Compte tenu de sa place essentielle dans la vie quotidienne des citoyens et dans l’activité des opérateurs économiques, la fourniture en électricité des consommateurs fait l’objet d’une protection particulière par le législateur.
A ce titre, la Directive 2019/944 du 5 juin 2019 [1], le Code de l’énergie et le Code de la consommation consacrent :
- D’une part, le libre choix du fournisseur d’électricité ; et
- D’autre part, symétriquement, la restriction des modalités de mise en œuvre des clauses d’indemnités pour résiliation anticipée (ci-après, « IRA ») des contrats de fourniture d’électricité, notamment lorsque cette résiliation est motivée par la souscription d’une offre d’un fournisseur concurrent.
Le cadre juridique des IRA en matière de fourniture d’électricité diffère selon la typologie de client concerné.
Les consommateurs particuliers ou non-professionnels <36kVA : interdiction totale des IRA.
S’agissant des consommateurs (i) particuliers ou (ii) non professionnels avec une consommation inférieure à 36 kVA [2], l’article L224-15 du Code de la consommation prévoit l’interdiction de la mise en œuvre d’IRA en cas de résiliation du contrat de fourniture d’électricité à l’initiative du consommateur.
En effet, seuls les frais résultant de la gestion des réseaux de transport et de distribution peuvent être facturés, étant précisé qu’aucun frais ne peut être réclamé au seul motif que le consommateur change de fournisseur.
Ces dispositions étant d’ordre public [3], il ne peut y être dérogé par le contrat.
Les consommateurs professionnels TPE-PME et les petites collectivités territoriales : interdiction sous conditions des IRA.
S’agissant des consommateurs non domestiques (c’est-à-dire principalement les professionnels et les collectivités territoriales), l’article L332-2 du Code de l’énergie prévoit par principe l’interdiction de l’application d’indemnités au bénéfice du fournisseur lors de la résiliation anticipée du contrat, sous réserve de seuils de personnel (50 salariés) et de chiffre d’affaires (10 millions d’euros).
Dans l’hypothèse où le consommateur non domestique respecterait les seuils de personnel et de chiffre d’affaires, ce n’est que par exception que des IRA pourraient être appliquées en cas de résiliation anticipée du contrat, si les cinq critères cumulatifs suivants sont satisfaits :
- Premièrement, les contrats doivent être conclus à prix fixes ;
- Deuxièmement, les contrats doivent faire l’objet d’une durée déterminée ;
- Troisièmement, les contrats doivent avoir été résiliés par les clients et à leur plein gré avant leur échéance ;
- Quatrièmement, les frais de résiliation anticipée doivent avoir été clairement communiqués avant la conclusion du contrat ; et
- Cinquièmement, les frais ne peuvent excéder la perte économique directe subie par le fournisseur.
Cette possibilité dérogeant au droit commun, elle doit à notre sens faire l’objet d’une interprétation stricte [4].
S’agissant plus particulièrement du plafonnement de l’indemnité à la perte économique subie par le fournisseur, deux éléments méritent d’être relevés :
- D’abord, l’électricité ne se stockant pas, les volumes d’électricité auxquels le client a renoncé doivent nécessairement être revendus par le fournisseur sur les marchés où à un autre client. Selon le cours des marchés, cette revente est susceptible d’être réalisée à perte pour le fournisseur. Dans cette hypothèse, il ne peut que facturer la différence entre la valeur des volumes délaissés et celle de leur revente.
- Ensuite, il nous semble qu’il appartient au fournisseur de démontrer la matérialité du préjudice subi du fait de la résiliation anticipée.
En effet, si le Code de l’énergie demeure silencieux sur la charge de la démonstration de la perte économique, faire supporter la charge de la preuve du préjudice au fournisseur - et non au client - s’inscrit en conformité à la fois avec l’article 12 §3 de la Directive 2019/944 qui prévoit expressément que « la charge de la preuve de la perte économique directe incombe au fournisseur », mais également avec les règles générales de la procédure contentieuse civile et administrative.
Les grands consommateurs professionnels et les grandes collectivités territoriales : une application autorisée des IRA.
A défaut de disposition sectorielle spécifique dans le Code de l’énergie ou le Code de la consommation, l’application d’IRA est autorisée pour les entreprises et les collectivités territoriales n’entrant pas dans les critères définis à l’article L332-2 du Code de l’énergie, c’est-à-dire employant plus de 50 salariés ou réalisant un chiffre d’affaires annuel supérieur à 10 millions d’euros.
Toutefois, l’application des IRA pour cette typologie de consommateurs est naturellement conditionnée à sa conformité avec le droit commun, au titre duquel sont prohibées ou censurées les clauses appliquées en l’absence de consentement de la partie débitrice, faisant peser un déséquilibre significatif au détriment du débiteur ou qui revêtent le caractère d’une clause pénale.
La légalité des indemnités de rupture anticipée avec le cadre juridique nécessite une analyse au cas par cas des contrats en cause, ainsi que des spécificités juridiques et techniques du titulaire du contrat.
Enfin, on relèvera que bien que les clients titulaires de contrats de fourniture de gaz naturel bénéficient d’un cadre juridique moins protecteur que celui applicable en matière d’électricité, l’article L442-1 du Code de l’énergie prohibe également, sous certaines conditions, l’application d’IRA.