La protection des photographies par le droit d'auteur : comprendre les enjeux juridiques. Par Mickaël Le Borloch, Avocat.

La protection des photographies par le droit d’auteur : comprendre les enjeux juridiques.

Par Mickaël Le Borloch, Avocat.

463 lectures 1re Parution: 4.75  /5

Explorer : # droit d'auteur # propriété intellectuelle # concurrence déloyale # droit à l'image

Ce que vous allez lire ici :

Le droit d'auteur protège les photographies originales, sous réserve de leur caractère créatif. Les photographes disposent de droits patrimoniaux et moraux, distincts. La concurrence déloyale sanctionne la reprise d'images sans autorisation. Internet pose de nouveaux défis, facilitant les atteintes aux droits, mais des outils existent pour les gérer.
Description rédigée par l'IA du Village

Les photographies, omniprésentes dans notre quotidien, oscillent entre témoignage documentaire, outil de communication et œuvre artistique.

La question de leur protection par le droit d’auteur pose de nombreux enjeux : à partir de quand une photographie peut-elle être protégée ? Toutes les photos sont-elles automatiquement des œuvres  ? Quelles sont les conditions pour bénéficier de cette protection ?

-

I. Les conditions de protection.

A. La protection par le droit d’auteur.

L’article L112-2 du Code de la propriété intellectuelle dresse une liste non exhaustive des œuvres susceptibles d’être protégées par le droit d’auteur. Les photographies y figurent explicitement, au 9° qui prévoit :

« Sont considérés notamment comme œuvres de l’esprit (...) les œuvres photographiques et celles réalisées à l’aide de techniques analogues à la photographie ».

Cela signifie que la loi admet, par principe, que la photographie peut constituer une œuvre de l’esprit - à condition toutefois qu’elle soit originale.

La jurisprudence interprète cette exigence à l’aune de l’apport créatif du photographe.

Ce dernier doit avoir fait des choix libres et créatifs dans la prise de vue, la composition, l’éclairage, la mise en scène ou encore le traitement de l’image. Ce n’est donc pas le sujet ou l’évènement photographié qui détermine l’originalité, mais bien la manière dont il est capté et/ou retravaillé lors du travail de post-production.

Les tribunaux sont régulièrement appelés à trancher la question de savoir si une photographie est originale. Leur analyse repose sur une évaluation concrète des éléments de choix et d’expression personnelle.

Par exemple, une photographie d’un objet banal (comme un produit industriel) pourra être jugée originale si elle manifeste une démarche artistique dans sa présentation : choix de l’angle de vue, du cadrage, de l’éclairage, du décor, etc.

Exemples :
1. Photographie de mode : une photo peut être reconnue comme originale si le photographe a dirigé la pose du mannequin, choisi la lumière, le décor, l’angle et la composition [1].
2. Photographie d’actualité : les clichés journalistiques peuvent également être protégés, dès lors qu’ils traduisent des choix subjectifs et non une simple captation mécanique d’événements.
3. Photographies publicitaires : souvent réalisées selon un cahier des charges, elles peuvent néanmoins être protégées si le photographe y a imprimé une touche personnelle suffisante [2].

Un photographe peut prendre une photo d’une œuvre protégée (ex : sculpture, peinture, bâtiment). Il faudra alors distinguer les droits attachés à la photographie de ceux qui concernent l’œuvre représentée. Le photographe devra obtenir les autorisations nécessaires, sous peine de porter atteinte aux droits de l’auteur de l’œuvre d’origine (sauf exceptions, comme l’exception de panorama ou la courte citation visuelle).

B. La protection par le droit de la concurrence déloyale.

Le droit de la concurrence déloyale sanctionne toute personne qui se place dans le sillage d’autrui sans débourser un euro.

A ce titre, la reprise d’une photographie - même non originale - peut être qualifiée d’acte de concurrence déloyale et entraîner condamnation.

II. Les droits d’auteur sur les photographies originales.

A. Les droits patrimoniaux.

Le photographe, en tant qu’auteur d’une œuvre originale, bénéficie de droits patrimoniaux. Il peut autoriser ou interdire :

  • La reproduction de sa photographie ;
  • Sa représentation (exposition, diffusion sur internet, publication dans un ouvrage) ;
  • Son adaptation (modification, collage, réinterprétation).

Ces droits peuvent être cédés ou licenciés, mais seulement de manière expresse, écrite et dans les limites fixées par le Code de la propriété intellectuelle (le contrat doit notamment indiquer le territoire de cession, la durée de cession, les droits cédés, le contexte de cession, et doit par principe prévoir une rémunération proportionnelle ou forfaitaire si l’un des motifs de l’article L131-4 du Code de la propriété intellectuelle est rempli).

B. Les droits moraux.

Le photographe dispose également de droits moraux qui sont incessibles et imprescriptibles. Ils se composent de quatre droits :

  • Le droit de divulgation ;
  • Le droit à la paternité : c’est-à-dire la possibilité d’établir un lien entre son nom et l’œuvre, ou entre son pseudonyme et l’œuvre voire d’opposer son anonymat ;
  • Le droit au respect de l’œuvre : c’est-à-dire le droit à ce que l’approche philosophique de l’œuvre soit respectée ;
  • Le droit de retrait ou de repentir.

Même après cession des droits patrimoniaux, l’auteur peut s’opposer à une utilisation de sa photo qui en dénaturerait le sens ou l’intégrité.

C. Les sanctions en cas de violation des droits d’auteur.

Le Code de la propriété intellectuelle prévoit des sanctions civiles et pénales.

L’article L331-1-3 :

« Pour fixer les dommages et intérêts, la juridiction prend en considération distinctement :
1° Les conséquences économiques négatives de l’atteinte aux droits, dont le manque à gagner et la perte subie par la partie lésée ;
2° Le préjudice moral causé à cette dernière ;
3° Et les bénéfices réalisés par l’auteur de l’atteinte aux droits, y compris les économies d’investissements intellectuels, matériels et promotionnels que celui-ci a retirées de l’atteinte aux droits.
Toutefois, la juridiction peut, à titre d’alternative et sur demande de la partie lésée, allouer à titre de dommages et intérêts une somme forfaitaire. Cette somme est supérieure au montant des redevances ou droits qui auraient été dus si l’auteur de l’atteinte avait demandé l’autorisation d’utiliser le droit auquel il a porté atteinte. Cette somme n’est pas exclusive de l’indemnisation du préjudice moral causé à la partie lésée
 ».

L’article L335-2 du Code de la propriété intellectuelle prévoit, en ce qui concerne les sanctions pénales :

« Toute édition d’écrits, de composition musicale, de dessin, de peinture ou de toute autre production, imprimée ou gravée en entier ou en partie, au mépris des lois et règlements relatifs à la propriété des auteurs, est une contrefaçon et toute contrefaçon est un délit.
La contrefaçon en France d’ouvrages publiés en France ou à l’étranger est punie de trois ans d’emprisonnement et de 300 000 euros d’amende.
Seront punis des mêmes peines le débit, l’exportation, l’importation, le transbordement ou la détention aux fins précitées des ouvrages contrefaisants.
Lorsque les délits prévus par le présent article ont été commis en bande organisée, les peines sont portées à sept ans d’emprisonnement et à 750 000 euros d’amende
 ».

Les amendes sont quintuplées pour les personnes morales.

Tout contrefacteur (personne physique ou morale) s’expose donc à ces sanctions, indépendamment de sa bonne ou mauvaise foi.

III. Droit d’auteur et droit à l’image : deux logiques complémentaires.

Le droit d’auteur protège le photographe, mais il coexiste avec le droit à l’image des personnes photographiées. Une photographie originale peut être pleinement protégée, mais sa diffusion sans autorisation de la personne représentée peut être interdite.

Ce droit est particulièrement important dans le cas des portraits.

IV. Photographies et internet : nouveaux enjeux.

A. La multiplication des usages non autorisés.

Internet facilite la circulation des images… et les atteintes aux droits d’auteur.

Beaucoup de photographies sont reproduites sans l’accord de leur auteur, notamment sur les réseaux sociaux, les sites commerciaux ou les blogs.

Les photographes et les ayants droits disposent alors de recours juridiques pour faire valoir leurs droits : actions en contrefaçon, demandes de retrait, indemnisations.

B. Les outils de gestion des droits.

Face à ces risques, divers outils ont été développés afin de limiter les actes de contrefaçon en ligne :

  • Les métadonnées intégrées aux fichiers numériques (EXIF, IPTC) permettant au photographe de prouver notamment sa paternité sur les photographies ;
  • Les watermarks (filigranes) ;
  • Les plateformes de licences Creative Commons permettant à l’auteur de choisir les conditions de réutilisation.

Il s’avère donc désormais relativement aisé de trouver les contrefaçons en ligne. Il apparaît donc utile pour les internautes de :

  • Vérifier les licences des images qu’ils utilisent,
  • Négocier directement avec les ayants droit,
  • Eventuellement générer les images par une IA ou créer les images eux-mêmes ou avec un photographe.

Conclusion.

La photographie est une œuvre complexe : entre art et technique, entre instantané et mise en scène, entre reproduction fidèle et regard d’auteur. Le droit d’auteur reconnaît sa spécificité.

Comprendre les règles juridiques applicables permet non seulement de mieux protéger son travail, mais aussi de respecter celui des autres. La diffusion massive d’images appelle à une responsabilisation accrue des usagers, des créateurs et des diffuseurs. L’accessibilité des outils numériques doit aller de pair avec une meilleure compréhension des droits en jeu.

Mickaël Le Borloch, Avocat à la Cour, Docteur en droit, LL.M.
Barreau de Rouen

Recommandez-vous cet article ?

Donnez une note de 1 à 5 à cet article :
L’avez-vous apprécié ?

4 votes

L'auteur déclare avoir en partie utilisé l'IA générative pour la rédaction de cet article (recherche d'idées, d'informations) mais avec relecture et validation finale humaine.

Cet article est protégé par les droits d'auteur pour toute réutilisation ou diffusion (plus d'infos dans nos mentions légales).

Notes de l'article:

[1Par exemple, CA Paris, 27 mars 1996, Éditions Hazan.

[2Par exemple Cour d’appel, Nancy, 1re chambre civile, 7 juin 2021 - n° 20/00987.

"Ce que vous allez lire ici". La présentation de cet article et seulement celle-ci a été générée automatiquement par l'intelligence artificielle du Village de la Justice. Elle n'engage pas l'auteur et n'a vocation qu'à présenter les grandes lignes de l'article pour une meilleure appréhension de l'article par les lecteurs. Elle ne dispense pas d'une lecture complète.

A lire aussi :

Village de la justice et du Droit

Bienvenue sur le Village de la Justice.

Le 1er site de la communauté du droit: Avocats, juristes, fiscalistes, notaires, commissaires de Justice, magistrats, RH, paralegals, RH, étudiants... y trouvent services, informations, contacts et peuvent échanger et recruter. *

Aujourd'hui: 156 550 membres, 28197 articles, 127 292 messages sur les forums, 2 600 annonces d'emploi et stage... et 1 500 000 visites du site par mois en moyenne. *


FOCUS SUR...

• 1er Guide synthétique des solutions IA pour les avocats.

• [Dossier] Le mécanisme de la concurrence saine au sein des équipes.




LES HABITANTS

Membres

PROFESSIONNELS DU DROIT

Solutions

Formateurs