Au cours d’une visite sur ses terres de Savoie, le 12 novembre 2024, Michel Barnier affirmait : « l’innovation, l’expertise, l’intelligence, la recherche sont clés pour la réindustrialisation de la France, le réarmement industriel de la France ».
Une telle promotion de l’innovation française face à une croissance en berne est également une volonté présidentielle maintes fois affirmée : Emmanuel Macron s’est ainsi lui-même fait le chantre de la « French Tech » encore récemment, lors de la table ronde sur la compétitivité européenne qui s’est tenue au Collège de France le 13 novembre 2024, où il déclarait ceci : « il faut avoir une politique sur quelques secteurs où on assume d’avoir une politique d’innovation et une politique industrielle. Ce qu’on a fait sur les semi-conducteurs, l’hydrogène, les batteries, il faut qu’on le fasse vraisemblablement sur le quantique, sur la clean tech, sur la santé et la défense ».
Cette politique va pourtant à rebours des nombreux plans de financement de la French Tech lancés par l’État français comme French Tech Next40/120, French Tech Tremplin, French Tech Central, ou encore France2030, le gouvernement s’apprête à démanteler le crédit d’impôt recherche (dit « CIR »), sous prétexte de coupes budgétaires. Bien que le CIR constitue un instrument d’encouragement à la R&D, et donc l’innovation en transformant des dépenses de recherche en crédits d’impôts sous certaines conditions. Cela est d’autant plus contradictoire, quand on sait que les premières victimes seront les start-ups et les petites et moyennes entreprises qui créent des emplois et œuvrent à la compétitivité française de demain.
Ce démantèlement pernicieux s’immisce, presque imperceptible, dans ce projet de budget 2025 annoncé draconien, aussi discuté que discutable sur de nombreux points. De nombreux amendements parsemés, par-ci par-là, venant de l’extrême gauche de l’Hémicycle, mais aussi quelques-uns de son centre et de sa droite, qui sont eux, plus ou moins, liés au gouvernement. On retiendra en particulier deux amendements visant à la suppression des dépenses liées aux veilles technologiques - dont l’un, déposé par Philippe Juvin, député du groupe Droite Républicaine, a été adopté - et un troisième de Charles de Courson, député centriste du groupe Liot, qui visait plus généralement la suppression des dépenses liées aux brevets, à la normalisation et à la veille technologique du domaine du CIR, et qui a été rejeté.
Quoi qu’il en soit, que ces amendements aient été adoptés ou rejetés, le texte soumis au Sénat est identique au texte initial du fait du rejet du volet recettes du projet de loi de finances par l’Assemblée Nationale le 12 novembre. Obligeante, la commission des finances du Sénat a, dès le 13 novembre 2024, adopté un amendement en ce sens, présenté par son rapporteur général Jean-François Husson, du groupe Les Républicains.
Voici donc comment le gouvernement mené par Michel Barnier, nommé par le promoteur de la French Tech, propose d’aider l’innovation : en excluant des dépenses du bénéfice du CIR. C’est à n’y rien comprendre. Le nombre de brevets déposés constitue pourtant indéniablement un marqueur de l’innovation tandis que les veilles technologiques permettent aux entreprises françaises de demeurer à la pointe de l’innovation.