Le droit est intrinsèquement lié à son histoire et à ses racines. Le droit français, héritier d’une tradition romaniste profonde, conserve de nombreuses traces de cette influence, notamment à travers l’usage persistant d’adages latins.
Ces courtes formules, souvent perçues comme des maximes, ne sont pas de simples ornements linguistiques. Elles incarnent des principes juridiques fondamentaux, des modes de raisonnement et des solutions éprouvées, dont la portée transcende les siècles.
En droit administratif, domaine en constante évolution et d’une complexité notable, ces adages conservent une pertinence remarquable, agissant comme des phares et des repères pour la compréhension et l’application des règles régissant l’action de l’administration.
Leur présence dans le corpus juridique administratif témoigne d’une continuité intellectuelle, offrant un cadre conceptuel solide pour appréhender des situations nouvelles.
Ces adages permettent d’articuler des principes généraux, de justifier des solutions jurisprudentielles et de fournir un langage commun aux juristes. Leur force réside dans leur capacité à condenser des notions complexes en des énoncés concis et mémorables, facilitant ainsi la transmission du savoir juridique et l’ancrage des principes.
Nemo censetur ignorare legem : traduction en droit français : "Nul n’est censé ignorer la loi."
Application en droit public et administratif : cet adage est une pierre angulaire de l’ordre juridique. En droit public, il signifie que l’ignorance d’une règle de droit, qu’il s’agisse d’une loi, d’un règlement ou d’un acte administratif à caractère général et régulièrement publié, ne peut servir de prétexte pour échapper à son application ou à sa sanction.
Pour l’administration elle-même, cela implique qu’elle est tenue de respecter l’ensemble des normes juridiques en vigueur (principe de légalité). Ses actes doivent être conformes à la hiérarchie des normes. L’administration ne peut invoquer une ignorance de la loi pour justifier une illégalité.
Pour les administrés, l’adage fonde l’opposabilité des actes administratifs. Une fois l’acte (par exemple, un permis de construire ou un arrêté de police) régulièrement publié ou notifié, il est présumé connu de tous et doit être respecté. L’administré ne peut prétendre ignorer une réglementation pour ne pas s’y conformer.
Cet adage est important pour la sécurité juridique et la prévisibilité de l’ordre public. Il garantit que les droits et obligations sont clairs pour tous et que la volonté de la puissance publique est effective.
Ubi jus ibi remedium : traduction en droit français : "Là où il y a un droit, il y a un remède" ou "Tout droit ouvre une voie de recours."
Application en droit public et administratif : ce principe exprime l’idée que tout droit reconnu doit pouvoir être protégé par une action en justice. En droit administratif, il est fondamental et se traduit par le droit au recours contre les actes de l’administration.
Il sous-tend l’existence du recours pour excès de pouvoir (REP), qui permet à tout intéressé de contester la légalité d’un acte administratif unilatéral. Ce recours est d’ordre public et ne peut être écarté par l’administration, garantissant ainsi un contrôle juridictionnel effectif de son action.
Il fonde également le recours de pleine juridiction, notamment en matière de contentieux de la responsabilité administrative, permettant d’obtenir réparation des préjudices causés par l’administration.
Plus largement, cet adage garantit l’accès au juge et le respect du droit à un procès équitable face à l’administration. Il assure que les administrés disposent des moyens juridiques pour défendre leurs droits et intérêts légitimes contre les décisions ou les agissements de l’administration. Le Conseil d’État a toujours veillé à ce que les voies de recours ne soient pas limitées arbitrairement, affirmant l’indissociabilité du droit et de sa protection juridictionnelle.
Exemple (la décision du Conseil d’État : CE, Ass., 7 février 1947, D’Aillières, Rec. p. 50) : cet arrêt est un des fondements du droit au recours pour excès de pouvoir contre tout acte administratif faisant grief, sauf texte législatif contraire. Il consacre le caractère général du recours pour excès de pouvoir, affirmant ainsi que tout droit est protégé par un recours juridictionnel.
Extrait :
"Vu la requête du sieur d’X..., ancien député de la Sarthe, tendant à l’annulation de la décision du jury d’honneur, en date du 25 avril 1945, qui a rejeté une demande que le requérant aurait formée en vue d’être relevé de l’inéligibilité édictée par l’ordonnance du 21 avril 1944.
Vu les ordonnances des 21 avril 1944, 6 avril, 13 septembre et 14 octobre 1945 ; Vu la loi du 20 septembre 1946 ; Vu l’ordonnance du 31 juillet 1945.
Sur la compétence :
Considérant qu’il résulte de l’ensemble des prescriptions législatives relatives au jury d’honneur et notamment de celles qui concernent tant sa composition et ses pouvoirs que les recours en révision dont il peut être saisi, que cet organisme a le caractère d’une juridiction qui, par la nature des affaires sur lesquelles elle se prononce, appartient à l’ordre administratif et relève à ce titre du contrôle du Conseil d’Etat statuant au contentieux ;
Considérant à la vérité qu’aux termes du 3e alinéa de l’article 18 bis ajouté à l’ordonnance du 21 avril 1944 par celle du 6 avril 1945, qui était en vigueur au moment de l’introduction de la requête et dont la modification ultérieure par l’ordonnance du 13 septembre 1945 n’a d’ailleurs eu ni pour but, ni pour effet de changer sur ce point la signification, la décision du jury d’honneur "n’est susceptible d’aucun recours".
Mais considérant que l’expression dont a usé le législateur ne peut être interprétée, en l’absence d’une volonté contraire, clairement manifestée par les auteurs de cette disposition, comme excluant le recours en cassation devant le Conseil d’Etat.
Sur la légalité de la décision attaquée :
Considérant qu’en raison du caractère juridictionnel, ci-dessus reconnu à ses décisions, le jury d’honneur est tenu, même en l’absence de texte, d’observer les règles de procédure dont l’application n’est pas écartée par une disposition législative formelle, ou n’est pas incompatible avec l’organisation même de cette juridiction”.
Autre exemple, l’arrêt Dame Lamotte (Conseil d’État, 17 février 1950, Ministre de l’agriculture c/ Dame Lamotte) :
"Vu le recours et le mémoire ampliatif présentés pour le ministre de l’agriculture, enregistrés au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat les 28 octobre 1946 et 23 février 1948 et tendant à ce qu’il plaise au Conseil annuler un arrêté en date du 4 octobre 1946 par lequel le conseil de préfecture de Lyon a annulé un arrêté en date du 10 août 1944 par lequel le préfet de l’Ain avait concédé au sieur de Testa, en vertu de l’article 4 de la loi du 23 mai 1943, le domaine dit du Sauberthier sis commune de Montluel appartenant à la dame Lamotte née Vial ; Vu les lois du 19 février 1942 et du 23 mai 1943 ; Vu l’ordonnance du 9 août 1944 ; Vu l’ordonnance du 31 juillet 1945.
Considérant que, par un arrêté du 29 janvier 1941, pris en exécution de la loi du 27 août 1940, le préfet de l’Ain a concédé pour une durée de neuf années entières et consécutives qui commenceront à courir le 1er février 1941, au sieur de Testa le domaine de Sauberthier (commune de Montluel), appartenant à la dame Lamotte, née Vial ; que, par une décision du 24 juillet 1942, le Conseil d’Etat a annulé cette concession par le motif que ce domaine n’était pas abandonné et inculte depuis plus de deux ans ; que, par une décision ultérieure, du 9 avril 1943, le Conseil d’Etat a annulé, par voie de conséquence, un second arrêté du préfet de l’Ain, du 20 août 1941, concédant au sieur de Testa trois nouvelles parcelles de terre, attenantes au domaine.
Considérant enfin que, par une décision du 29 décembre 1944, le Conseil d’Etat a annulé comme entaché de détournement de pouvoir un troisième arrêté, en date du 2 novembre 1943, par lequel le préfet de l’Ain en vue de retarder l’exécution des deux décisions précitées du 24 juillet 1942 et du 9 avril 1943 avait réquisitionné au profit du même sieur de Testa le domaine de Sauberthier ;
Considérant que le ministre de l’Agriculture défère au Conseil d’Etat l’arrêté, en date du 4 octobre 1946, par lequel le conseil de préfecture interdépartemental de Lyon, saisi d’une réclamation formée par la dame Lamotte contre un quatrième arrêté du préfet de l’Ain, du 10 août 1944, concédant une fois de plus au sieur de Testa le domaine de Sauberthier, a prononcé l’annulation de ladite concession ; que le ministre soutient que le conseil de préfecture aurait dû rejeter cette réclamation comme non recevable en vertu de l’article 4 de la loi du 23 mai 1943.
Considérant que l’article 4, alinéa 2, de l’acte dit loi du 23 mai 1943 dispose : l’octroi de la concession ne peut faire l’objet d’aucun recours administratif ou judiciaire ; que, si cette disposition, tant que sa nullité n’aura pas été constatée conformément à l’ordonnance du 9 août 1944 relative au rétablissement de la légalité républicaine, a pour effet de supprimer le recours qui avait été ouvert au propriétaire par l’article 29 de la loi du 19 février 1942 devant le conseil de préfecture pour lui permettre de contester, notamment, la régularité de la concession, elle n’a pas exclu le recours pour excès de pouvoir devant le Conseil d’Etat contre l’acte de concession, recours qui est ouvert même sans texte contre tout acte administratif, et qui a pour effet d’assurer, conformément aux principes généraux du droit, le respect de la légalité. Qu’il suit de là, d’une part, que le ministre de l’Agriculture est fondé à demander l’annulation de l’arrêté susvisé du conseil de préfecture de Lyon du 4 octobre 1946, mais qu’il y a lieu, d’autre part, pour le Conseil d’Etat, de statuer, comme juge de l’excès de pouvoir, sur la demande en annulation de l’arrêté du préfet de l’Ain du 10 août 1944 formée par la dame Lamotte.
Considérant qu’il est établi par les pièces du dossier que ledit arrêté, maintenant purement et simplement la concession antérieure, faite au profit du sieur de Testa, pour une durée de 9 ans à compter du 1er février 1941, ainsi qu’il a été dit ci-dessus, n’a eu d’autre but que de faire délibérément échec aux décisions susmentionnées du Conseil d’Etat statuant au contentieux, et qu’ainsi il est entaché de détournement de pouvoir.
Décide :
Article 1er - L’arrêté susvisé du conseil de préfecture de Lyon du 4 octobre 1946 est annulé. Article 2 - L’arrêté du préfet de l’Ain du 10 août 1944 est annulé. Article 3 - Expédition de la présente décision sera transmise au ministre de l’Agriculture" ?
Lex posterior derogate priori : traduction en droit français : "La loi postérieure déroge à la loi antérieure."
Application en droit public et administratif : cet adage est un principe de résolution des conflits de normes dans le temps. Il signifie qu’en cas de contradiction entre deux normes de même niveau hiérarchique, la plus récente l’emporte sur l’ancienne.
En droit administratif, cela s’applique couramment aux actes réglementaires. Un décret ou un arrêté plus récent abroge implicitement ou explicitement les dispositions antérieures de même valeur qui lui sont contraires.
Cependant, ce principe doit être combiné avec la hiérarchie des normes (lex superior derogat inferiori).
Une norme inférieure ne peut pas déroger à une norme supérieure, même si elle est postérieure. Ainsi, un décret postérieur ne peut pas déroger à une loi antérieure.
L’application de ce principe permet d’assurer la stabilité et l’intelligibilité de l’ordre juridique. Elle permet d’adapter les règles aux évolutions sociales et politiques sans créer de vide juridique, tout en assurant une certaine cohérence des normes. Le juge administratif l’utilise régulièrement pour déterminer quelle est la règle applicable en cas de succession de normes.
Specialia generalibus derogant : traduction en droit français : "les lois spéciales dérogent aux lois générales."
Application en droit public et administratif : ce principe de résolution des conflits de normes concerne cette fois la matière. Il établit qu’une norme spécifique à un domaine particulier l’emporte sur une norme générale qui s’appliquerait à un ensemble plus vaste.
En droit administratif, cela est très fréquent. Par exemple, un règlement de police spéciale (ex : circulation, urbanisme) l’emportera sur un règlement de police générale. Les règles spécifiques aux fonctionnaires d’une catégorie particulière dérogent aux dispositions générales de la fonction publique qui ne seraient pas expressément déclarées d’ordre public.
Ce principe permet une adaptation fine des règles aux réalités spécifiques de chaque situation. Il évite que des règles trop générales n’entravent l’efficacité ou la pertinence de l’action administrative dans des contextes particuliers.
L’identification de la norme spéciale est parfois délicate et relève de l’interprétation du juge, mais le principe guide constamment l’application des textes par l’administration et le contrôle juridictionnel de ses actes. Il participe à la cohérence et à l’efficience du droit administratif.
Exemple de décision appliquant ce principe (CE, Avis, 13 février 2019, n° 422283) :
"6. En application du 2° de l’article 21 de la loi organique du 19 mars 1999 cité au point 1, la procédure administrative contentieuse relève de la compétence de l’Etat en Nouvelle-Calédonie. L’article 6-2 de la même loi organique précise que les dispositions législatives et réglementaires qui y sont relatives sont applicables de plein droit en Nouvelle-Calédonie, sans préjudice des dispositions prises par l’Etat les adaptant à son organisation particulière”.
Audi alteram partem : traduction en droit français : "que l’autre partie soit entendue." ou "Écouter l’autre partie."
Application en droit public et administratif : cet adage est un pilier du principe du contradictoire et des droits de la défense.
Il signifie que toute personne concernée par une décision administrative doit avoir la possibilité de présenter ses observations avant que cette décision ne soit prise.
En droit administratif, cela se manifeste de diverses manières :
Avant une décision défavorable (par exemple, une sanction disciplinaire, un retrait d’autorisation, une mesure d’expulsion), l’administré doit être mis en mesure de présenter ses arguments, de consulter son dossier et de se faire assister.
C’est une garantie fondamentale contre l’arbitraire.
Un exemple d’application de cet adagepar le Conseil d’État (CE, Ass., 5 mai 1944, Veuve Trompier-Gravier, Rec. p. 133.) :
"Vu la requête sommaire et le mémoire ampliatif présentés pour la dame veuve Y..., née X... Marie-Gabrielle, demeurant à Paris 14e, tendant à ce qu’il plaise au Conseil annuler une décision, en date du 26 décembre 1939, par laquelle le préfet de la Seine lui a retiré l’autorisation d’occupation d’un kiosque à journaux dont elle était titulaire ;
Vu les arrêtés du préfet de la Seine des 13 mars et 11 décembre 1924 et 22 janvier 1934.
Vu la loi du 18 décembre 1940.
Considérant qu’il est constant que la décision attaquée, par laquelle le préfet de la Seine a retiré à la dame veuve Y... l’autorisation qui lui avait été accordée de vendre des journaux dans un kiosque sis..., a eu pour motif une faute dont la requérante se serait rendue coupable.
Considérant qu’eu égard au caractère que présentait dans les circonstances susmentionnées le retrait de l’autorisation et à la gravité de cette sanction, une telle mesure ne pouvait légalement intervenir sans que la dame veuve Y... eût été mise à même de discuter les griefs formulés contre elle ; que la requérante, n’ayant pas été préalablement invitée à présenter ses moyens de défense, est fondée à soutenir que la décision attaquée a été prise dans des conditions irrégulières par le préfet de la Seine et est, dès lors, entachée d’excès de pouvoir.
Décide :
Article 1er : la décision du préfet de la Seine en date du 26 décembre 1939 est annulée. Article 2 : Expédition de la présente décision sera transmise au ministre de l’Intérieur”.
Un autre exemple (CE Ass. 26 oct. 1945, Aramu) :
"Vu la requête présentée pour le sieur Aramu (Gaston), précédemment commissaire de police à Bordj-Bou-Arréridj…, tendant à ce qu’il plaise au Conseil annuler le décret du Comité français de la libération nationale, en date du 4 mai 1944, par lequel le requérant a été révoqué de ses fonctions sans pension ni indemnité ;
Vu les ordonnances des 3 juin et 6 déc. 1943 et 31 juill. 1945.
Sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens de la requête :
1 Cons. qu’en disposant que les sanctions énoncées dans l’ordonnance du 6 déc. 1943 susvisée peuvent être prises « nonobstant toutes dispositions législatives, réglementaires, statutaires ou contractuelles », lart. 6 de cette ordonnance a entendu dispenser en principe les autorités qui prennent de telles décisions de l’accomplissement des formalités préalables aux sanctions ordinaires ; que ladite ordonnance a prévu la comparution des intéressés devant une commission spéciale, dont elle détermine la composition et la procédure ; que, parmi les formalités comprises dans cette procédure, ne figure pas l’obligation pour l’autorité qualifiée de donner à l’agent intéressé communication de son dossier.
2 Mais cons. qu’aux termes de l’art. 2, alin. 5, de cette ordonnance, la commission d’épuration « entend les personnes qui lui sont déférées », qu’elle peut du reste « valablement déléguer à cet effet ses pouvoirs à l’un de ses membres, ou donner commission rogatoire à des officiers de police judiciaire ou à des magistrats choisis sur une liste dressée par arrêté du commissaire à la Justice » ; que « ces magistrats, ainsi que les membres de la commission, peuvent être assistés de greffiers désignés de la même façon » ; qu’il résulte de ces prescriptions, ainsi d’ailleurs que des principes généraux du droit applicables même en l’absence de texte, quune sanction ne peut à ce titre être prononcée légalement sans que l’intéressé ait été mis en mesure de présenter utilement sa défense ; qu’il doit, par suite, au préalable, recevoir connaissance, sinon du texte même du rapport établi ou de la plainte déposée contre lui, du moins de l’essentiel des griefs qui y sont contenus, de manière à être en état de formuler à ce sujet toutes observations qu’il juge nécessaires, soit devant la commission elle-même, soit devant le délégué de celle-ci.
3 Cons. qu’il est constant que le décret contesté a été pris sans que les faits reprochés au sieur Aramu aient été portés au préalable à sa connaissance et sans qu’il ait été ainsi mis à même de saisir l’autorité compétente de ses observations sur leur exactitude et sur leur portée ; qu’ayant appris par ses propres moyens que la commission d’épuration avait fait procéder sur son compte à une enquête et soumis à l’autorité compétente des propositions de sanction, le requérant a vainement, le 25 avr. 1944, demandé du gouverneur général de l’Algérie et au commissaire à l’Intérieur de régulariser la procédure quant aux droits de la défense : qu’il est fondé à soutenir que la privation de ces garanties a entaché d’excès de pouvoir le décret attaqué”.
Res judicata pro veritate habetur : traduction en droit français : "La chose jugée est tenue pour vérité."
Application en droit public et administratif : cet adage exprime la force de l’autorité de la chose jugée d’une décision de justice. Une fois qu’une décision juridictionnelle est devenue définitive, elle est irréfutable et s’impose à tous.
En droit administratif, cela signifie qu’une décision du juge administratif (par exemple, un arrêt du Conseil d’État annulant un acte) a une autorité absolue qui s’impose à l’administration elle-même et aux autres juridictions.
L’administration ne peut pas revenir sur un acte annulé par le juge et doit exécuter la décision de justice.
Cette autorité garantit la sécurité juridique et la stabilité des situations juridiques. Elle empêche qu’un même litige soit rejugé indéfiniment.
Cependant, il existe des limites à cette autorité. La chose jugée s’applique inter partes (entre les parties) et sur les points effectivement jugés.
L’adage souligne le rôle fondamental du juge administratif dans la garantie de l’État de droit et la soumission de l’administration au droit.
Fraus omnia corrumpit : traduction en droit français : "la fraude corrompt tout" ou "La fraude fait échec à toutes les règles."
Application en droit public et administratif : ce principe universel du droit signifie qu’une action ou une décision entachée de fraude ne peut produire d’effets juridiques valables.
En droit administratif, la fraude peut vicier gravement les actes de l’administration comme ceux des administrés.
Si un acte administratif est pris dans un but autre que l’intérêt général (par exemple, un détournement de pouvoir à des fins personnelles ou politiques), il est illégal car entaché de fraude. Le juge administratif contrôle le détournement de pouvoir, qui est une manifestation concrète de ce principe.
Si un administré a obtenu un avantage ou un droit de l’administration par des manœuvres frauduleuses (fausses déclarations, dissimulation d’informations), cet avantage ou droit peut être retiré ou remis en cause, même si les délais de retrait sont normalement expirés. La fraude empêche la consolidation des situations irrégulières.
Cet adage est essentiel pour la probité de l’action publique et la loyauté des relations entre l’administration et les administrés. Il permet de sanctionner les abus et de garantir que les règles de droit ne soient pas contournées par des artifices illicites.
Non bis in idem : traduction en droit français : "Pas deux fois pour la même chose."
Application en droit public et administratif : ce principe, fondamental en droit pénal, trouve également des applications significatives en droit administratif, particulièrement en matière de sanctions.
Il interdit de sanctionner deux fois une même personne pour les mêmes faits.
En droit administratif, cela signifie qu’une personne ne peut pas être soumise à deux sanctions administratives pour une même infraction. Par exemple, si une autorité administrative a déjà prononcé une sanction disciplinaire à l’encontre d’un fonctionnaire pour une faute donnée, elle ne peut pas prononcer une seconde sanction pour la même faute.
Un exemple : (CE, 29 octobre 2009, Société Air France c/ ACNUSA, nos 310604) :
“Considérant, toutefois, qu’un même manquement ne peut donner lieu qu’à une seule sanction administrative, sauf si la loi en dispose autrement ; qu’il ne résulte pas des dispositions de l’article L227-4 du Code de l’aviation civile que le législateur ait entendu habiliter l’autorité administrative à prononcer deux sanctions pour un même fait, dans l’hypothèse où il constituerait un manquement simultané à deux arrêtés distincts pris sur le fondement de cette unique disposition législative.”
Le Conseil Constitutionnel précise (CC, 24 juin 2016, n° 2016-546 QPC) que :
“Selon l’article 8 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 : « la loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires et nul ne peut être puni qu’en vertu d’une loi établie et promulguée antérieurement au délit, et légalement appliquée ». Les principes ainsi énoncés ne concernent pas seulement les peines prononcées par les juridictions pénales mais s’étendent à toute sanction ayant le caractère d’une punition. Le principe de nécessité des délits et des peines ne fait pas obstacle à ce que les mêmes faits commis par une même personne puissent faire l’objet de poursuites différentes aux fins de sanctions de nature administrative ou pénale en application de corps de règles distincts. Si l’éventualité que deux procédures soient engagées peut conduire à un cumul de sanctions, le principe de proportionnalité implique qu’en tout état de cause le montant global des sanctions éventuellement prononcées ne dépasse pas le montant le plus élevé de l’une des sanctions encourues”.
Patere legem quam ipse fecisti : traduction en droit français : "Supporte la loi que tu as toi-même faite."
Application en droit public et administratif : cet adage renvoie au principe de la force obligatoire de la norme pour son auteur. En d’autres termes, l’autorité qui édicte une règle doit elle-même s’y soumettre.
En droit administratif, cela signifie que l’administration est liée par les règlements qu’elle a édictés. Elle ne peut pas les méconnaître ou les ignorer dans ses décisions individuelles ou ses actions. Par exemple, un maire qui a pris un arrêté municipal doit respecter les dispositions de cet arrêté dans ses propres actes.
Ce principe est une manifestation du principe de légalité et de la hiérarchie des normes. Il assure la cohérence interne de l’action administrative et empêche l’administration de se dérober à ses propres règles.
Il est important pour la prévisibilité du droit et la protection des administrés. Si l’administration pouvait s’affranchir de ses propres normes, la sécurité juridique serait gravement compromise. Il renforce la confiance des citoyens dans la constance et l’impartialité de l’action publique.
Un exemple (Conseil d’Etat, 10 / 9 SSR, du 15 mai 2000, 193725) :
“Considérant, d’une part, qu’une autorité administrative est tenue de se conformer aux règles de procédure à caractère réglementaire qu’elle a elle-même édictées aussi longtemps qu’elle n’a pas décidé de procéder à leur abrogation.”
De minimis non curat praetor : traduction en droit français : "Le préteur (le magistrat romain) ne s’occupe pas des petites choses" ou "La justice ne s’occupe pas des bagatelles."
Application en droit public et administratif : cet adage exprime l’idée que le juge ou l’autorité ne doit pas se saisir d’affaires qui sont trop insignifiantes pour mériter une intervention sérieuse.
En droit administratif, il est à l’origine du concept de mesure d’ordre intérieur.
Certaines décisions de l’administration sont considérées comme trop minimes ou sans réelle portée juridique pour être susceptibles de recours contentieux.
Ce principe vise à éviter l’engorgement des tribunaux pour des litiges mineurs et à permettre à l’administration de gérer son fonctionnement interne sans être constamment soumise au contrôle juridictionnel pour des détails sans importance. Il est une manifestation de la nécessité de proportionnalité dans l’intervention du juge.
Exemple (CE Contentieux, 25-09-2015, n° 372624, publié au recueil Lebon) :
“1. Considérant qu’aux termes du dernier alinéa de l’article R741-2 du Code de justice administrative : " La décision fait apparaître la date de l’audience et la date à laquelle elle a été prononcée " ; que le jugement attaqué, qui comporte une erreur en ce qui concerne la date de lecture et mentionne trois dates d’audience différentes, méconnaît ces exigences ; que, par suite et sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens du pourvoi, il est irrégulier et doit être annulé.
2. Considérant qu’il y a lieu de régler l’affaire au fond par application de l’article L821-2 du Code de justice administrative.
3. Considérant que les mesures prises à l’égard d’agents publics qui, compte tenu de leurs effets, ne peuvent être regardées comme leur faisant grief, constituent de simples mesures d’ordre intérieur insusceptibles de recours ; qu’il en va ainsi des mesures qui, tout en modifiant leur affectation ou les tâches qu’ils ont à accomplir, ne portent pas atteinte aux droits et prérogatives qu’ils tiennent de leur statut ou à l’exercice de leurs droits et libertés fondamentaux, ni n’emportent perte de responsabilités ou de rémunération ; que le recours contre de telles mesures, à moins qu’elles ne traduisent une discrimination, est irrecevable.
4. Considérant qu’il ressort des pièces du dossier que Mme B., contrôleur du travail en fonction à la section d’inspection du travail 11B de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi d’Ile de France, a été affectée, par la décision contestée du 23 août 2013, à la section 9 C de cette direction ; que la mesure a été prise, dans l’intérêt du service, en vue de mettre fin à des difficultés relationnelles entre Mme B. et plusieurs de ses collègues.”
In dubio pro reo (ou In dubio pro libertate) : traduction en droit français : "Dans le doute, en faveur de l’accusé" (ou "Dans le doute, en faveur de la liberté.")
Application en droit public et administratif français : bien que plus spécifiquement pénal, ce principe de présomption d’innocence et de faveur pour la personne poursuivie trouve une résonance en droit administratif, notamment en matière de sanctions et de libertés publiques.
Dans le contentieux disciplinaire (fonction publique) ou administratif répressif (sanctions administratives), le juge peut être amené à se prononcer en faveur de l’administré si la preuve d’une infraction ou d’une faute n’est pas établie avec certitude.
Plus largement, l’esprit de cet adage imprègne le respect des libertés publiques par l’administration. En cas de doute sur la légalité d’une mesure restrictive de liberté (par exemple, un arrêté de police), le juge administratif privilégiera l’interprétation la plus favorable à la liberté.
Le principe de la liberté est la règle, la restriction l’exception est une autre expression de ce principe.
Il garantit une forme d’équilibre entre la puissance de l’administration et les droits des administrés, incitant à la prudence et à la modération dans l’exercice des pouvoirs de contrainte ou de sanction.
Error communis facit jus : traduction en droit français : "L’erreur commune fait le droit."
Application en droit public et administratif : cet adage est le fondement de la théorie de l’apparence en droit. Il signifie qu’une erreur partagée par un grand nombre, si elle est légitime et non causée par une négligence, peut, dans des circonstances exceptionnelles, créer une situation de droit ou valider une situation illégale en apparence.
En droit administratif, cela est appliqué, par exemple, en matière de fonctionnaire de fait. Si une personne a exercé publiquement des fonctions publiques en toute bonne foi, sur la base d’une erreur commune (par exemple, une nomination irrégulière mais ignorée de tous), les actes qu’elle a accomplis dans l’exercice de ces fonctions peuvent être validés pour des raisons de sécurité juridique et de protection des tiers.
C’est une théorie d’exception qui tempère la rigueur du principe de légalité lorsque l’application stricte de la règle conduirait à des conséquences manifestement contraires à la sécurité juridique ou à la bonne foi des administrés.
Cette théorie vise à protéger les tiers de bonne foi qui ont légitimement cru à la validité d’une situation. Elle montre que le droit administratif n’est pas seulement un droit de la légalité formelle, mais aussi un droit de la justice et de l’équité.
Exemple : (Conseil d’Etat, 8 février 1995) :
Vu la requête, enregistrée le 31 mai 1990 au secrétariat du Contentieux du Conseil d’Etat, présentée par Mme X., demeurant (...) ; Mme X. demande que le Conseil d’Etat :
1°) annule le jugement en date du 1er mars 1989 par lequel le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l’annulation de la décision, en date du 13 janvier 1988, par laquelle le directeur du centre hospitalier Marc Jacquet de Melun a prononcé à son encontre la sanction d’exclusion temporaire de fon ouctions pendant six mois.
2°) annule pour excès de pouvoir cette décision.
Vu les autres pièces du dossier
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel
Vu l’ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-984 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987
Après avoir entendu en audience publique :
le rapport de M. Chabanol, Conseiller d’Etat,
les conclusions de M. Arrighi de Casanova, Commissaire du gouvernement.
Considérant d’une part que, tant que sa nomination n’est pas annulée, un agent public même irrégulièrement nommé accomplit valablement les actes relevant de ses fonctions ; que c’est par suite à bon droit que le tribunal administratif a jugé que, même si la nomination du directeur par intérim du centre hospitalier Marc Jacquet de Melun avait été irrégulière, ce dernier avait pu valablement saisir le conseil de discipline d’un rapport concernant les poursuites engagées contre Mme X., psychologue titulaire nommée dans ce centre ; que cette dernière n’est donc pas fondée à se prévaloir contre la sanction qu’elle attaque de la violation de l’article 83 de la loi du 9 janvier 1986 aux termes duquel "le conseil de discipline est saisi par un rapport de l’autorité investie du pouvoir de nomination".
Considérant d’autre part que, contrairement à ce que soutient la requérante, il résulte des termes mêmes de sa lettre en date du 15 mai 1987 qu’elle y déclarait n’effectuer de son propre chef que trois journées de travail par semaine au centre social de Moissy Cramayel où elle était affectée, alors qu’elle avait été recrutée sur un emploi à temps complet ; que, par suite, et alors qu’elle n’établit pas avoir reçu pour instruction d’effectuer son service en-dehors des locaux hospitaliers, elle n’est pas fondée à soutenir que la sanction qu’elle attaque, qui a été motivée par cette circonstance, serait fondée sur des faits matériellement inexacts ; que l’absence d’établissement d’un tableau de service est sans influence sur le caractère fautif des faits dont s’agit.
Considérant qu’il résulte de ce qui précède que Mme X. n’est pas fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a refusé d’annuler la sanction d’exclusion temporaire de fonctions pendant six mois dont elle a fait l’objet.
Décide :
Article 1er : la requête de Mme X. est rejetée.
Article 2 : la présente décision sera notifiée à Mme X., au centre hospitalier Marc-Jacquet et au ministre d’Etat, ministre des affaires sociales, de la santé et de la ville”.
Pacta sunt servanda : traduction en droit français : "Les conventions doivent être respectées."
Application en droit public et administratif : cet adage est le principe fondamental de la force obligatoire des contrats.
En droit administratif, il s’applique aux contrats administratifs, qui lient l’administration et son cocontractant. L’administration comme son contractant sont tenus d’exécuter leurs obligations contractuelles.
Cependant, comme pour l’exception d’inexécution, ce principe est tempéré par les prérogatives de puissance publique de l’administration. Pour des motifs d’intérêt général, l’administration peut unilatéralement modifier le contrat (théorie de la mutabilité des contrats administratifs) ou le résilier, à charge pour elle d’indemniser le cocontractant du préjudice subi.
De même, des circonstances imprévues (théorie de l’imprévision) peuvent conduire à une adaptation des conditions du contrat pour éviter sa rupture et maintenir le service public.
Ainsi, le respect de la parole donnée est un principe directeur, mais il est subordonné aux exigences impérieuses de l’intérêt général et de la continuité du service public, qui sont des spécificités du droit administratif.
Exemple (Conseil d’Etat, du 30 mars 1916, 59928, publié au recueil Lebon) :
"Vu la requête sommaire et le mémoire ampliatif présentés pour la "Compagnie générale d’éclairage de Bordeaux", société anonyme, dont le siège social est à Bordeaux, rue de Condé, n° 5, agissant poursuites et diligences de ses directeur et administrateurs en exercice, ladite requête et ledit mémoire enregistrés au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat les 1er et 29 septembre 1915 et tendant à ce qu’il plaise au Conseil annuler un arrêté en date du 30 juillet 1915 par lequel le conseil de préfecture du département de la Gironde l’a déboutée de sa demande tendant à faire juger qu’elle a droit à un relèvement du prix fixé par son contrat de concession pour le gaz fourni par elle à la ville et aux particuliers et à faire condamner la ville de Bordeaux à lui payer une indemnité ;
Vu la loi du 28 pluviôse an VIII ; Vu la loi du 24 mai 1872.
Sur les fins de non-recevoir opposées par la ville de Bordeaux :
Considérant que les conclusions de la compagnie requérante tendaient devant le conseil de préfecture comme elles tendent devant le Conseil d’Etat à faire condamner la ville de Bordeaux à supporter l’aggravation des charges résultant de la hausse du prix du charbon ; que, dès lors, s’agissant d’une difficulté relative à l’exécution du contrat, c’est à bon droit que par application de la loi du 28 pluviôse an VIII, la compagnie requérante a porté ces conclusions en première instance devant le conseil de préfecture et en appel devant le Conseil d’Etat.
Au fond : Considérant qu’en principe le contrat de concession règle d’une façon définitive jusqu’à son expiration, les obligations respectives du concessionnaire et du concédant ; que le concessionnaire est tenu d’exécuter le service prévu dans les conditions précisées au traité et se trouve rémunéré par la perception sur les usagers des taxes qui y sont stipulées ; que la variation du prix des matières premières à raison des circonstances économiques constitue un aléa du marché qui peut, suivant le cas être favorable ou défavorable au concessionnaire et demeure à ses risques et périls, chaque partie étant réputée avoir tenu compte de cet aléa dans les calculs et prévisions qu’elle a faits avant de s’engager.
Mais considérant que, par suite de l’occupation par l’ennemi de la plus grande partie des régions productrices de charbon dans l’Europe continentale, de la difficulté de plus en plus considérable des transports par mer à raison tant de la réquisition des navires que du caractère et de la durée de la guerre maritime, la hausse survenue au cours de la guerre actuelle, dans le prix du charbon qui est la matière première de la fabrication du gaz, s’est trouvée atteindre une proportion telle que non seulement elle a un caractère exceptionnel dans le sens habituellement donné à ce terme, mais qu’elle entraîne dans le coût de la fabrication du gaz une augmentation qui, dans une mesure déjouant tous les calculs, dépasse certainement les limites extrêmes des majorations ayant pu être envisagées par les parties lors de la passation du contrat de concession ; que, par suite du concours des circonstances ci-dessus indiquées, l’économie du contrat se trouve absolument bouleversée. Que la compagnie est donc fondée à soutenir qu’elle ne peut être tenue d’assurer aux seules conditions prévues à l’origine, le fonctionnement du service tant que durera la situation anormale ci-dessus rappelée.
Considérant qu’il résulte de ce qui précède que si c’est à tort que la compagnie prétend ne pouvoir être tenue de supporter aucune augmentation du prix du charbon au delà de 28 francs la tonne, ce chiffre ayant, d’après elle, été envisagé comme correspondant au prix maximum du gaz prévu au marché, il serait tout à fait excessif d’admettre qu’il y a lieu à l’application pure et simple du cahier des charges comme si l’on se trouvait en présence d’un aléa ordinaire de l’entreprise ; qu’il importe au contraire, de rechercher pour mettre fin à des difficultés temporaires, une solution qui tienne compte tout à la fois de l’intérêt général, lequel exige la continuation du service par la compagnie à l’aide de tous ses moyens de production, et des conditions spéciales qui ne permettent pas au contrat de recevoir son application normale. Qu’à cet effet, il convient de décider, d’une part, que la compagnie est tenue d’assurer le service concédé et, d’autre part, qu’elle doit supporter seulement au cours de cette période transitoire, la part des conséquences onéreuses de la situation de force majeure ci-dessus rappelée que l’interprétation raisonnable du contrat permet de laisser à sa charge ; qu’il y a lieu, en conséquence, en annulant l’arrêté attaqué, de renvoyer les parties devant le conseil de préfecture auquel il appartiendra, si elles ne parviennent pas à se mettre d’accord sur les conditions spéciales dans lesquelles la compagnie pourra continuer le service, de déterminer, en tenant compte de tous les faits de la cause, le montant de l’indemnité à laquelle la compagnie a droit à raison des circonstances extracontractuelles dans lesquelles elle aura à assurer le service pendant la période envisagée.
Décide :
Article 1er : l’arrêté susvisé du conseil de préfecture du département de la Gironde en date du 30 juillet 1915 est annulé. Article 2 : la Compagnie générale d’éclairage de Bordeaux et la ville de Bordeaux sont renvoyées devant le conseil de préfecture pour être procédé, si elles ne s’entendent pas amiablement sur les conditions spéciales auxquelles la compagnie continuera son service, à la fixation de l’indemnité à laquelle la compagnie a droit à raison des circonstances extracontractuelles dans lesquelles elle aura dû assurer le service concédé. Article 3 : la ville de Bordeaux est condamnée à tous les dépens de première instance et d’appel”.
Ces adages latins, loin d’être de simples reliques d’un passé révolu, constituent des outils conceptuels et des marqueurs de principes toujours vivants au cœur du droit administratif français.
Leur persistance témoigne de la force des traditions juridiques et de la capacité du droit à s’appuyer sur des fondations solides pour s’adapter aux défis contemporains. Ils offrent un langage commun aux juristes, permettant une communication concise et précise de notions complexes.
Comprendre ces adages, c’est non seulement appréhender des facettes essentielles du droit administratif, mais c’est aussi percevoir la richesse et la profondeur d’un système juridique qui, malgré ses évolutions et ses spécificités nationales, demeure ancré dans une pensée universelle. Ils rappellent que le droit est un art et une science qui se nourrit de sa mémoire pour mieux construire son avenir, assurant ainsi la pérennité des principes de légalité, de justice et de protection des libertés face à l’action publique.