Un sujet proposé par la Rédaction du Village de la Justice

Sanction du non-respect de la procédure d’avis de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) portant sur une mobilité entre secteurs public et privé d’un agent public contractuel.

Par Jennifer Riffard, Avocate.

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Explorer : # transparence de la vie publique # sanctions administratives # mobilité secteur public privé # individualisation des peines

Ce que vous allez lire ici :

Le Conseil constitutionnel a annulé des dispositions interdisant le recrutement d'agents publics non conformes aux avis de la HATVP, jugées contraires au principe d'individualisation des peines. L'abrogation est reportée au 31 janvier 2026, permettant à l'administration de moduler les sanctions en fonction des circonstances.
Description rédigée par l'IA du Village

L’interdiction faite à l’administration de recruter, dans un délai de trois ans courant à compter de la date de notification de l’avis de la HATVP (Haute autorité pour la transparence de la vie publique) ou du début de l’activité privée en l’absence de consultation de cette instance, un agent qui n’a pas respecté un avis de compatibilité avec réserve ou d’incompatibilité émis par la HATVP sur son projet de création d’entreprise ou d’activité privée, constitue une sanction ayant le caractère de punition.
(Décision du Conseil constitutionnel du 24/01/2025 - n°2024-1120).

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Le Conseil constitutionnel a jugé qu’une telle sanction méconnaissait le principe d’individualisation des peines, dès lors qu’elle s’appliquait automatiquement, sans que l’administration ne la prononce en tenant compte des circonstances propres à chaque espèce (Décision n°2024-1120 QPC du 24 janvier 2025).

Présentation du dispositif de contrôle de la reconversion des agents publics dans le secteur privé et des sanctions associées.

Les agents publics sont soumis, tout au long de leur carrière, à des contrôles destinés à vérifier la compatibilité de leurs fonctions publiques, passées ou à venir, avec des activités exercées ou qu’ils envisagent d’exercer, dans le secteur privé.
Ces contrôles sont effectués par la Haute autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) lorsque les agents concernés occupent certains emplois particuliers. A défaut, ils relèvent directement de l’autorité hiérarchique.
En application des dispositions de l’article L124-10 du CGFP, et pour les agents occupant certains emplois à plus forte responsabilité, la HATVP est chargée d’émettre un avis sur la compatibilité du projet de création ou de reprise d’une entreprise par ces agents, sur le projet d’activité privée lucrative présentée par ces agents, lorsqu’ils cessent temporairement (par exemple dans le cadre d’une disponibilité) ou définitivement, leurs fonctions, ainsi qu’en cas de réintégration de certains agents publics, lorsqu’ils ont exercé au cours des trois dernières années une activité privée lucrative.
La HATVP est saisie par l’administration, et, à défaut, directement par l’agent concerné.
Lorsque, dans le cadre de ces contrôles, la HATVP émet des avis d’incompatibilité ou de compatibilité avec réserve, le non-respect de ces avis peut engendrer diverses mesures, énoncées à l’article L124-20 du CGFP. Ces mesures s’appliquent de la même façon lorsque la HATVP n’a pas été consultée.
Ainsi, l’agent public peut faire l’objet de poursuites disciplinaires, le fonctionnaire retraité peut faire l’objet d’une retenue sur pension, dans la limite de 20% du montant de la pension versée, pendant les trois ans suivant la cessation de ses fonctions, et le statut prévoit qu’il est mis fin au contrat dont est titulaire l’agent à la date de notification de l’avis rendu par la HATVP, sans préavis et sans indemnité de rupture.
Enfin, une autre mesure avait été instaurée par la loi n°2019-828 du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique, codifiée à l’article L124-20-3° du CGFP, au terme duquel :

« L’administration ne peut procéder au recrutement de l’agent contractuel intéressé au cours des trois années suivant la date de notification de l’avis rendu par la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique ».

Ce sont ces dernières dispositions qui ont été soumises à l’examen du Conseil constitutionnel.

Contexte de saisine du Conseil Constitutionnel.

Le Conseil d’Etat, par une décision rendue le 25 octobre 2024 (n°494061) a décidé de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité à la Constitution de l’article L 124-20-3° du CGFP.
Le contentieux porté devant le Conseil d’Etat était dirigé contre deux avis rendus par la HATVP, les 12 mars et 23 avril 2024 (avis n°2024-38 et 2024-79), le second étant rendu à la suite du recours gracieux formé par l’agent concerné.
Par ces avis, la HATVP s’est opposée au recrutement en 2024 d’un agent pour assurer des fonctions en cabinet ministériel, au motif que celui-ci, qui avait déjà exercé des fonctions de cette nature de 2021 à 2023, était parti dans le secteur privé en juillet 2023 pour y exercer une activité d’expert en communication et relations publiques, sans avoir sollicité à cette occasion son avis.
La question prioritaire de constitutionnalité était donc dirigée contre les dispositions de l’article L124-20-3° du CGFP, et le Conseil d’Etat a estimé que ces dispositions étaient applicables au litige et qu’elles relevaient du domaine de la loi. Il a par ailleurs constaté qu’elles n’avaient pas déjà été déclarées conformes à la Constitution. Enfin, il a considéré que le grief tiré de ce que ces dispositions portaient atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution soulevait une question présentant un caractère sérieux.

L’analyse du Conseil constitutionnel.

Dans le cadre de la procédure soumise au Conseil constitutionnel, le requérant soutenait que les dispositions contestées méconnaissaient deux principes constitutionnels.
Tout d’abord, il soutenait que ces dispositions étaient équivoques et imprévisibles, et qu’elles méconnaissaient ainsi le principe de prévisibilité de la loi répressive, garantie par l’article 8 de la DDHC. A cet égard, était en cause le fait que l’article L124-20-3° interdisait à l’administration de recruter un agent contractuel dans le délai de trois ans courant à compter de l’avis de la HATVP en cas de non-respect de cet avis, mais également en cas d’absence de saisine préalable de l’autorité hiérarchique.
Ces premiers griefs n’ont pas été examinés par le Conseil constitutionnel.
Ensuite, le requérant reprochait aux dispositions en cause d’instituer une sanction automatique, ne permettant pas à l’administration de prendre en compte les circonstances de chaque espèce, et disproportionnée, en fixant à trois ans la durée de l’interdiction.
Il soutenait qu’elles méconnaissaient, de ce fait, les principes de nécessité, de proportionnalité et d’individualisation des peines.
Le Conseil constitutionnel a estimé que les dispositions mises en cause méconnaissaient le principe d’individualisation des peines.
En substance, il a rappelé que, conformément aux dispositions de l’article 8 de la DDHC, « la loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires ». Le Conseil des Sages a ensuite précisé que ces principes s’appliquaient à toute sanction ayant le caractère d’une punition et donc notamment aux sanctions administratives. En conséquence, il a jugé qu’une sanction administrative ne pouvait s’appliquer que si l’administration l’avait effectivement prononcée en tenant compte des circonstances propres à chaque espèce.
Appliquant ces principes, le Conseil constitutionnel a jugé que la mesure prévue par l’article L124-20-3° du CGFP constituait une sanction ayant le caractère d’une punition, et qu’elle s’appliquait automatiquement, méconnaissant le principe d’individualisation des peines.
Ces dispositions ont ainsi été déclarées contraires à la Constitution.

Les conséquences de la décision du Conseil constitutionnel.

Comme le lui permettent les dispositions de l’article 62 de la Constitution, le Conseil constitutionnel a écarté l’abrogation immédiate des dispositions de l’article L124-20-3° du CGFP, considérant qu’elle aurait pour effet de supprimer toute possibilité de sanctionner les manquements au contrôle de la HATVP par l’interdiction de recrutement de l’agent intéressé.
Il a en conséquence reporté l’abrogation de ces dispositions au 31 janvier 2026, tout en précisant que, jusqu’à l’adoption d’une nouvelle loi, ou, à défaut, jusqu’au 31 janvier 2026, l’administration pouvait choisir d’écarter la sanction interdisant le recrutement de l’agent, ou d’en moduler la durée, pour tenir compte des circonstances propres à chaque espèce.
Les conditions de mise en œuvre des dispositions déclarées inconstitutionnelles sur la période transitoire courant jusqu’à leur abrogation permettront notamment à l’administration d’écarter la sanction dans les situations dans lesquelles la HATVP n’avait pas été consultée à l’occasion du départ de l’agent dans le secteur privé, lorsque les activités privées qu’il souhaitait exercer et qu’il a, de fait, exercées, n’étaient manifestement pas incompatibles avec ses fonctions publiques.

Jennifer Riffard
Avocate associée au barreau de Lyon
Adaltys Avocats

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