Sexe masculin ou féminin, un point c’est tout !

Par Aubéri Salecroix, Avocat.

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Explorer : # ambiguïté sexuelle # changement de sexe # identité de genre # État civil

La question du choix du sexe à l’état civil fait décidément l’objet de nombreux débats. Si la plupart du temps le choix du sexe à indiquer dans les registres ne pose pas de difficulté, tel n’est pas toujours le cas.

Civ. 1re, 4 mai 2017, n° 16-17.189

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En effet, le sexe choisi lors de la naissance n’est pas toujours vécu en harmonie avec l’identité d’un individu, que ce soit en raison de l’identité sexuelle choisie par l’intéressé ou de son apparence physique.

La question du changement de sexe à l’état civil des personnes transsexuelles a d’ores et déjà été tranchée et ne suscite plus de débat, tout au moins sur le plan juridique.

En revanche, plus inédite est la seconde hypothèse concernant les personnes dont les caractéristiques physiques ne permettent pas d’être formellement rattachées au sexe masculin ou féminin.

Tel est précisément le cas dans l’arrêt du 4 mai 2017 qui a malheureusement été davantage présenté comme anecdotique alors qu’il reflète le mal être de plusieurs centaines d’individus.

Rappelons qu’« environ 200 bébés naissent chaque année en France atteints d’une malformation génétique du développement sexuel » (source AFP), soit une naissance sur 4.000, bien que le Sénat ait indiqué dans son rapport de février 2017 qu’ « il n’existe aucune statistique complète et fiable sur le nombre exact de naissances de personnes présentant une variation du développement sexuel ».

Il n’existe en pratique aucune échelle permettant de déterminer à partir de quel degré une « variation du développement sexuel » devient un obstacle dirimant au rattachement de l’individu à l’un ou l’autre sexe.

Néanmoins, la question était à nouveau posée de savoir s’il convient de prendre en compte à l’état civil cette ambiguïté sexuelle en s’écartant de dualité jusqu’ici admise.

En l’espèce, le requérant souhaitait qu’on lui reconnaisse la mention du sexe neutre à l’état civil au motif que ses « organes génitaux ne correspondent pas à la norme habituelle de l’anatomie masculine ou féminine » et qu’il avait grandi avec « une ambiguïté sexuelle qui a perduré tout au long de sa vie ».

Certes, le Code civil n’évoque pas formellement en son article 57 l’obligation de faire un choix et seule une circulaire sans valeur normative prévoit d’éviter de porter l’indication de sexe « indéterminé » et préconise de suivre l’analyse médicale la plus probante.

Bien que la réponse ait été très attendue, elle se révèle plutôt décevante.

Effectivement, alors que le TGI de Tours avait jugé le 20 août 2015 qu’aucun obstacle juridique majeur ne se heurtait à la substitution car la « rareté de la décision ne remet pas en cause la division ancestrale de binarité des sexes », la Cour de cassation a repris la motivation pragmatique mais peu satisfaisante de la cour d’appel d’Orléans, du 22 mars 2016.

La Cour de cassation relève ainsi que la division binaire entre sexe masculin et féminin est reconnue comme « un élément fondateur », dont la modification impliquerait « de nombreuses modifications législatives de coordination ».

Cet argument repose sur des considérations pratiques légitimes mais ne rend pas compte de la réalité et de ses nuances.

Pourtant, si nombre d’auteurs reconnaissent dans cette distinction un « paradigme difficile à défaire » (v. B. Moron-Puech, L’identité sexuée des personnes intersexuées) quand bien même il repose sur une fiction juridique ne témoignant pas de la réalité factuelle, force est de constater que cet obstacle n’est pas insurmontable puisque plusieurs pays, dont l’Allemagne (2013), l’Australie (2014) et le Népal, ont reconnu l’existence d’un sexe neutre.

Les récentes évolutions législatives ont démontré que les actes d’état civil n’ont plus vocation à rendre compte d’une vraisemblance biologique dès lors que des parents peuvent être de même sexe.

A n’en pas douter la question est loin d’être définitivement tranchée et reste ouverte. A suivre donc.

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