En pareille circonstance, l’agent lésé dispose d’une action relativement méconnue, lui permettant d’agir en justice à l’encontre de cet autre acteur économique afin de mettre un terme à cette distorsion de concurrence résultant de la violation de la réglementation en vigueur.
Il est aujourd’hui constant que le respect des contraintes réglementaires a nécessairement un coût humain et financier pour les entreprises. Cela est d’autant plus le cas dans un contexte où l’inflation législative et réglementaire est devenue un phénomène chronique dans notre pays. Or, l’auteur des pratiques litigieuses fait injustement l’économie de ces coûts induisant à son profit un « avantage concurrentiel indu » [1].
La jurisprudence considère depuis fort longtemps que la violation d’une disposition légale et/ou réglementaire par une entreprise est constitutive d’actes de concurrence déloyale par manquement à la loi à l’égard des autres acteurs économiques compte tenu du positionnement anormalement favorable que cette violation lui procure et de la distorsion de concurrence en résultant nécessairement [2].
Les motivations d’une telle jurisprudence ont d’ailleurs pu être énoncées par la Cour d’appel de Paris dans un arrêt très motivé rendu en 2012 et approuvé par la Cour de cassation en 2014, rappelant que
« (…) la liberté du commerce suppose, en effet, que les entreprises exercent une concurrence par les mérites, s’interdisant tout procédé déloyal qui leur conférerait un avantage injustifié (…) » [3].
Il est important de relever contrairement à l’approche encore retenue par certains juges du fond, que le simple constat du manquement à la loi ou à la réglementation en vigueur suffit à caractériser un acte de concurrence déloyale sans démonstration supplémentaire portant notamment sur la recherche inopérante d’un effet négatif de la pratique critiquée sur le marché considéré [4].
Il est tout aussi constant que le succès d’une telle action ne nécessite pas non plus de caractériser une influence de la pratique critiquée sur le « comportement économique du consommateur », cette recherche n’étant requise qu’au titre des pratiques commerciales déloyales en raison de pratiques commerciales trompeuses au sens des articles L121-1 et suivants du Code de la consommation [5], laquelle doit être effectuée par le juge « au regard de l’incidence de la pratique » « sur la décision commerciale du consommateur moyen » et non « au regard de l’incidence de la pratique sur le marché concerné et le chiffre d’affaires » [6].
La Cour de cassation a d’ailleurs expressément rappelé cette forme d’« automaticité » entre le manquement à la réglementation et la caractérisation de la faute de concurrence déloyale dans un arrêt du 17 mars 2021 en considérant que tout manquement à la réglementation dans l’exercice d’une activité économique induit « nécessairement un avantage concurrentiel indu pour son auteur » [7].
Notons enfin que tout acte de concurrence déloyale cause, en lui-même, « nécessairement un préjudice, fût-il seulement moral », la victime de telles pratiques n’ayant pas besoin de rapporter la preuve du principe du préjudice subi ni de son lien de causalité avec le manquement imputé, cette dernière bénéficiant d’une forme de présomption en ce domaine [8].
A ne pas négliger, cette action aura pour objet et pour effet de mettre un terme à toute rupture d’égalité dans la compétition économique.