Article 12, DDHC, 1789 : « La garantie des droits de l’Homme et du Citoyen nécessite une force publique : cette force est donc instituée pour l’avantage de tous, et non pour l’utilité particulière de ceux auxquels elle est confiée ».
Rapproché de l’article 7 de la DDHC, trois piliers complémentaires à l’article 12 pour la garantie des droits émergent dans la Déclaration de 1789 :
Article 6 DDHC : « La Loi est l’expression de la volonté générale. Tous les Citoyens ont droit de concourir personnellement, ou par leurs Représentants, à sa formation. Elle doit être la même pour tous, soit qu’elle protège, soit qu’elle punisse » ; soit la consécration législative des droits.
Article 13 DDHC : « Pour l’entretien de la force publique, et pour les dépenses d’administration, une contribution commune est indispensable : elle doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés » ; soit la nécessité d’entretenir la force publique par le recours à l’impôt.
Article 16 DDHC : « Toute Société dans laquelle la garantie des Droits n’est pas assurée, ni la séparation des Pouvoirs déterminée, n’a point de Constitution » ; régit l’usage du pouvoir et encadre la force publique via l’existence du Constitution réglementant l’exercice du pouvoir politique et déterminant les modalités d’interventions de la loi ainsi que les conditions d’emploi de la force publique.
Ainsi, l’article 12 consacre un principe de non-délégation générale de la force publique à des entités privées et la jurisprudence administrative, dans le cadre de la décision du 24 avril 2025, accepte que des personnes privées exercent des tâches techniques (fouille, filtrage), mais pas de missions de police administrative générale.
Les grandes décisions du Conseil constitutionnel en la matière.
Décision n°2011-625 DC du 10 mars 2011, Loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure
À propos de la surveillance de la voie publique par des personnes privées. Les requérants remettaient en cause la légitimité pour des personnes privées de surveiller la voie publique, estimant qu’une telle possibilité revenait, selon eux, à déléguer une mission de police administrative générale, ce qui relève normalement de l’exercice de la souveraineté nationale. Ils y voyaient ainsi un élargissement du cadre prévu par l’article 10 de la loi n°95-73 du 21 janvier 1995, tel que modifié par la loi n°2006-64 du 23 janvier 2006.
Sur le fondement de la méconnaissance des prérogatives souveraines de l’État (soulevée d’office par le Conseil via l’article 12). Le Conseil refuse alors la délégation de compétences générales de police administrative à des personnes privées en citant l’article 12 in extenso (considérant 18).
Décision n°2017-637 QPC du 16 juin 2017
À propos de la sécurité privée dans des évènements sportifs.
Sur le fondement de l’article L332-1 du Code du sport : « Les organisateurs de manifestations sportives à but lucratif peuvent être tenus d’y assurer un service d’ordre dans les conditions prévues à l’article L. 211-11 du code de la sécurité intérieure ».
Article L211-11 du CSI : « Les organisateurs de manifestations sportives, récréatives ou culturelles à but lucratif peuvent être tenus d’y assurer un service d’ordre lorsque leur objet ou leur importance le justifie. Les personnes physiques ou morales pour le compte desquelles sont mis en place par les forces de police ou de gendarmerie des services d’ordre qui ne peuvent être rattachés aux obligations normales incombant à la puissance publique en matière de maintien de l’ordre sont tenues de rembourser à l’État les dépenses supplémentaires qu’il a supportées dans leur intérêt. Un décret en Conseil d’État fixe les conditions d’application du présent article. »
Ceci pose une interdiction claire de déléguer à des personnes privées des compétences de police administrative générale et vient consacrer l’article 12 de la DDHC comme un droit et liberté fondamental, invocable en QPC.
Décision n°2017-695 QPC du 29 mars 2018, M. Rouchi.
À propos de plusieurs dispositions de la loi sur la SILT, intégrées au CSI :
Sur les périmètres de protection [1], le Conseil constitutionnel a jugé leur conformité à la Constitution, sous trois réserves d’interprétation essentielles :
D’une part, les personnes privées mobilisées à des fins de surveillance doivent rester placées sous le contrôle effectif d’OPJ ;
D’autre part, les opérations de contrôle (palpations, fouilles, inspections, etc…) ne peuvent se fonder que sur des critères objectifs, excluant toute forme de discrimination ;
Enfin, tout renouvellement de ces périmètres par le préfet doit être justifié par un risque terroriste persistant, propre au lieu ou à l’évènement visé.
Sur la fermeture provisoire de lieux de culte [2], la mesure a été déclarée conforme à la Constitution, car elle répond à l’objectif de prévention des atteintes à l’ordre public sans porter atteinte de manière disproportionnée à la liberté de culte. Le Conseil a insisté sur le fait que cette fermeture doit être justifiée par des propos ou activités terroristes. Il a relevé plusieurs garanties : une durée limitée à 6 mois non renouvelable sauf faits nouveaux, une possibilité de recours en référé avec effet suspensif, et une décision du juge dans un délai de 48h.
Sur les mesures individuelles de contrôle administratif (MICAS), telles que l’interdiction de fréquenter certaines personnes, ont également été validées sous réserve de plusieurs garanties : l’administration doit notamment tenir compte des liens familiaux dans la désignation des personnes concernées, la durée totale de la mesure ne peut excéder 12 mois, même en cas de fractionnement, et tout renouvellement doit être précédé d’un contrôle effectif du juge. Le Conseil a toutefois censuré certaines dispositions, notamment le délai de jugement imposé au juge administratif (4 mois), jugé incompatible avec le droit à un recours juridictionnel effectif, ainsi que la possibilité de renouveler la mesure au-delà de 3 mois sans décision judiciaire préalable.
Sur les visites et saisies administratives autorisées par le JLD ont été jugées globalement conformes, grâce aux garanties procédurales entourant leur mise en oeuvre : autorisation préalable par une ordonnance motivée, exclusion de certains lieux sensibles (parlementaires, avocats, journalistes), présence obligatoire de l’occupation / de témoins, et droit à l’assistance d’un avocat.
En revanche, la disposition permettant la saisie de documents et d’objets sans encadrement légal sur leur exploitation, leur conservation ou leur restitution a été censurée pour méconnaissance du droit de propriété.
Décision n°2021-940 QPC du 15 octobre 2021.
À propos de la transposition d’une directive européenne sur les fichiers passagers.
L’article 12 de la DDHC devient un principe inhérent à l’identité constitutionnelle de la France et sert ainsi de limite à la primauté du droit de l’UE (fondé sur l’article 88-1 de la Constitution, mais toujours sans censure : disposition validée car pas de transfert de compétence générale.
Sur l’identité constitutionnelle, rappelons qu’en France, son utilisation est présentée par le Conseil constitutionnel comme un moyen d’assurer la cohérence entre le droit de l’Union européenne et le droit national. Toutefois, l’analyse des documents disponibles révèle que cette notion est surtout mobilisée pour réaffirmer la primauté de la Constitution, alignant ainsi la position du Conseil sur celle d’autres juridictions constitutionnelles. L’usage de l’article 12 semble davantage relever d’une stratégie jurisprudentielle que d’une véritable volonté de protéger les droits fondamentaux.
Un « après » la décision jurisprudentielle du 24 avril 2025.
Décision n°2025-878 DC du 24 avril 2025
À propos de la délégation à des agents de sécurité privée dans les transports.
L’on passe d’une interdiction générale à un principe d’encadrement par seuil, où des prérogatives de portée limitée peuvent être confiées aux agents privés :
- Dans des lieux déterminés relevant de leur compétence ;
- Si elles sont strictement nécessaires à leur mission de sécurité ;
- Si exercées sous le contrôle effectif d’un agent des forces publiques (qui n’est pas forcément l’Officier de police judiciaire territorialement compétent (OPJ TC)).
En matière de critères posés par le Conseil constitutionnel, les prérogatives acceptables regroupent la surveillance, le filtrage dans les lieux gérés (par exemple les gares), et sauf si ces mêmes prérogatives deviennent coercitives.
À l’inverse, sur la prérogative interdite, l’on retrouve toute contrainte physique exercée de manière autonome par des agents privés qui constituerait une délégation de pouvoir général de police, donc inconstitutionnelle.