La portée de la mention d’une convention collective dans un contrat de travail.

Par Maximilien Bouchard, Juriste.

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Explorer : # convention collective # contrat de travail # employeur

Le 5 juillet 2023, la chambre sociale de la Cour de cassation (Cass. soc., 5 juillet 2023, n° 22-10.424) indique dans un arrêt publié au bulletin qu’un salarié peut se prévaloir de la convention collective mentionnée dans son contrat de travail, même si elle est contraire à celle dont relève son employeur.

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Pour rappel, l’article L2261-2 du Code du travail précise que la convention collective applicable à une relation de travail est

« celle dont relève l’activité principale exercée par l’employeur ».

Dès lors, pour déterminer quelle est la convention collective applicable à la relation de travail, il appartient au juge de déterminer quelle est l’activité principale de l’entreprise.

En outre, le ministère du Travail indique qu’il revient à l’employeur d’informer par le biais d’une notice informative ses salariés de la convention collective dont ils relèvent [1].

Par ailleurs, la jurisprudence admet que l’employeur puisse décider d’appliquer volontairement une convention collective dont il ne relève pas. Cette application volontaire peut découler d’un usage [2] ou bien d’un engagement unilatéral de l’employeur [3], qui doit être clair et non-équivoque [4].

La jurisprudence ajoute enfin que lorsque les bulletins de paie mentionnent une convention collective, cette mention emporte présomption d’applicabilité de la convention collective [5].

Toutefois, quelle est la portée de la mention d’une convention collective dans un contrat de travail ?

En l’espèce, en 2017 un salarié assigne son employeur devant le conseil de prud’hommes de Creil, il demande à ce que la convention collective des employés des agences de presse qui figure dans son contrat de travail et sur une partie de ses bulletins de paie lui soit applicable pour prétendre à la requalification de son contrat de travail et au versement de deux primes.

En première instance, le salarié est partiellement débouté de sa demande de requalification de son contrat de travail qui plus et, la société est condamnée à verser des sommes à titre de rappel de salaire.

La société interjette appel devant la Cour d’appel d’Amiens.

Le 27 janvier 2021, la cour d’appel infirme le jugement de première instance et estime que le salarié relève de la convention collective des journalistes.

Les juges de seconde instance appliquent l’article L2261-2 du Code du travail, ils identifient dans un premier temps par une appréciation in concreto l’activité principale de la société qui relève ainsi du

« domaine des courses hippiques, employant des reporters photographes pour se constituer une banque d’images et vendant les reportages réalisés à différents clients ».

Dans un second temps, la cour constate au soutien de son raisonnement que la convention collective dont se prévaut le salarié ne s’applique « qu’aux salariés administratifs de ce type d’agence ce qui n’est pas le cas en l’espèce ».

La cour en conclut que la convention applicable à la relation de travail est celle des journalistes.

Le salarié débouté de ses demandes forme un pourvoi en cassation.

Le salarié fait grief à l’arrêt d’avoir fait une stricte application du texte L2261-2 du Code du travail sans tenir compte de la mention de la convention collective dont il se prévalait dans son contrat de travail.

Rendu au visa de l’article 1134 du Code civil dans son ancienne rédaction, l’arrêt de Cour de cassation casse l’arrêt d’appel.

La chambre sociale rappelle que

« les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites et qu’à ce titre, la référence dans le contrat de travail à la convention collective des agences de presse valait reconnaissance de l’application de la convention à l’égard du salarié ».

La méthode de détermination de la convention collective applicable à une relation de travail prescrite par le Code du travail s’incline devant la force obligatoire des contrats. Le salarié pourra valablement se prévaloir de la convention collective mentionnée dans son contrat de travail même si son employeur en applique une autre.

Cet arrêt s’inscrit dans la continuité de la jurisprudence de la chambre sociale de la cour de cassation [6].

Maximilien Bouchard
Juriste en droit social

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Notes de l'article:

[1Circ. DRT n° 09, 22 sept. 2004, JO 31 oct., fiche no 9.

[2Cass. soc., 4 déc. 1991, n° 88-40.454.

[3Cass. soc., 17 déc. 1997, no 95-41.749.

[4Cass. soc., 5 oct. 1993, n° 89-43.869.

[5Cass. soc., 15 novembre 2007, n° 06-44.008.

[6Cass. Soc., 13 déc. 2000, n° 98-43.542.

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