Les assemblées générales de copropriétaires et surtout les décisions qui y sont prises, font souvent l’objet d’âpres discussions et la minorité tente souvent de faire obstacle à l’application des délibérations qui ne lui conviennent pas.
Aussi y a-t-il un contentieux relativement abondant en matière de contestations de décisions d’assemblées générales de copropriété.
La contestation des décisions des assemblées générales est réglementée par l’article 42 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1965.
Cet article dispose que "les actions qui ont pour objet de contester les décisions des assemblées générales doivent, à peine de déchéance, être introduites par les copropriétaires opposants ou défaillants, dans un délai de deux mois à compter de la notification desdites décisions qui leur est faite à la diligence du syndic, dans un délai de deux mois à compter de la tenue de l’assemblée générale".
Il apparait de ce texte que le délai de forclusion de l’action est très court et que d’autre part, seule une certaine catégorie de copropriétaires puisse agir en justice contre une telle délibération.
Une action enfermée dans des délais très courts
L’article 42 de la loi du 10 juillet 1965 fixe un délai pour agir de 2 mois, ce qui est un délai particulièrement court.
Le point de départ du délai est très clair également. Il s’agit de la date de la notification des décisions, notification qui relève du syndic qui lui-même a un délai de 2 mois à compter de la tenue de l’assemblée générale pour notifier ces décisions.
Le délai est un délai préfix : la déchéance instituée par l’article 42, alinéa 2, de la loi du 10 juillet 1965 est absolue et la contestation tardive d’une décision de l’assemblée générale des copropriétaires n’est pas recevable même par voie d’exception. [1]
Mais qu’en est-il du point de départ de ce délai lorsqu’un des copropriétaires n’a pas été convoqué.
Même fondées sur une absence de convocation ou sur une convocation irrégulière, les actions ayant pour objet de contester les décisions des assemblées doivent être introduites par les copropriétaires opposants ou défaillants dans un délai de deux mois. [2]
Ce faisant, la Haute Cour a procédé à un revirement de jurisprudence ; puisque auparavant la Cour de cassation retenait que l’action tendant à voir sanctionner le défaut de convocation d’un copropriétaire à une assemblée générale entrait dans le cadre du délai de prescription décennale prévu à l’article 42, alinéa 1er, applicable aux actions personnelles nées de l’application de la loi du 10 juillet 1965 entre un copropriétaire et le syndicat. [3]
De même, précédemment, en cas de convocation irrégulière, la Cour de cassation avait jugé que, à défaut du respect du délai de quinze jours entre la présentation de la convocation à l’assemblée générale et sa tenue, le copropriétaire disposait d’un délai de dix ans pour solliciter l’annulation de l’assemblée générale en entier, sans avoir à faire état d’un grief. [4]
Or, suite au revirement de jurisprudence de 2006, passé le délai de deux mois, les copropriétaires opposants ou défaillants, même non convoqués ou irrégulièrement convoqués, sont forclos dans leur action en contestation. [5]
Ce délai de forclusion demeure applicable même si l’irrégularité est découverte postérieurement à l’expiration du délai pour agir. Tel est le sens de la solution dégagée par la Cour de cassation dans un arrêt du 19 décembre 2007 [6]. Dans cette affaire, les époux M., propriétaires d’un lot de copropriété, ont, par acte du 25 octobre 2002, assigné un syndicat de copropriétaires en nullité de l’assemblée générale du 29 juin 1999, dont le procès-verbal leur avait été notifié le 28 juillet 1999. La Haute juridiction indique que les irrégularités invoquées par les requérants (présence à cette assemblée de personnes n’ayant pas la qualité de copropriétaires) ne rendaient pas l’assemblée générale ou les décisions qu’elle avait prises inexistantes mais annulables. Cependant, le délai de forclusion de deux mois, édicté par l’article 42, alinéa 2, de la loi du 10 juillet 1965 s’appliquait en l’espèce aux actions des requérants. De plus, cette règle demeure applicable si l’irrégularité est découverte postérieurement à l’expiration du délai pour agir, comme le soutiennent les époux M.. Ils étaient donc forclos dès lors que le procès-verbal de l’assemblée générale leur avait était notifié le 28 juillet 1999, et qu’ils avaient assigné le syndicat des copropriétaires le 25 octobre 2002. Le pourvoi est donc rejeté.
Cette position est éminemment critiquable, dès lors que cela signifie qu’il suffirait d’omettre de convoquer un opposant à un projet pour que quelques mois plus tard ledit projet soit avalisé par les autres copropriétaires et que le copropriétaire lésé soit forclos.
Réservée aux copropriétaires défaillants ou opposants
Être copropriétaire
L’article 42 de la loi du 10 juillet 1965 réserve l’action en contestation d’une délibération aux copropriétaires défaillants ou opposants.
Il convient donc pour pouvoir contester une telle délibération, de quelque que manière que ce soit, d’avoir en tout premier la qualité de copropriétaire.
Aussi la Haute Cour a-t-elle décidé qu’est irrecevable la demande d’annulation de l’assemblée générale présentée par le syndicat des copropriétaires. [7]
Le même raisonnement amène également à juger irrecevables les demandes du syndicat secondaire ; seuls les copropriétaires membres du syndicat secondaire et du syndicat principal ont qualité pour contester les résolutions des assemblées générales du syndicat principal. [8]
De même, l’ancien syndic de copropriété évincé est dépourvu de qualité à agir en contestation des décisions prises par l’assemblée générale. [9]
En l’espèce, la société A, ancien syndic de copropriété d’un immeuble, a été condamnée sous astreinte à remettre des dossiers comptables à la société B, nouveau syndic. La société A ne s’étant pas exécutée, la société B a saisi le juge des référés en liquidation de l’astreinte et en fixation d’une nouvelle astreinte. L’appelante soutenait l’inexistence de l’assemblée générale des copropriétaires, qui s’est tenue le 11 juillet 2005 et, par conséquent, de l’irrégularité de sa révocation, de l’absence de qualité du nouveau syndic de la société B et de la nullité des actes accomplis par cette dernière, de l’inexistence ou, subsidiairement, de la nullité de l’assemblée générale du 13 juin 2006 ayant autorisé la présente action et de l’assignation, du fait de l’absence de représentation légale du syndicat. Elle sollicite, en outre, la désignation d’un administrateur provisoire et des dommages-intérêts pour rupture abusive de son mandat. Mais, pour la cour d’appel de Paris, aucune disposition n’ouvrant droit au syndic évincé d’agir en nullité de l’assemblée générale des copropriétaires ayant voté sa révocation et désigné son successeur, il peut seulement agir en réparation du préjudice qui résulterait pour lui de l’irrégularité et du caractère injustifié de la décision le concernant. Il ressort, en effet, des dispositions de l’article 42, alinéa 2, de la loi du 10 juillet 1965 que seuls les "copropriétaires opposants ou défaillants" ont qualité pour agir en contestation des décisions prises par les assemblées générales. Dans ces conditions, la cour d’appel déclare la société A irrecevable en ses exceptions de nullité, fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité à agir de la société B et demande en désignation d’un administrateur provisoire de la copropriété. Par ailleurs, elle confirme la liquidation de l’astreinte et le prononcé d’une nouvelle. [10]
La Haute Cour a précisé que la qualité de copropriétaire s’apprécie au moment de la tenue de l’assemblée générale qui fait l’objet de la contestation ; aussi, en cas de vente d’un lot, les copropriétaires peuvent contester la décision d’une assemblée qui s’est tenu antérieurement à cette vente. [11]
Il en résulte bien entendu que le copropriétaire qui vient de vendre son lot, ne peut bien entendu plus contester les délibérations des assemblées de copropriétaire, même s’ils étaient opposants ou défaillants, y compris s’ils sont encore dans les délais, du fait qu’ils n’ont plus la qualité de copropriétaires, qui est une conditions posées par l’article 42 pour pouvoir contester les délibérations.
Néanmoins la qualité de copropriétaire ne suffit pas pour pouvoir contester en justice les délibérations d’une assemblée générale de copropriété.
Il faut que les demandeurs aient la qualité de copropriétaires défaillants ou opposants.
Être copropriétaire défaillant ou opposant
N’étant ni opposant, ni défaillant, un copropriétaire n’est pas recevable, en application des dispositions de l’article 42, alinéa 2, de la loi du 10 juillet 1965, à contester une décision de l’assemblée générale. [12]
Lorsque le procès-verbal ne fournit aucune indication sur les conditions du vote et sur ses résultats, et ne permet pas d’identifier les copropriétaires opposants ou défaillants, tout copropriétaire est recevable à contester la décision adoptée. [13]
Par contre, la qualification de copropriétaire opposant ne peut être reconnue au copropriétaire qui s’est abstenu lors du vote de la résolution querellée.
[14]
Le juge qui constate l’abstention d’un copropriétaire n’a pas à interpréter celle-ci pour rechercher si elle peut être ou non assimilable à une opposition. [15]
A la qualité de copropriétaire opposant, le copropriétaire ayant voté contre la délibération litigieuse ; il n’est pas exigé que le copropriétaire ait formulé des réserves sur la régularité de la délibération lors de sa participation au vote. [16]
Inversement, l’émission de réserves par le copropriétaire qui vote "pour" une résolution ne modifie pas la nature de son vote qui reste "pour" et qui lui ferme la voie de l’action en contestation de la délibération. [17]
Toutefois, lorsque le copropriétaire représenté a émis par LR des réserves sur la validité de l’assemblée, renouvelées dans le pouvoir remis au secrétaire de séance, si le mandataire s’est abstenu au vote, il peut être considéré comme opposant. [18]
Par cet arrêt, la Cour de cassation revient sur la recevabilité d’une demande en annulation d’assemblées générales de copropriétaires [19]. En l’espèce, les époux M. ont assigné le syndicat des copropriétaires de la résidence Beauséjour et la société Croce immobilier, syndic de copropriété en liquidation amiable, en annulation des assemblées générales des copropriétaires des 21 novembre 2003 et 27 février 2004, et de certaines décisions adoptées au cours de ces assemblées. La cour d’appel les a déboutés de leur demande concernant l’assemblée de 2004. La Cour de cassation approuve les juges du fond d’avoir relevé que la convocation à l’assemblée générale avait été faite régulièrement et qu’aucun texte n’interdit au syndic de compléter l’ordre du jour initial par une nouvelle notification adressée aux copropriétaires dans le délai prévu par le décret du 17 mars 1967), et d’en avoir exactement déduit que l’ordre du jour complémentaire était valable. En revanche, pour déclarer les époux M. irrecevables en leur action relative à l’annulation de l’assemblée générale de 2003, la cour d’appel retient qu’ils étaient représentés par un mandataire lors de celle-ci et que le premier juge avait retenu à bon droit qu’ils n’étaient pas défaillants. La Haute juridiction, au visa de l’article 42, alinéa 2, de la loi du 10 juillet 1965), va censurer, sur ce point, les juges : la cour aurait dû rechercher "si le copropriétaire représenté à l’assemblée générale qui avait émis par lettre recommandée des réserves sur la validité de cette assemblée, qui les avait renouvelées dans le pouvoir remis au secrétaire de séance et dont le mandataire s’était abstenu de prendre part aux votes pouvait être considéré comme opposant"
En conclusions, il convient de rappeler que les décisions des assemblées de copropriétaires sont immédiatement exécutoires et ceci même si un recours est en cours.
Toutefois, sauf en cas d’urgence, l’exécution par le syndic des travaux décidés par l’assemblée générale en application des articles 25 et 26 est suspendue jusqu’à l’expiration du délai de deux mois prévu à l’article 42, alinéa 1er.
Aussi le syndic qui serait amené à engager lesdits travaux sans avoir attendu la fin du délai de 2 mois, pourrait engager sa responsabilité si ces délibérations devaient être annulées.