Les faits de l’espèce étaient les suivants.
La SLSP Sambre et Biesme est une société coopérative à responsabilité limitée de droit belge qui assure une mission de logement de service public. Ses actionnaires principaux sont deux communes : la commune de Farciennes et celle d’Aiseau-Presles. La SLSP et la commune de Farciennes ont décidé de coopérer pour mettre en place un écoquartier à Farciennes. A cet effet, elles ont souhaité mandater Igretec - qui est également une SLSP - aux fins de lui confier un marché de prestation de services portant sur les études à réaliser à cet effet.
Igretec comporte dans son actionnariat 70 communes (associés de catégorie A) – dont Farciennes- et 50 autres pouvoirs publics (associés de catégorie C).
Pour réaliser l’opération, la SLSP Sambre et Biesme a décidé d’acheter une part sociale d’Igretec pour devenir associé de catégorie C. Puis, la SLSP a confié à IGRETEC un marché d’études sans mise en concurrence, en invoquant l’existence d’une situation in house entre elle et son prestataire.
Les autorités de tutelle belges ont annulé ce marché en estimant que la situation in house n’était pas établie, faute de satisfaire la condition de contrôle analogue. Elles relevaient en effet que :
Les associés de catégorie C se trouvent en situation minoritaire au capital d’IGRETEC ce qui ne leur permet pas de contribuer effectivement à son contrôle
Les associés de catégorie C ne disposent pas d’un administrateur pour les représenter au sein du CA d’IGRETEC.
En défense, la SLSP Sambre et Biesme faisait cependant valoir que le CA d’IGRETEC comportait un administrateur représentant la commune de Farciennes qui était également administrateur de la SLSP Sambre et Biesme. Dès lors, cette double qualité lui permettait de répondre à la condition de contrôle analogue posée par les textes.
Saisie par le Conseil d’Etat belge, la Cour de Justice devait apporter les éclaircissements suivants.
Comme l’écrit la Cour, la question est de savoir si les dispositions du i du § 3 de l’article 12 prévoyant que « les organes décisionnels de la personne morale contrôlée sont composés de représentants de tous les pouvoirs adjudicateurs participants, une même personne pouvant représenter plusieurs pouvoirs adjudicateurs participants ou l’ensemble d’entre eux » sont satisfaites « au seul motif que siège au conseil d’administration de cette personne morale le représentant d’un autre pouvoir adjudicateur qui fait également partie du conseil d’administration du premier pouvoir adjudicateur ». (§53)
Sans surprise, la Cour répond par la négative à cette question en relevant que « l’exigence de représentation visée à l’article 12, paragraphe 3…requiert que la participation du pouvoir adjudicateur au sein des organes décisionnels de la personne morale contrôlée conjointement avec d’autres pouvoirs adjudicateurs s’effectue par l’intermédiaire d’un représentant de ce pouvoir adjudicateur lui-même. Cette exigence ne peut donc pas être satisfaite par l’intermédiaire d’un membre de ces organes y siégeant seulement en qualité de représentant d’un autre pouvoir adjudicateur » (§62).
Cette solution s’explique également par la condition posée par la notion de contrôle conjoint, figurant au ii) du paragraphe 3 de l’article 12 de la directive qui implique que les pouvoirs adjudicateurs souhaitant bénéficier de l’exception de « in house » soient « en mesure d’exercer conjointement une influence décisive sur les objectifs stratégiques poursuivis par la personne morale contrôlée et sur les décisions importantes que celle-ci est susceptible de prendre » (§63). Pour la Cour, la présence d’un représentant personnel direct du pouvoir adjudicateur dans les organes de gouvernance de l’entité contrôlée est ainsi une obligation.
Cette solution intéressante ne remet cependant pas en cause les solutions applicables – et éprouvées - en droit national.
Ainsi, si la jurisprudence de la Cour de Justice exige que chaque actionnaire d’une SPL dispose d’un représentant au sein des organes de gouvernance de la société, une même personne peut représenter plusieurs pouvoirs adjudicateurs, comme le rappellent les dispositions précitées de l’article 12 de la directive 2014/24/UE. Dans ces conditions, l’administrateur représentant les actionnaires représentés au sein d’une assemblée spéciale, comme le permettent les dispositions de l’article L1524-5 du CGCT, répond bien à une telle situation.
En effet, dans cette situation, la collectivité actionnaire a bien désigné un représentant au sein des organes de gouvernance de la société, ce qui n’était pas le cas dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt de la CJUE ici commenté. Interpréter cet arrêt comme excluant que le mécanisme de la représentation - via l’assemblée spéciale - de l’ensemble des actionnaires ne pouvant directement siéger au CA permette de répondre à la condition du contrôle analogue, reviendrait purement et simplement en effet à méconnaitre les dispositions de l’article 12 de la directive, prévoyant qu’une même personne puisse représenter plusieurs pouvoirs adjudicateurs.
On ajoutera que cette lecture – contraire aux dispositions de la directive – aboutirait également mécaniquement à limiter le nombre d’actionnaires potentiels d’une SPL, compte tenu des limites légales au nombre maximal d’administrateurs que peut comporter un conseil d’administration.
Reste la démonstration de l’exercice du contrôle analogue défini comme la capacité à exercer une influence décisive sur les décisions importantes qui renvoie, elle, aux conditions de fonctionnement et d’information de l’assemblée spéciale proprement dite.