Quid des responsabilités en cas d’affection(s) d’un enfant né de la gestation pour autrui ?

Par Diane Assoko Mve, Juriste.

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Explorer : # responsabilité # gestation pour autrui # santé de l'enfant # hygiène de vie

La gestation pour autrui, étant une pratique médicale, est le fait pour une femme, appelée gestatrice, de s’engager à porter l’enfant d’un couple, appelé demandeur, pendant la durée de la grossesse et de remettre cet enfant dès sa naissance, moyennant une rémunération. En effet, la mère porteuse reçoit l’ovule fécondée d’une autre donneuse ou de la demandeuse : c’est la gestation pour autrui [1].

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C’est une convention conclue entre la mère porteuse et les parents d’intention. La loi interdit ces conventions de gestation pour autrui [2]. Selon l’article 1108 alinéa 5 du Code civil [3], pour qu’une convention soit valable, il faut que sa cause soit licite. Or, dans la gestation pour autrui, les éléments qui ont déterminés la conclusion de la convention sont contraires à l’ordre public. Le commerce juridique exclut la vente du corps humain. Le contrat n’est ainsi pas valable.

Contrairement à la France, certains pays voisins, notamment la Belgique, ne l’interdisent pas expressément. Il n’y existe aucun fondement juridique.

Toutefois, si les personnes ont recours à cette pratique malgré la prohibition légale et jurisprudentielle [4], lors de l’exécution, il peut survenir des incidents après la naissance de l’enfant.

La question qui se pose alors est de savoir à qui incombe la responsabilité du fait des pathologies déclarées chez l’enfant ?

L’enfant peut naitre avec différentes maladies. Il peut contracter une maladie d’ordre génétique, qui se transmet par les gènes, transmise à la descendance. Le gène altéré cause un dysfonctionnement qui peut survenir à toute période de sa vie, notamment la drépanocytose, hémophilie et la fibromyalgie. La gestation pour autrui suppose que la mère porteuse ait, dans son utérus, les gènes des parents d’intention. Comme son nom l’indique, elle ne fait que porter l’enfant du couple. Sa responsabilité ne peut être engagée, du simple fait que ce ne sont pas ses gènes qui ont altérés la santé de l’enfant.

Les maladies virales que sont la rage, la fièvre jaune, le VIH, l’hépatite C ou la variole, sont déclenchées par un virus. En effet, la mère porteuse peut transmettre une maladie virale à l’enfant lors de sa grossesse, si cela est non détecté pendant les visites prénatales. Aussi, les maladies bactériennes notamment l’anthrax, la syphilis, déclenchées par une bactérie, sont transmissibles par la gestatrice. Toutes ces maladies sont en partie liées à la vie courante de la mère porteuse.

La mère porteuse doit adopter une bonne tenue pendant la grossesse car il en va de la vie de l’enfant. Elle doit faire attention à son hygiène de vie. La gestatrice expose l’enfant à plusieurs risques lorsqu’elle ne se comporte pas en « bon père de famille » [5]. Le fait pour une mère porteuse de fumer des stupéfiants, de mal se nourrir ou encore de faire toute chose susceptible d’altérer la santé de l’enfant pendant la grossesse, devrait engager sa responsabilité, s’il était prouvé que ces actes aient entrainé une anomalie chez l’enfant. Il en irait de même si elle gardait secret des informations pouvant aider le couple dans le choix de la gestatrice.

Elle pourrait être responsable des effets causés à l’enfant. La convention n’étant pas valable, la nature de cette responsabilité serait délictuelle, au sens de l’article 1382 du Code civil [6]. Elle aurait commis une faute en ne menant pas à bien les obligations qui lui incombaient. Le préjudice subi dans ce cas est que les parents auraient un enfant ayant des maladies qui ne dépendent pas de leurs gènes. Le lien de causalité reposerait sur la négligence, l’imprudence de la gestatrice au cours de sa grossesse, qui augmentent les risques de formation, mauvais développement de l’enfant.

Il serait donc préférable pour les futurs parents d’intention de contrôler l’hygiène de vie de la mère porteuse et de la conditionner. Il faudrait qu’elle sache ce qu’il faut faire ou ne pas faire, en considérant l’article 1101 du Code civil [7]. Lorsque l’on s’engage à porter en soi l’enfant d’autrui, on est d’une manière ou d’une autre conditionné à suivre ses exigences et recommandations. La mère porteuse doit se conformer à la volonté des parents d’intention. Son mode de vie doit être sain pour une bonne santé de l’enfant, ou du moins, pour s’exonérer de toute accusation en cas d’anomalies rencontrées chez ce dernier.

Comment réparer ce dommage causé à autrui ? Pourrait-elle rembourser les sommes perçues ? Devrait-elle- garder l’enfant né si les parents d’intention n’en veulent plus à cause de sa responsabilité ? Est-il possible d’engager la responsabilité de l’établissement de santé ? Laissons statuer la jurisprudence sur ces questions.

Diane Assoko Mve
Juriste

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Notes de l'article:

[1PMA, GPA, « La controverse juridique », Après le mariage pour tous, l’enfant pour tous ? de Aude Markovic.

[2La loi bioéthique en 1994, article 16-7 du Code civil, article 227-12 du Code pénal.

[3Il se trouvera à l’article 1128 du Code civil en octobre 2016.

[4L’arrêt n°90-20.105 du 31 mai 1991 de l’Assemblée plénière, qui a déclaré : « la convention par laquelle une femme s’engage, fut-ce à titre gratuit, à concevoir et à porter un enfant pour l’abandonner à sa naissance contrevient tant au principe d’ordre public de l’indisponibilité du corps humain qu’à celui de l’indisponibilité de l’état des personnes  ».

[5Terme qui disparaitra avec la réforme du droit des contrats applicable en octobre 2016.

[6Article qui deviendra 1240 en octobre 2016.

[7Termes qui disparaitront dans la réforme du droit des contrats applicable en octobre 2016.

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Discussion en cours :

  • par DGA d’entreprise pétrolière canadienne , Le 21 avril 2016 à 12:53

    Cet interessant article met en évidence la complexité du trafic des êtres humains. Il soulève la question de savoir quel pourrait être le meilleur moyen ou la meilleure façon d’aider les couples qui ont des difficultés à procréer. Pourrait-on aujourd’huin se limiter à la technologie uniquement ! Nous sommes tantés de dire que la législation dans ce domaine devrait s’adapter aux évolutions de l’heure. Cependant la voie de Dieu, celle des lois génétiques, restera toujours la meilleure.

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