Dès son arrivée en tant que Bâtonnier de l’Ordre des avocats du barreau de Paris, Christiane Féral-Schuhl, ayant pris conscience des difficultés des avocates dans l’exercice de leur profession, a entrepris de nombreuses actions en faveur de l’égalité.
Parmi celles-ci, on se souviendra de la célébration de la journée de la femme pour la première fois au barreau de Paris avec la façade du Palais de Justice recouverte des mots « Et si la femme était (aussi) l’avenir du droit ? » et la journée « Les femmes et le pouvoir en 2012 ».
Dans le prolongement de ces actions, le Conseil de l’Ordre a adopté cette semaine d’importantes mesures pour tendre à l’égalité entre les femmes et les hommes avocats, telle que l’introduction d’une période d’immunité de 2 mois pour les avocates collaboratrices au retour de leur congés maternité et la création d’une commission égalité professionnelle.
Cette commission travaillera sur la question de la rémunération annuelle, le taux de féminisation de la profession, les départs de la profession (40% des femmes quittent la profession dans les 10 premières années), un module de formation sur le thème de l’égalité.
Elle publiera et analysera les chiffres de l’observatoire de l’égalité qui ont été actualisés et pourra émettre des recommandations afin de mettre un terme à un certain nombre de mauvaises pratiques.
Christiane Féral-Schuhl a aussi souhaité remettre une médaille à Malala Yousufzai qui milite pour l’éducation des jeunes filles au Pakistan et qui a été récemment blessée d’une balle à la tête par les Talibans. La jeune fille étant hospitalisée, c’est son père qui l’a reçue et est venu témoigner pour elle : « il faut être optimiste car les femmes jouent un rôle important et que les hommes commencent à s’en rendre compte, c’est aux hommes de permettre à leurs femmes et leurs enfants d’avoir un rôle dans la vie de notre société. ». Rappelant un dicton, « derrière chaque homme qui réussit, il y a une femme », il souhaite qu’un jour la formule s’inverse et qu’on puisse dire « derrière une femme qui réussit, il y a un homme ».
En ce 7 mars 2013, Christiane Féral-Schuhl avait aussi convié ces « femmes de combat », sujets de son livre, afin qu’elles viennent témoigner de leurs expériences, en commençant par Shirin Ebadi, prix Nobel de la paix.
Elle est la première femme iranienne à avoir accéder à la fonction de juge. Elle est ensuite devenue avocate et s’occupe de la situation des femmes et plus spécialement des femmes avocates en Iran. Elle a rappelé que la révolution de 1979 avait permis le départ d’un dictateur mais qu’elle avait laissé la place à un dictateur religieux et à l’introduction de nombreuses lois discriminatoires. Par exemple, la vie d’une femme a une valeur de 50% inférieure à celle d’un homme en Iran, ce qui signifie qu’en cas d’accident et de dédommagement, une femme sera à moitié moins indemnisée qu’un homme. Les protestations vont croissant mais le gouvernement considère qu’elles portent atteinte à la sécurité de l’Etat et les condamne. 30 des plus grandes féministes iraniennes sont en prison. Depuis juin 2009, 50 avocats sont poursuivis, 10 sont en prison dont sa consoeur Nasrin Sotoudeh (depuis 2,5 ans) qui vient de recevoir le prix Sakharov « pour la liberté de penser ».
Elle même a déjà été emprisonnée, menacée, perquisitionnée à son cabinet, s’est vue confisquer ses biens. Sa famille a déjà été menacée aussi, arrêtée, sa fille de 12 ans fait l’objet de poursuites judiciaires mais n’a pas encore été arrêtée…
Elle terminera son témoignage par ces mots « Nous continuerons de nous battre et nous vaincrons car tout ce que nous voulons c’est l’égalité… ».
C’est ensuite, Christina Swarns, avocate américaine et abolitionniste, connue pour avoir réussi à sortir du couloir de la mort Moumia Abu-Jamal qui s’est exprimée.
Elle a choisi de combattre contre la peine de mort, et fait partie du cercle restreint des capital defense lawyers qui compte très peu de femmes, et encore moins de femmes de couleur. Militante acharnée, elle pense que « la peine de mort est un outil pour faire taire et contrôler les personnes les plus défavorisées. La lutte contre la peine de mort est une lutte contre la pauvreté parce qu’aux Etats-Unis quand on a les moyens, on peut avoir un bon avocat et éviter la peine capitale. Les personnes qui sont défendues par un bon avocat ne sont jamais condamnées à mort. Je lutte donc pour obtenir une justice égale pour tous. »
Karinna Moskalenko, est une avocate russe qui travaille entre Strasbourg (CEDH) et la Russie pour défendre les dossiers très difficiles dont personne ne veut, c’est-à-dire les causes perdues. Parmi celles-ci, celle d’Anna Politkovskaïa, journaliste russe et militante des droits de l’homme, fervente opposante à la politique de Poutine, qui a été assassinée en 2006 à Moscou. Pendant des années, aucune enquête valide n’a été menée, et quand on a réussi à prouver que certaines personnalités étaient impliquées, rien n’a bougé.
Valdenia Paulino, est une avocate brésilienne qui fait l’objet de menaces dans son pays mais continue d’exercer son métier pour la défense des plus vulnérables dans les favelas. Elle a rappelé un certain nombre de données concernant son pays. Sur 190 millions brésiliens, seuls 8% vont à l’Université et elle fait partie de ces très rares personnes des favelas à avoir été à l’Université. Le Brésil tue 40 000 pauvres par an, c’est le 7ème pays le plus violent contre les femmes. Il y a peu le Brésil était encore le 2ème pays en termes d’inégalité sociale. Il serait 12ème aujourd’hui mais elle a du mal à y croire. Il est très difficile d’être avocat dans un pays où il y a autant d’inégalité. Venant d’un milieu pauvre, son chemin pour devenir avocate a été très difficile parce qu’elle a subi beaucoup de violences de toute sorte. Pourtant, elle aussi a choisi de combattre et de défendre les femmes, les jeunes, les enfants dans les favelas. Elle milite aussi activement pour la démilitarisation de la police au Brésil.
C’est Alba Cruz, une avocate mexicaine, fervente défenseur des Droits de l’Homme qui terminera cette série de témoignages, tout aussi enrichissant les uns que les autres. Elle travaille dans un état du sud du Mexique où 80% de la population est indigène et victime de toutes les discriminations. Un des plus grands problèmes est la violence envers les femmes et les enfants. « La plupart des cas que j’ai traité dans mes premières années étaient des cas de violences sexuelles. Mais la justice est corrompue et les seuls à y avoir accès sont les riches. L’accès à la justice et le droit à un procès équitable n’existent pas dans mon pays. Aujourd’hui, tous les cas que nous dénonçons ont à voir avec la torture ou avec de graves violations des Droits de l’Homme et c’est en général les responsables de ces violations qui menacent les avocats et leur retirent leur carte professionnelle pour les empêcher d’exercer. Pour autant, je crois plus que tout en la justice… ».
Crédit photos Alexandra Lebon.