La clause de non-concurrence post-contractuelle se distingue de la clause de retrait des signes distinctifs en ce qu’elles constituent toutes deux des obligations post-contractuelles les plus répandues incombant au franchisé. Toutefois la première ne peut être assimilée à la seconde en ce qu’elle n’entrave pas l’activité du franchisé mais se limite à faire obligation au franchisé de supprimer tous les signes distinctifs de l’enseigne à la cessation du contrat de distribution. Il s’agit donc d’une obligation ponctuelle découlant de la rupture du contrat [3] justifiant que le franchisé ne puisse ouvrir, après la résiliation du contrat, un magasin qui créé une confusion avec le concept de son ex-franchiseur [4].
Le présent article présente successivement les conditions de validité des clauses de non-concurrence post-contractuelle (I.), et leur mise en œuvre (II.).
I. Conditions de validité de la clause de non-concurrence post-contractuelle.
Les clauses de non-concurrence post-contractuelles sont soumises à des conditions de validité tant en droit commercial (A.) qu’en droit de la concurrence (B.).
A. Protection des intérêts légitimes du créancier de la clause de non-concurrence post-contractuelle et caractère proportionné de la restriction à la liberté d’exercice de la profession de son débiteur.
La validité de la clause de non-concurrence post-contractuelle s’apprécie au regard de la liberté d’entreprendre. D’une part, la clause doit être justifiée par les intérêts légitimes de son créancier (1.) et, d’autre part, ne pas porter une atteinte excessive à la liberté de son débiteur (2.).
Ces deux séries de conditions sont cumulatives [5]. En revanche, tout autre critère est indifférent à l’appréciation de la validité d’une clause de non-concurrence post-contractuelle, tel que : l’existence ou non d’une clause de confidentialité dans le même contrat [6] ; cette solution est logique car le débiteur d’une clause de confidentialité est tenu d’une obligation de ne pas faire (ne pas divulguer une information) mais reste parfaitement libre d’exercer une activité en concurrence avec son créancier [7] ; les répercussions sur l’emploi des salariés du franchisé [8] ; ou encore l’absence de contrepartie financière [9].
1. Légitimité.
Pour ce qui concerne les contrats franchise, la jurisprudence retient par principe qu’une clause de non-concurrence post-contractuelle limitée dans la durée a pour objet de protéger le savoir-faire de l’ancien franchiseur et qu’elle est donc une restriction de concurrence justifiée par l’objet même de la franchise [10]. Cette solution logique vaut également pour la clause de non-réaffiliation [11].
Pour ce qui concerne les autres types de contrat, ne relevant pas des dispositions de l’article L. 341-2 du Code de commerce, la jurisprudence retient qu’une clause de non-concurrence post-contractuelle est valable, dès lors qu’elle contribue à la protection des avantages concurrentiels offerts par le réseau, notamment en permettant de préserver l’image de marque du réseau et/ou l’utilisation de droits de propriété industrielle lui appartenant [12].
Se pose la question de l’exigence ou non du caractère nécessaire ou indispensable à la protection du savoir-faire. Avant l’entrée en vigueur des dispositions de l’article L. 341-2 du Code de commerce, la jurisprudence n’exigeait aucunement que la clause de non-concurrence post-contractuelle soit « indispensable » à la protection du savoir-faire. Cependant, la jurisprudence ne s’est pas encore prononcée sur la condition posée à l’article L.341-2, II, 3°, et il n’est pas exclu qu’elle retienne à l’avenir une acception large du mot « indispensable » qui, selon nous, devrait sagement englober l’hypothèse où la clause est simplement « nécessaire » à la protection du savoir-faire [13].
Le franchiseur peut tout à fait prévoir dans le contrat de franchise une clause de non-concurrence post-contractuelle ainsi qu’une clause de confidentialité [14]. Ces deux clauses ont d’ailleurs des objets tout à fait distincts : la clause de confidentialité tend à empêcher la communication du savoir-faire à des tiers, donc à préserver son caractère secret, tandis que la clause de non-concurrence tend à interdire l’exercice d’une activité donnée et, à travers elle, l’exploitation de ce savoir-faire.
2. Caractère proportionné.
L’exigence de proportionnalité de la clause de non-concurrence post-contractuelle, régulièrement rappelée par les juridictions [15], suppose une triple limitation : limitation quant à l’activité, limitation dans le temps, et limitation dans l’espace.
- Limitation quant à l’activité
Est nulle la clause de non-concurrence post-contractuelle qui n’est pas limitée quant à l’activité, ou érigeant une interdiction d’activité disproportionnée avec l’objet du contrat [16].
La clause de non-concurrence post-contractuelle peut valablement interdire au franchisé d’exercer et/ou de s’intéresser à une activité similaire en tout ou partie à celle du franchiseur [17].
L’appréciation du caractère excessif (ou non) de la limitation quant à l’activité est effectuée in concreto.
Limitation dans le temps.
Est nulle la clause de non-concurrence post-contractuelle qui n’est pas suffisamment limitée dans le temps [18].
La jurisprudence retient qu’une interdiction d’exercer l’activité pendant une durée d’un an à compter de la cessation du contrat s’avère proportionnée [19].
Il conviendrait, à notre sens, de sanctionner une clause trop étendue dans le temps par la « réduction » de sa durée, en ce sens que ladite clause demeurerait valable en ce qu’elle interdit l’exercice d’une activité concurrente pendant un an, limitation posée à l’article L.341-2 du Code de commerce. Cette possibilité est d’ailleurs retenue par la jurisprudence dans des situations analogues [20].
Limitation dans l’espace.
Est nulle la clause de non-concurrence post-contractuelle qui n’est pas limitée dans l’espace [21].
En revanche, la clause de non-concurrence post-contractuelle n’est pas nulle lorsque la délimitation territoriale s’évince de la volonté des parties exprimée en dehors du contrat proprement dit [22].
Bien que la jurisprudence admette le plus souvent une limitation géographique au « territoire » conféré à titre exclusif au franchisé [23], une étendue bien plus large peut être admise [24]. Inversement, la jurisprudence retient parfois la nullité de la clause de non-concurrence post-contractuelle érigeant une interdiction s’appliquant bien au-delà du territoire exclusif par ailleurs conféré au franchisé [25]. Une solution analogue est retenue concernant une clause de non-affiliation post-contractuelle [26].
L’appréciation du caractère excessif (ou non) de la limitation dans l’espace est effectuée in concreto.
A notre avis, lorsque la clause de non-concurrence post-contractuelle est annulée en raison du caractère excessif de son étendue territoriale, il est permis de soutenir que ladite clause demeure valable en ce qu’elle interdit l’exercice d’une activité concurrente dans les mêmes locaux, limitation posée à l’article L.341-2, II, 2° du Code de commerce.
Compte tenu du risque d’annulation du contrat comprenant une clause de non-concurrence post-contractuelle, il peut être opportun de prévoir une clause de sauvetage [27].
B. Clause de non-concurrence post-contractuelle, déséquilibre significatif et entente.
La validité des clauses de non-concurrence post-contractuelle doit également être examinée au regard du droit de la concurrence, dans le cadre de l’application du droit interne ou du droit communautaire. La validité de telles clauses peut également être contestée au regard de la notion du déséquilibre significatif.
Pour ce qui concerne le droit communautaire, le règlement d’exemption (UE) n°330/2010 se limite à établir des conditions qui, lorsqu’elles sont remplies, font échapper certaines clauses à l’interdiction et, ce faisant, à la nullité de plein droit prévue par l’article 101, paragraphe 1 du Traité de fonctionnement de l’Union européenne [28]. Autrement dit, si les conditions cumulatives de validité prévues par ce texte ne sont pas remplies, la clause de non-concurrence post-contractuelle ne sera pas automatiquement nulle [29].
Pour ce qui concerne le droit des ententes, la clause de non-concurrence post-contractuelle peut être anéantie sur le terrain des articles L. 420-1 et L. 420-3 du Code de commerce lorsqu’elle est associée à une autre clause restrictive de [30] pouvant potentiellement caractériser une entente anticoncurrentielle. Le demandeur à l’action devra toutefois démontrer in concreto que la clause de préférence a pour effet de restreindre artificiellement la concurrence [31].
Enfin, s’agissant de la notion de déséquilibre significatif, il serait possible de contester une clause de non-concurrence post-contractuelle au regard des dispositions prévues à l’article L. 442-6, I, 2° du Code de commerce, le débiteur de l’obligation devra démontrer que son créancier l’a soumis ou a tenté de le soumettre à un déséquilibre significatif [32]. Il convient de préciser que le contrat doit être considéré dans sa globalité afin d’apprécier le caractère déséquilibré au sens de l’article L. 442-6, I, 2° du Code de commerce [33]. En pratique, la démonstration d’une telle démonstration fait généralement défaut dans les contrats de franchise [34]. La Cour de cassation écarte logiquement l’application de l’article L. 442-6, 2° du Code de commerce dans son premier arrêt rendu sur cette question [35]. Dès lors que la clause de non-concurrence post-contractuelle sera conforme à l’article L. 341-2 du Code de commerce, elle ne saurait être suspectée de déséquilibre significatif.
II. Mise en œuvre de la clause de non-concurrence post-contractuelle.
Il incombe au créancier de prouver la violation de la clause de non-concurrence (ou de non-réaffiliation) post-contractuelle [36]. La levée tardive de la clause de non-concurrence post-contractuelle, ayant lieu avant [37] ou après [38] la cessation du contrat n’est pas en soi critiquable.
En revanche, il convient de veiller, lorsque le contrat de franchise fait l’objet d’un avenant dont les stipulations seraient contradictoires avec le maintien de la clause de non-concurrence post-contractuelle [39]. Dans ce cas, il sera opportun de préciser dans l’avenant éventuel que les stipulations du contrat de franchise non expressément modifiées par l’avenant subsistent.
S’agissant des demandes indemnitaires, il convient de distinguer, selon si le contrat de franchise comporte une clause d’indemnité forfaitaire ou non.
En présence d’une clause d’indemnité forfaitaire, ce qui est le plus souvent le cas, l’auteur de la violation de la clause de non-concurrence post-contractuelle sera condamné au paiement de la somme prévue par ladite clause [40].
En l’absence de clause d’indemnité forfaitaire, l’auteur de la violation de la clause de non-concurrence post-contractuelle peut être condamné à l’équivalent d’une année de redevances de franchise [41] ou au montant de la marge brute réalisée par l’auteur de la violation au cours de l’année durant laquelle l’exercice de l’activité était interdite [42].
En outre, l’indemnisation accordée au titre de la violation de la clause de non-concurrence post-contractuelle peut se cumuler avec d’autres indemnisations, ainsi par exemple en cas de rupture abusive du contrat de franchise imputable au franchisé [43], d’usage abusif par l’ex-franchisé de signes distinctifs similaires à ceux du franchiseur, créancier de l’obligation de non-concurrence post-contractuelle [44] ; ou encore en cas de campagne de dénigrement initiée par le franchisé, débiteur de l’obligation de non-concurrence post-contractuelle [45].
Il est possible de rechercher la mise en cause de la responsabilité d’un tiers complice, c’est-à-dire le tiers qui contracte avec le débiteur de l’obligation de non-concurrence post-contractuelle, lorsque celui-ci a eu connaissance ou aurait dû avoir connaissance de l’existence d’un tel engagement de non-concurrence [46]. Une telle action peut présenter une certaine utilité, en particulier lorsque celui-ci est seul solvable ou lorsque le débiteur de l’obligation ne peut plus être poursuivi, faute pour le créancier de l’obligation d’avoir déclaré sa créance en temps utile [47].