Descriptivité de la marque cannabis, par Manuel Roche, Juriste

Manuel ROCHE
Conseil en propriété industrielle - Marques & Modèles
INSCRIPTA
http://www.inscripta.fr

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Explorer : # descriptivité # marque de l'union européenne # produits alimentaires # jurisprudence européenne

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Le Tribunal de Première Instance des Communautés Européennes (TPICE) vient de confirmer en appel la décision d’annulation de la marque communautaire CANNABIS près de dix ans après son enregistrement en relation avec des boissons alcoolisées (TPICE, T-234/06, 19 nov. 2009).

Alors que la marque communautaire portant sur le signe verbal CANNABIS avait été enregistrée en avril 2003 pour désigner des "bières" (classe 32), des "vins, spiritueux, liqueurs, mousseux, vins mousseux, champagne" (classe 33) et des "services de restauration, restaurants, restaurants libre-service, bars à bières, glaciers, pizzerias" (anciennement classe 42, devenue classe 43), un tiers intéressé en avait demandé la nullité partielle quelques mois plus tard estimant que cette marque aurait dû être refusée à l’enregistrement comme étant descriptive, contraire à l’ordre public et trompeuse.

La division d’annulation de l’OHMI avait alors prononcé la nullité de la marque en considération de son caractère descriptif au regard des produits relevant des classes 32 et 33, sur le fondement des dispositions de l’article 7, paragraphe 1, sous c) du Règlement sur la marque communautaire (RMC) N°40/94 CE (devenu N°207/2009 CE). Cette décision avait été confirmée par la chambre de recours saisie de l’appel.

Dans sa décision du 19 novembre 2009, le TPICE décida de confirmer les décisions antérieures au terme d’une analyse détaillée, estimant que "le signe CANNABIS fait référence à la plante de cannabis, bien connue du public du fait de sa médiatisation, qui est présente dans le processus de fabrication de certains aliments et certaines boissons" et que "le consommateur moyen établira donc immédiatement et sans aucune réflexion un lien entre le signe en question et les caractéristiques des produits pour lesquels la marque a été enregistrée, ce qui rend ledit signe descriptif."

En effet, il ressortait des nombreux documents soumis à l’appréciation du tribunal que le cannabis (ou chanvre) est "utilisé dans le domaine alimentaire sous différentes formes (huiles, tisanes) et dans différentes préparations (thés, pâtes alimentaires, produits de boulangerie et de biscuiterie, boissons avec ou sans alcool, etc.)", les juges ne manquant d’ailleurs pas de préciser (est-ce pour rassurer le lecteur ?) que "les analyses toxicologiques pratiquées sur ces produits indiquent […] qu’ils n’ont pas d’effets psychotropes".

Toujours est-il que le cannabis étant ne serait-ce que susceptible d’entrer dans la composition de boissons alcoolisées, notamment en tant qu’arôme, ce terme était par essence descriptif d’une caractéristique que le public pouvait légitimement attendre des produits revêtus de la marque.

Curieusement, le tribunal ne s’étendit pas sur le caractère contraire ou non à l’ordre public du signe contesté, question qui lui était pourtant expressément posée, et alors qu’il relève néanmoins dès le préambule de son appréciation que le second sens du terme cannabis correspond à "une substance stupéfiante interdite dans un grand nombre d’États membres".

Doit-on y voir la volonté du tribunal de ne pas entrer dans un débat qui ne fait pas l’unanimité au sein des membres de la Communauté ? Peut-être, mais les juristes répondront que la marque étant déclarée nulle pour descriptivité (en vertu des dispositions de l’article 7, paragraphe 1, sous c) du RMC), le tribunal aura procédé par économie de moyen en n’examinant pas le cas au regard des dispositions subséquentes invoquées (relevant de l’article 7, paragraphe 1, sous f) de ce même RMC).

Manuel ROCHE

Juriste Propriété intellectuelle

Cabinet WAGRET

www.wagret.com

ENGLISH VERSION BELOW

DESCRIPTIVENESS OF THE MARK CANNABIS

The Court of First Instance of the European Communities (CFI) has recently confirmed on appeal the decision to cancel the Community trademark CANNABIS nearly ten years after it was registered in connection with alcoholic beverages in Int. classes 32 and 33 (TPICE, T-234/06, Nov. 19, 2009).

In April 2003, the Community trademark CANNABIS (word mark) was registered to designate "beers" (in class 32), "wines, spirits, liqueurs, sparkling beverages, sparkling wine, champagne" (in class 33) and "providing of food and drink, restaurants, self-service restaurants, public houses, ice cream parlours, pizzerias" (formerly in class 42, now in class 43). A few months later, a third party filed an application for a declaration that the trademark was partially invalid because of its descriptiveness, it was contrary to public policy and because of its deceptive nature.

The Cancellation Division of OHIM declared the registration of the mark was invalid in consideration of its descriptive character as regards the goods in classes 32 and 33 pursuant to Article 7(1)(c) of Regulation No. 40/94 (now No. 207/2009). This decision was upheld by the Second Board of Appeal.

In its decision of November 19, 2009, the CFI decided to confirm these decisions arguing that "the sign CANNABIS refers to the cannabis plant, which is well known to the public as a result of media coverage and is used in the manufacturing processes of certain foodstuffs and beverages" and that "the average consumer will therefore immediately and without further thought make a connection between the sign in question and the characteristics of the goods in respect of which the mark has been registered, all of which renders the sign descriptive."

As a matter of fact, it was demonstrated from numerous documents submitted to the Court that cannabis (or hemp) is "is used in the food sector in different forms (oils, herbal teas) and in different preparations (teas, pasta, bakery and biscuits, alcoholic or non-alcoholic beverages, etc.)". The judges however did not fail to mention that "the toxicological analyses carried out on those goods show that […] they have no psychotropic effects”. No doubt the readers will be relieved (?).

Considering cannabis may be used as flavouring for alcoholic beverages, this term is necessarily descriptive of a characteristic that the public could legitimately expect from the products bearing the trademark. The decision was consequently duly substantiated.

But curiously, the Court did not discuss if the sign was contrary to public policy, although the point was specifically raised, and the Court itself mentioned in the preamble of its findings that the second meaning of term cannabis is "a narcotic which is prohibited in a great number of Member States".

Does this mean the Court does not want to debate a question that is far from bringing unanimous answers among members of the Community ? It may be so, but lawyers could always respond that the Court did not have to consider the case in light of provisions under Article 7(1)(f) when the trademark was declared invalid for its descriptiveness which falls under the provisions of Article 7(1)(c).

Manuel ROCHE

IP Lawyer

Cabinet WAGRET

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Manuel ROCHE
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