Changement d’établissement scolaire et conflit entre parents : un contentieux saisonnier loin d’être anecdotique.

Par Laura Chrétien, Avocat.

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Explorer : # autorité parentale # contentieux familial # changement d'établissement scolaire # intérêt de l'enfant

Ce que vous allez lire ici :

L'autorité parentale est généralement conjointe jusqu'à 18 ans, sauf décision judiciaire. Les parents peuvent choisir l'établissement scolaire de l'enfant, mais accord mutuel est nécessaire. En cas de désaccord, le juge aux affaires familiales peut trancher. Il doit agir dans l'intérêt de l'enfant et respecter ses choix.
Description rédigée par l'IA du Village

La question épineuse du changement d’établissement scolaire (école primaire, collège ou lycée) de l’enfant mineur suscite chaque année un contentieux familial non négligeable, bien que relativement saisonnier pour ne pas dire « printanier », qui repose essentiellement sur les règles régissant l’autorité parentale. Même si les parents sont séparés, divorcés, qu’ils ont mis un terme à leur concubinage ou rompu leur Pacs, ils continuent à avoir des droits et des devoirs identiques envers leur enfant commun. Aussi doivent-ils prendre ensemble les décisions importantes le concernant liées notamment au choix de son établissement scolaire et à son orientation…. et ce n’est pas toujours chose aisée.

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Une autorité parentale conjointe … sauf cas particuliers.

Comme le dispose l’article 373-2 du Code civil,

« la séparation des parents est sans incidence sur les règles de dévolution de l’exercice de l’autorité parentale ».

Autrement dit, nonobstant la séparation ou le conflit entre parents, l’autorité parentale demeure conjointe par principe jusqu’aux 18 ans de l’enfant sauf à ce qu’un juge aux affaires familiales en décide autrement et confie l’exercice de l’autorité parentale à un seul des parents (cf. infra).

Par exception, l’article 373-2-1 du Code civil prévoit en effet que

« si l’intérêt de l’enfant le commande, le juge peut confier l’exercice de l’autorité parentale à l’un des deux parents ».

De plus, l’article 373-2-11 du Code civil précise que

« lorsqu’il se prononce sur les modalités d’exercice de l’autorité parentale, le juge prend notamment en considération :
1° La pratique que les parents avaient précédemment suivie ou les accords qu’ils avaient pu antérieurement conclure ;
2° Les sentiments exprimés par l’enfant mineur dans les conditions prévues à l’article 388-1 ;
3° L’aptitude de chacun des parents à assumer ses devoirs et respecter les droits de l’autre ;
4° Le résultat des expertises éventuellement effectuées, tenant compte notamment de l’âge de l’enfant ;
5° Les renseignements qui ont été recueillis dans les éventuelles enquêtes et contre-enquêtes sociales prévues à l’article 373-2-12 ;
6° Les pressions ou violences, à caractère physique ou psychologique, exercées par l’un des parents sur la personne de l’autre
 ».

L’exercice unilatéral de l’autorité parentale peut avoir deux origines : il peut résulter tantôt d’un retrait pur et simple de l’autorité parentale, à la suite notamment d’une mise en danger, d’un désintérêt manifeste envers l’enfant, ou encore de la commission d’un délit ou d’un crime (toutes conditions par ailleurs réunies), tantôt d’une suspension de l’exercice de l’autorité parentale. L’exercice de l’autorité parentale peut être suspendu notamment si l’autre parent ne démontre pas avoir résolu son problème d’intempérance et persiste dans un comportement négatif (addiction, etc.), ou encore en cas d’instabilité psychologique manifeste. Etant précisé ici que le parent qui perd l’exercice de l’autorité parentale conserve l’autorité parentale mais sans en avoir l’exercice, c’est-à-dire qu’il n’est plus à même de prendre des décisions concernant l’enfant. Il garde néanmoins le droit et le devoir de surveiller son entretien et son éducation et le droit d’être informé des choix importants concernant la vie de ce dernier. Mais il perd son pouvoir décisionnaire et son « droit de veto ».

Dans les deux hypothèses précitées (perte ou suspension), l’autre parent, qui sera donc unique titulaire de l’autorité parentale, prendra seul toutes les décisions importantes concernant la personne de l’enfant. Il n’aura pas (plus) à consulter l’autre parent notamment quant aux choix de son établissement scolaire ou à son orientation. Il agira seul.

Rappelons également que, quand un enfant est reconnu par un seul de ses parents et qu’une seule filiation est établie, le parent exercera également seul l’autorité parentale et pourra agir comme bon lui semble dans l’intérêt de l’enfant.

Hormis ces situations, l’autorité parentale sur l’enfant mineur est en principe partagée entre les deux parents, ce qui ne manque pas de susciter un contentieux familial nourri qui voit le jour chaque année à la même période, entre la fin de l’année scolaire en cours et le début de la suivante, en ce qui concerne le choix de l’établissement scolaire de l’enfant et son changement éventuel.

Un changement d’établissement scolaire sous conditions.

Rappelons tout d’abord que « l’autorité parentale », telle que définie aux articles 371-1 et suivants du Code civil,

« est un ensemble de droits et de devoirs ayant pour finalité l’intérêt de l’enfant.
Elle appartient aux parents jusqu’à la majorité ou l’émancipation de l’enfant pour le protéger dans sa sécurité, sa santé, sa vie privée et sa moralité, pour assurer son éducation et permettre son développement, dans le respect dû à sa personne
 ».

Le législateur a donc pris soin d’inscrire dans la loi la notion d’« éducation », indissociablement liée à celle d’ « intérêt de l’enfant », et le nécessaire double consentement des parents ; sauf les cas précités d’exercice unilatéral de l’autorité parentale.

En pratique, l’enfant qu’on voudrait changer d’établissement devra d’abord être radié de sa précédente école, collège ou lycée, avant d’être inscrit dans son nouvel établissement.

Pas de radiation… pas d’inscription !

Il en ressort que tout changement d’établissement, par exemple d’un établissement public à un établissement privé (ou vice versa) ou d’un établissement d’enseignement général à un établissement d’enseignement professionnel, ou d’un établissement de secteur à un établissement hors secteur (car proposant telle ou telle option ou spécialité non disponible dans l’établissement de secteur) suppose la délivrance préalable d’un exeat.

S’il est de jurisprudence constante que la radiation est considérée comme un acte usuel, l’Administration pouvant présumer l’accord de l’autre parent sauf opposition expresse connue [1], l’accord préalable des deux parents est fortement requis ; afin d’éviter toute difficulté ultérieure. Il pourra ainsi prendre la forme d’un courrier (simple ou recommandé) cosigné par les deux parents, ou d’une boucle d’emails, adressé(s) à la direction de l’établissement actuel en vue de la délivrance du fameux certificat de radiation.

La délivrance « non conforme » d’un exeat par un établissement scolaire qui aurait été informé d’un désaccord persistant entre les parents en phase de séparation (cf. supra), peut être largement préjudiciable car présentant un risque non négligeable que l’un des deux parents en profite pour inscrire l’enfant dans un autre établissement scolaire à l’insu de l’autre parent (parfois à l’autre bout de la France !).

Raison pour laquelle les délivrances d’exeats unilatéraux donnent lieu chaque année à contentieux conduisant parfois à la condamnation des établissements en question, soit par les juridictions judiciaires soit par les juridictions administratives selon la nature (privée ou publique) de l’établissement concerné.

En pratique, afin d’éviter tout débat inutile sur le fait de savoir s’il s’agit ou non d’un acte usuel, il est préférable d’obtenir un accord express des deux parents de l’enfant concerné.

Que se passe-t-il précisément si l’un des parents refuse le changement d’établissement, soit parce qu’il a précisément fait part de son refus à l’établissement à titre préventif (par lettre recommandée avec accusé de réception ou courriel), soit parce qu’en réponse à une demande de l’autre parent d’y procéder, il a émis un avis défavorable ?

Comment régler le conflit entre parents co-titulaires de l’autorité parentale ?

Hormis les cas de figure exceptionnels précités, comment peut-on contourner le refus d’un des parents de changer l’enfant d’établissement scolaire ? … En saisissant en urgence le juge aux affaires familiales compétent.

En effet, c’est lui qui est à même de trancher ce type de litige (en présence d’autorité parentale conjointe). Il sera cependant conseillé de ne pas le saisir en août pour la rentrée de septembre - les juges étant généralement peu enclins à faire droit aux demandes jugées trop tardives - mais d’essayer d’anticiper la difficulté idéalement en fin d’année scolaire en avril, mai ou au plus tard en juin.

A la procédure en référé, on préfèrera la procédure au fond en urgence, ce qui permettra d’obtenir une date d’audience fixée à bref délai et un jugement à temps, c’est-à-dire avant la rentrée scolaire.

Pour cela, conformément aux dispositions de l’article 1137 du Code de procédure civile, il conviendra de mandater un avocat en vue du dépôt d’une requête à fin d’être autorisé à assigner à bref délai, assortie d’un projet d’assignation à bref délai, et ses pièces justificatives selon bordereau.

Rôle du juge aux affaires familiales.

Une fois saisi, le juge aux affaires familiales s’assurera entre autres que le changement d’établissement, tel qu’envisagé, est dument motivé et qu’il est dicté par l’intérêt de l’enfant, conformément aux dispositions précitées de l’article 371-1 du Code civil, et non pas par celui de l’un ou l’autre des parents ou des deux.

Un regroupement familial de la fratrie au sein d’un même établissement scolaire, avec des enfants jusqu’à présent scolarisés dans deux écoles distinctes par exemple, pourra ainsi être jugé recevable car dans l’intérêt des enfants. De même que le choix d’un établissement plus proche du domicile des parents (en cas de résidence alternée) ou du domicile du parent ayant la résidence à titre principal de l’enfant (en cas de résidence partagée), pour réduire le temps de trajet de l’enfant. Il en sera de même d’un choix établissement permettant à l’enfant de suivre telle ou telle option ou spécialité non disponible dans son établissement actuel, ou de bénéficier d’un emploi du temps aménagé parce ce qu’il pratique un sport à haut niveau par exemple.

Par ailleurs, le juge s’assurera que les parents sont en règle du point de vue financier avec l’établissement actuel, ce qui peut poser difficulté en présence d’un enfant scolarisé en établissement privé notamment quand l’un des parents (ou les deux) ne règle(nt) pas sa quote-part ou qu’il existe un retard de paiement. Dans ce cas, il sera conseillé au parent demandeur, avant toute saisine, de solder la dette, quitte à se retourner ensuite contre l’autre parent débiteur, ou, à défaut, de négocier un échelonnement de la dette avec la comptabilité de l’établissement, car un changement d’établissement suppose d’être à jour du règlement des frais de scolarité. A défaut, cela risquerait de compromettre les chances de succès de la future action judiciaire.

Connaissance prise du dossier, le juge autorisera - ou refusera le cas échéant - la radiation et/ou le changement d’établissement de l’enfant en tenant compte des arguments et éléments avancés par chacun des parents (demandeur et défendeur).

Sa décision s’imposera ensuite à l’établissement scolaire actuel de l’enfant qui devra s’y conformer.

En attendant, l’enfant restera inscrit dans ledit établissement afin de garantir la continuité de sa scolarité conformément à l’obligation scolaire (notamment si la demande intervient en cours d’année scolaire).

In fine, si le désaccord avec l’autre parent co-titulaire de l’autorité parentale sur le choix de l’établissement scolaire de l’enfant ne peut être réglé amiablement et persiste, c’est le juge aux affaires familiales qui sera à même de trancher le différend existant.

Il pourra, s’il l’estime être dans l’intérêt supérieur de l’enfant mineur, autoriser sa radiation et son inscription au sein de tel ou tel établissement scolaire.

Pour augmenter les chances de succès, il sera néanmoins conseillé de ne pas attendre la veille de la rentrée scolaire et d’assigner le plus tôt possible afin de tenter d’obtenir un jugement favorable en temps et en heure.

Sans omettre au-delà que l’enfant mineur doté de discernement pourra toujours faire entendre sa voix, au visa de l’article 388-1 du Code civil, ce qui pèsera incontestablement dans la balance…

Laura Chrétien
Avocat au Barreau de Tours
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Notes de l'article:

[1Conseil d’État, 4ᵉ et 1ʳᵉ chambres réunies, 13 avril 2018, n°392949.

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