grimpant les tiges en quête de fraîcheur devient une métaphore de la cohabitation fragile entre l’homme et son environnement.
Par cette exposition radicale et poétique, Jonathas de Andrade prolonge la vocation du lieu : faire vibrer le présent dans l’écho des siècles.
- Flower Moon de Ugo Rondinone 2011, des oliviers figés dans l’aluminium © Photo JLRF
Au-delà de l’art, Peyrassol est aussi une destination pour épicuriens exigeants. Le restaurant Chez Jeannette, tout nouvel étoilé du Guide Michelin et 2 toques au Gault et Millau, s’inscrit dans l’identité du domaine avec une élégance sobre et une cuisine inspirée par le terroir varois, le potager et la ferme biologique du domaine. Le jeune chef Benjamin Le Balch et sa brigade subliment les produits locaux, agneau de Sisteron, légumes du potager, huiles d’olive du domaine dans des assiettes d’une justesse rare. Ici, la dégustation est pensée comme un prolongement sensoriel de la visite artistique : précise, minimaliste, vibrante.
Une mention spéciale au chef pâtissier Victor Lorente et son dessert « chocolat », un vrai feu d’artifice de saveurs. Les tables surplombent les vignes, et l’installation géante de drapeaux flottant dans le vent signée Daniel Buren.
Pour ceux qui souhaitent prolonger l’expérience, les chambres d’hôtes La Robière, nichées à l’écart dans une bastide de 1835 restaurée avec raffinement, offrent un refuge d’élégance rustique. Murs à la chaux, mobilier d’artisans, vues sur les vignes ou la garrigue : tout ici invite à la contemplation. Le petit déjeuner, servi en terrasse sous les platanes et non loin de la piscine, mêle viennoiseries et pâtisseries maison, confitures du jardin.
La Commanderie de Peyrassol incarne une forme d’harmonie rare entre passé et présent, nature et culture, matière et esprit. Loin des clichés muséaux, elle propose une autre idée de l’art : libre, enracinée, exigeante. En y associant gastronomie étoilée et hospitalité haut de gamme, elle devient plus qu’un lieu d’exposition, un art de vivre à la française.
- 226,5° Arc x 5, Bernard Venet © Photo JLRF
Informations : https://www.peyrassol.com
Photo en logo : Cylindre incrusté aux couleurs, Daniel Buren 2017 © Photo JLRF
