L’argent et les nouvelles technologies : monnaie électronique, e-facturation et services de paiement - la banque de demain.

Par Christelle Mazza - Avocat

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Explorer : # monnaie électronique # services de paiement # e-facturation # directive européenne

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Le 24 avril 2009, le Parlement européen a adopté deux propositions de la Commission européenne sur la modification des textes relatifs à la monnaie électronique et aux paiements transfrontaliers poursuivant les objectifs suivants :

la mise en place d’un cadre juridique clair et équilibré sur le marché unique,

une meilleure cohérence avec la directive relative aux services de paiement (2007/64/CE) dite "PSD",

un principe d’égalité des frais pour les paiements nationaux et transfrontaliers, électroniques et les retraits dans les distributeurs automatiques.

Incontestablement et devant le peu de succès de la monnaie électronique (qui utilise sa carte Moneo ?), les règles devaient être adaptées et renforcées, surtout dans un contexte où la méfiance plane au-dessus des établissements de crédit et du secteur bancaire.

Cette actualité communautaire nécessite un rappel des différents instruments existants consistant à réglementer le marché unique et la dématérialisation des moyens de paiement et de la monnaie elle-même.

1) La monnaie électronique

Une nouvelle définition

Dans la directive monnaie électronique 2000/46/CE adoptée le 18 septembre 2000, la monnaie électronique était définie comme toute valeur monétaire représentant une créance sur un émetteur qui est stockée sur un support électronique.

La monnaie électronique est désormais définie à l’article 2 de la proposition de directive adoptée le 24 avril 2009 comme une valeur monétaire représentant une créance sur l’émetteur qui est stockée sous une forme électronique et émise contre la remise de fonds aux fins d’une opération de paiement.

La précision de la définition de la monnaie électronique permet au marché de mieux adapter son offre et d’établir un contexte juridique plus clair.

La création d’une nouvelle catégorie d’acteurs : les établissements de paiement

Dans la directive de 2000, il était prévu un encadrement strict des établissements autorisés à émettre de la monnaie électronique qui ne pouvaient être que :

- les établissements de crédit tels que définis à la directive 2000/12/CE, l’émission de monnaie électronique étant analysée comme une opération de réception de fonds du public,
- les personnes ou entreprises autres, sous réserve d’un agrément, dont l’activité consiste à émettre de la monnaie électronique (activité de monopole.

Par dérogation, les Etats membres pouvaient instituer un régime d’exemption totale ou partielle de l’application de la directive si :

- les entreprises émettrices de monnaie électronique ont une activité dont le montant total des engagements financiers ne dépasse pas 5 à 6 millions d’euros,

- la monnaie électronique émise n’est acceptée comme moyen de paiement que par des filiales de l’établissement, qui exercent des fonctions opérationnelles et d’autres accessoires en rapport avec la monnaie électronique émise ou distribuée par l’établissement concerné, la maison-mère ou d’autres filiales,

- la monnaie électronique émise n’est acceptée comme moyen de paiement que par un nombre limité d’entreprises, se trouvant dans les mêmes locaux ou dans une zone rurale restreinte et se distinguant par leur étroite relation financière ou commerciale avec l’établissement émetteur.

A noter que la directive sur le commerce électronique exclut de son champ d’application ces exemptions permettant aux Etats de conserver dans ce domaine la maîtrise des émetteurs de monnaie.

Le marché français a été cruellement restreint, la France considérant la monnaie électronique comme un moyen de paiement entrant dans le champ des activités bancaires et limitant le montant des opérations à 30 euros.

De même, les exigences prudentielles de la directive de 2000 ont instauré une sorte de passe-droit assez dissuasif : les établissements sollicitant l’agrément devaient disposer d’un minimum de 1 million d’euros de fonds propres afin de prévenir les risques de faillite, sans compter l’adoption obligatoire de procédures de gestion et de procédures administratives et comptables saines et prudentes ainsi que des procédures de contrôle interne adéquates.

Avec la nouvelle directive, les exigences prudentielles sont revues à la baisse :

- Harmonisation de la procédure de demande d’agrément avec les dispositions de la directive relative aux services de paiement,

- Abaissement de l’exigence en matière de capital initial qui passe de 1 million à 125.000 euros, ce qui représente un seuil plus abordable pour les sociétés désirant solliciter l’agrément et se lancer dans cette activité,

- Remplacement des exigences en matière de capital permanent par de nouvelles méthodes de calcul fondées sur la nature et le profil de risque des établissements de monnaie électronique.

Le système des exemptions a également été simplifié et adapté. Ainsi, les Etats membres pourront autoriser des personnes morales à être inscrites dans le registre des établissements de monnaie électronique si :

- le montant total moyen, sur l’année précédente des opérations de paiement exécutées ne dépasse pas 3 millions d’euros sur un mois,

- aucune des personnes physiques responsables de la gestion ou de l’exercice de l’activité n’a été condamnée pour des infractions liées au blanchiment de capitaux, au financement du terrorisme ou à d’autres délits financiers.

Les Etats membres doivent intégrer les dispositions de la directive, une fois adoptée, au 1er novembre 2009 ce qui laisse entendre un formidable développement de l’économie numérique par un meilleur encadrement de sa monnaie.

Perspectives d’évolution du marché

Le marché français, compte tenu des contraintes de la directive 2000, s’était très peu développé et rares sont les établissements à avoir sollicité un agrément : la SFPMEI, qui gère Moneo, et Paypal. A signaler également Ticket Surf, qui commercialise des coupons dans les bureaux de tabac pour le paiement en ligne (première société commerciale à obtenir l’agrément en tant qu’émetteur) ou Limonetik, une start-up innovante, convertissant les chèques-cadeaux ou points de fidélité par exemple en instruments de paiement alternatifs sur le web.

Le Royaume-Uni, comparativement, détient plusieurs dizaines d’établissements agréés pour émettre de la monnaie électronique.

La Commission européenne a souligné que la monnaie électronique représentait seulement 1 milliard d’euros en août 2007 contre 637 milliards d’euros en espèces. Fin 2007, il n’y avait que 20 établissements de monnaie électronique agréés et 127 bénéficiant d’une exemption.

Mais à quoi sert la monnaie électronique ?

Les monnaies classiques sont la monnaie fiduciaire (pièces et billets) et la monnaie scripturale (inscription en compte bancaire des unités de paiement libellées en unités de valeur et détenues par le titulaire d’un compte bancaire).

Certains théoriciens comparent le fonctionnement de la monnaie électronique au troc. La monnaie électronique serait donc le système d’échange propre au monde de l’internet et de la dématérialisation mais avec une nuance essentielle liée au principe du prépaiement.

La monnaie électronique permet notamment de développer de nouveaux moyens de paiement comme les chèques-cadeaux ou tickets-services, sans avoir à transiter par les données bancaires des titulaires engendrant une protection des données et un marché économique innovant stimulant l’économie réelle ( offre d’un moyen de paiement sans offrir directement de l’argent).

Les banques s’intéressent de plus en plus aux cartes prépayées, de même les opérateurs téléphoniques, afin de cibler les consommateurs les plus jeunes qui n’ont pas accès à tous les services bancaires, ainsi que les personnes ne disposant pas automatiquement de comptes bancaires.

L’actualité récente illustre l’intérêt de la monnaie électronique à travers l’alliance entre ACCOR Services (tickets-restaurants, chèques emploi service, chèques cadeaux...) et MASTERCARD, géant du paiement électronique dans la joint-venture PrePay Solutions basée à Londres. L’un met à disposition son expérience auprès des banques, ses connaissances technologiques et son réseau de terminaux, l’autre sa clientèle sur un marché leader tel que celui des restaurants.

N’oublions pas que la carte bleue, aujourd’hui indispensable, a mis plus de 30 ans avant de supplanter le chèque...qui sait si en 2040, nous n’achèterons nos biens et/ou nos services plus que par un système de prépaiement ultra sécurisé sur un modèle économique totalement nouveau ? Affaire à suivre et nouveau marché à conquérir...

2) E-facturation

Nous avons récemment publié un article sur la volonté des autorités communautaires de lutter, par temps de crise, contre les mauvais payeurs dans les transactions commerciales. (cf Gérer sa trésorerie en temps de crise : la lutte contre les retards de paiement dans les transactions commerciales).

L’objectif des autorités communautaires est de créer un marché unique à monnaie unique (l’euro) avec facilités de paiement et des transactions. La Commission européenne a adopté le 2 décembre 2008 le plan d’action en faveur de l’utilisation des signatures électroniques et de l’identification électronique pour faciliter la fourniture de services publics transfrontaliers dans le marché unique.

Une législation fournie notamment par les directives TVA traite de ces problématiques. Cependant, certains freins au développement de la facturation électronique demeurent.

La Commission européenne a donc décidé de réunir une commission d’experts afin de créer un cadre juridique clair et précis de la facturation électronique, définie comme le transfert électronique d’informations substantielles de facturation entre partenaires commerciaux : le cadre EEI (European Electronic Invoicing Framework)

Décision 2007/717/CE instituant un groupe d’experts sur la facturation électronique

Le 27 janvier 2009, le comité d’experts a remis son rapport.

Le 24 mars 2009, ledit groupe d’experts a publié un code de bonne conduite sur la facturation électronique à destination des partenaires commerciaux, des prestataires techniques et des administrations fiscales.

Enfin le 6 avril 2009, un rapport sur l’état d’avancement des travaux a été publié sur le site officiel de l’Union européenne.

La Commission précise que le gain économique à passer de la version papier à la version électronique s’élèverait à 40 millions d’euros par an. Outre bien évident les facilités d’exécution et la diminution des délais de transmission. Affaire à suivre ...

3) La directive services de paiement

L’objectif poursuivi par la directive 2007/64/CE adoptée le 13 novembre 2007 et qui doit être transposée dans les Etats membres le 1er novembre 2009 est constant. il s’agit de compléter le cadre juridique visant à l’intégration économique par le marché unique européen. Monnaie électronique, facturation électronique, harmonisation des législations et des moyens de paiement....Le compte est presque bon.

Cette directive, dont les définitions ont fortement inspiré la nouvelle directive monnaie électronique, est une étape déterminante dans la réalisation du SEPA (Single Euro Payments Area).

La directive définit les services de paiement comme des opérations de paiement permettant le transfert, par les intermédiaires financiers, des fonds remis par les utilisateurs, ces fonds pouvant être retirés par ceux ci après exécution des opérations. Ils reposent sur l’utilisation d’instruments de paiement qui en droit français sont le chèque, la carte de paiement, le virement et le prélèvement (monnaie scripturale définie plus haut).

La directive définit limitativement les instruments de paiement. Pas de chèque (régi par des conventions internationales), mais en revanche un plus grand nombre d’hypothèses :

retrait et dépôt d’espèces,

transactions réalisées à partir d’un compte ou d’une ligne de crédit,

transferts de fonds internationaux (money remittance),

transactions réalisées à partir de téléphones portables ou d’internet,

activités d’émission d’instruments de paiement et d’acquisition des données liées aux transactions en découlant.

L’innovation importante de cette directive est la création d’une nouvelle catégorie de prestataires de services de paiement, les établissements de paiement. Ces établissements pourront, dans le cadre d’un statut allégé, exercer sur le marché des service de paiement aux côtés des établissements de crédit traditionnels. De même, ils pourront proposer des activités complémentaires : crédit (mais sous certaines conditions), garanties d’exécution de paiement...

L’adoption de l’ensemble de ces textes permet une certaine avancée dans les échanges et les transactions commerciaux en Europe. Il ne reste qu’à attendre la fin de l’année pour avoir un aperçu de la mise en oeuvre des nouvelles règles et l’émergence, à l’heure où le secteur bancaire traditionnel est en crise, de nouveaux acteurs sur le marché, ceux-là un peu moins traditionnels...

Christelle Mazza

http://www.actes-types.com/blog/chr...

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