1. Respect du contrat d’assurance : quelles sont les limites pour l’assureur ?
Le respect des obligations contractuelles est au cœur des relations entre l’emprunteur et l’assureur. Dans le cadre de l’assurance emprunteur, la question de la modification ou de l’annulation du contrat après souscription est particulièrement sensible, surtout pour les contrats souscrits avant l’entrée en vigueur de la loi Lemoine.
a) L’annulation rétroactive du contrat par l’assureur : est-elle légale ?
L’article L113-2 du Code des assurances impose à l’assuré de respecter les termes du contrat d’assurance, sauf en cas de fraude ou de fausse déclaration intentionnelle de la part de l’emprunteur. En effet, l’article L113-8 du même Code précise que l’assureur peut annuler le contrat si l’assuré a intentionnellement omis ou falsifié une information importante au moment de la signature. Toutefois, cette annulation n’est possible que si l’assureur prouve que l’omission ou la fausse déclaration a influencé son évaluation du risque.
La Cour de cassation a, à plusieurs reprises, réaffirmé que l’assureur ne peut annuler unilatéralement un contrat sans prouver cette intention frauduleuse de l’emprunteur [1]. En l’absence de preuve de fraude, toute annulation rétroactive serait illégale et sujette à contestation.
b) Modification unilatérale des termes du contrat par l’assureur.
En principe, l’assureur ne peut pas modifier unilatéralement les termes du contrat après souscription, surtout une fois que l’emprunteur a fait appel à lui pour une indemnisation. Toute modification des conditions générales ou particulières d’un contrat d’assurance doit être acceptée par l’assuré, sauf disposition contractuelle expresse qui autoriserait l’assureur à modifier certaines garanties ou clauses, dans les limites fixées par la loi.
Avant la loi Lemoine, le Code des assurances prévoyait que l’assureur devait obtenir l’accord exprès de l’assuré pour tout changement important affectant les conditions d’exécution du contrat. La loi n° 2022-270 du 28 février 2022 pour un accès plus juste, plus simple et plus transparent au marché de l’assurance emprunteur [2] a renforcé les droits des emprunteurs en facilitant notamment le changement d’assurance emprunteur sans frais après la première année de souscription, rendant de facto les modifications imposées par l’assureur plus difficilement applicables.
2. Fausses déclarations ou omission de déclaration de l’emprunteur : quelles conséquences ?
La transparence lors de la souscription d’une assurance emprunteur est une obligation légale pour l’assuré. Cependant, les conséquences des omissions ou fausses déclarations peuvent varier en fonction de leur nature et de leur impact sur l’évaluation des risques par l’assureur.
a) La distinction entre fausse déclaration intentionnelle et omission involontaire.
Le Code des assurances [3] établit une différence claire entre la fausse déclaration intentionnelle, qui peut entraîner l’annulation du contrat, et l’omission involontaire, qui peut simplement conduire à une réduction des garanties.
Dans le cas où l’emprunteur omet involontairement de mentionner une information concernant son état de santé, l’assureur ne peut pas résilier le contrat, mais il peut limiter l’indemnisation proportionnellement au risque non déclaré [4]. En revanche, si la fausse déclaration est volontaire, l’assureur est en droit d’annuler le contrat rétroactivement, ce qui peut entraîner la perte de la couverture et de l’indemnisation.
La jurisprudence a confirmé ce principe à plusieurs reprises, notamment dans un arrêt de la Cour de cassation [5], qui a précisé que la mauvaise foi de l’assuré doit être prouvée par l’assureur. En l’absence de cette preuve, l’assureur ne peut résilier le contrat, et la responsabilité de l’emprunteur est limitée à une simple réduction des garanties.
b) La loi Lemoine et l’évolution des obligations déclaratives.
La loi Lemoine a introduit une réforme importante en supprimant l’obligation de remplir un questionnaire de santé pour les prêts immobiliers inférieurs à 200 000 euros par assuré et arrivant à échéance avant le 60ᵉ anniversaire de l’emprunteur. Cette mesure vise à protéger les emprunteurs et à limiter les pratiques abusives de certains assureurs qui refusaient injustement la couverture sur la base de critères médicaux.
3. Recours en cas d’injustice ou de refus abusif de l’assureur.
Lorsque l’assureur refuse d’indemniser ou résilie un contrat de manière abusive, l’emprunteur peut engager plusieurs actions pour faire valoir ses droits.
a) Le recours amiable et judiciaire.
Dans un premier temps, l’emprunteur peut contester la décision de l’assureur via une réclamation amiable. Cette procédure consiste à envoyer une lettre recommandée avec accusé de réception à l’assureur, exposant les faits et les raisons pour lesquelles la décision de l’assureur est jugée injuste.
Si cette démarche échoue, l’emprunteur peut saisir le Médiateur de l’Assurance, une autorité indépendante et extérieure aux sociétés d’assurances chargée de proposer une solution amiable. En cas de désaccord persistant, l’emprunteur pourra intenter une action en justice devant les tribunaux compétents. L’article L114-1 du Code des assurances fixe un délai de deux ans à compter de l’événement qui donne naissance à l’action pour contester la décision de l’assureur.
b) Le droit à une réparation en cas de traitement injuste.
En cas de traitement abusif ou de mauvaise foi de l’assureur, l’emprunteur peut également réclamer des dommages-intérêts pour le préjudice subi. La jurisprudence reconnaît ce droit, notamment lorsque l’assureur refuse de manière non justifiée de prendre en charge un sinistre couvert par le contrat d’assurance emprunteur [6].
Conclusion.
Les difficultés liées à l’exécution d’un contrat d’assurance emprunteur, particulièrement en lien avec le questionnaire de santé, peuvent entraîner des litiges complexes. Avant la loi Lemoine, les emprunteurs étaient exposés à des résiliations et des refus d’indemnisation parfois injustifiés, surtout en cas de fausses déclarations non intentionnelles. Avec la réforme, certains abus ont été corrigés, mais il est essentiel de rester vigilant et de connaître ses droits pour faire face à d’éventuelles injustices. L’emprunteur dispose de divers recours, qu’ils soient amiables ou judiciaires, pour contester les décisions abusives des assureurs et obtenir réparation.