Un décret n° 2024-1062 du 25 novembre 2024 relatif à la procédure alternative aux poursuites disciplinaires applicable aux personnes détenues majeures et modifiant le Code pénitentiaire a été publié au Journal Officiel du mercredi 27 novembre 2024.
Ce texte de 7 articles est ventilé à travers deux nouveaux chapitres créés dans le Code pénitentiaire :
- Chapitre Iᵉʳ : dispositions relatives à la procédure alternative aux poursuites disciplinaires (Articles 1 à 2).
- Chapitre II : dispositions diverses et finales (Articles 3 à 7).
Ce décret introduit aux articles R232-7 à R232-13 du Code pénitentiaire la procédure alternative aux poursuites disciplinaires, prévue à l’article L231-4 du Code pénitentiaire.
Pour rappel, cet article L231-4 du code pénitentiaire créé par l’article 43 de la loi n° 2023-1059 du 20 novembre 2023 d’orientation et de programmation du ministère de la Justice 2023-2027 dispose ;
« Sous réserve du consentement de la personne détenue à la mesure proposée et dans des conditions déterminées par décret en Conseil d’État, certains manquements au règlement intérieur mentionné à l’article L112-4, au présent code, au Code de procédure pénale ou aux instructions de service peuvent donner lieu à la mise en œuvre d’une procédure alternative aux poursuites disciplinaires. »
Le décret du 25 novembre 2024 vient donc poser les conditions de la mise en œuvre de cette forme de reconnaissance préalable de culpabilité appliqué aux détenus.
Cette procédure alternative repose ainsi sur la reconnaissance des faits par la personne détenue et son consentement à la mesure proposée.
Nous ferons une présentation de ce nouveau dispositif alternatif aux poursuites pénitentiaires en abordant cinq points : la détermination des fautes disciplinaires applicables (I), les peines de réparation pouvant être infligées (II), les modalités de mise en œuvre de la CRPC pénitentiaire (III), les informations devant être communiquées aux autorités judiciaires (IV) et l’exclusion de la CRPC pénitentiaire pour une catégorie de détenus (V).
I - Sur la détermination des fautes disciplinaires applicables.
Le texte détermine les fautes disciplinaires pouvant faire l’objet de la procédure alternative, les mesures pouvant être prononcées ainsi que la procédure applicable.
Au niveau de la définition de la faute disciplinaire, le nouvel article R232-7 du Code pénitentiaire dispose ainsi que, peut donner lieu à la mise en œuvre d’une procédure alternative aux poursuites disciplinaires, tout comportement d’une personne détenue majeure susceptible de caractériser :
1° Une faute prévue par les dispositions de l’article R232-5 du Code pénitentiaire à l’exception de celles visées au 2°, 5°, 6°, 7°, 12° et 13° et, dans la mesure où elle tend à la commission d’une de ces fautes, celle visée au 16°.
Pour rappel cet article R232-5 du code pénitentiaire dispose :
« Constitue une faute disciplinaire du deuxième degré le fait, pour une personne détenue :
1° De refuser de se soumettre à une mesure de sécurité définie par une disposition législative ou réglementaire, par le règlement intérieur de l’établissement pénitentiaire, défini aux articles L112-4 et R112-22, ou par toute autre instruction de service ou refuser d’obtempérer immédiatement aux injonctions du personnel de l’établissement ;
2° D’obtenir ou de tenter d’obtenir d’un membre du personnel de l’établissement ou d’une personne en mission au sein de l’établissement un avantage quelconque par des offres, des promesses, des dons ou des présents ;
3° De mettre en danger la sécurité d’autrui par une imprudence ou une négligence ;
4° D’imposer à la vue d’autrui des actes obscènes ou susceptibles d’offenser la pudeur ;
5° De formuler des propos outrageants ou des menaces dans les lettres adressées aux autorités administratives et judiciaires ;
6° De formuler dans les lettres adressées à des tiers des menaces, des injures ou des propos outrageants à l’encontre de toute personne ayant mission dans l’établissement ou à l’encontre des autorités administratives et judiciaires, ou de formuler dans ces lettres des menaces contre la sécurité des personnes ou de l’établissement ;
7° De se soustraire à une sanction disciplinaire prononcée à son encontre ;
8° D’enfreindre ou tenter d’enfreindre les dispositions législatives ou règlementaires, le règlement intérieur de l’établissement, défini aux articles L112-4 et R112-22, ou toute autre instruction de service applicables en matière d’introduction, de détention, de circulation, ou de sortie de sommes d’argent, correspondance, objets ou substances quelconques, hors les cas prévus par les dispositions des 10° et 11° de l’article R232-4 ;
9° De causer délibérément un dommage aux locaux ou au matériel affecté à l’établissement, hors le cas prévu par les dispositions du 9° de l’article R232-4 ;
10° De causer délibérément un dommage à la propriété d’autrui ;
11° De commettre ou tenter de commettre un vol ou toute autre atteinte frauduleuse à la propriété d’autrui ;
12° De consommer des produits stupéfiants ;
13° De consommer, sans autorisation médicale, des produits de substitution aux stupéfiants, des psychotropes ou des substances de nature à troubler le comportement ;
14° De se trouver en état d’ébriété ;
15° De provoquer un tapage de nature à troubler l’ordre de l’établissement ;
16° D’inciter une personne détenue à commettre l’un des manquements énumérés au présent article ou de lui prêter assistance à cette fin ».
2° Une faute prévue par les dispositions de l’article R232-6 du code pénitentiaire.
Pour rappel, cet article R232-6 du code pénitentiaire dispose :
« Constitue une faute disciplinaire du troisième degré le fait, pour une personne détenue :
1° De ne pas respecter les dispositions du règlement intérieur de l’établissement pénitentiaire, défini aux articles L112-4 et R112-22, ou les instructions particulières arrêtées par le chef de l’établissement ;
2° D’entraver ou tenter d’entraver les activités de travail, de formation, culturelles, cultuelles ou de loisirs ;
3° De communiquer irrégulièrement avec une personne détenue ou avec toute autre personne extérieure à l’établissement ;
4° De négliger de préserver ou d’entretenir la propreté de sa cellule ou des locaux communs ou de prendre soin des objets mis à disposition par l’administration ;
5° De jeter tout objet ou substance par les fenêtres de l’établissement ;
6° De faire un usage abusif ou nuisible d’objets autorisés par le règlement intérieur ;
7° De pratiquer des jeux interdits par le règlement intérieur ;
8° D’inciter une personne détenue à commettre l’un des manquements énumérés au présent article ou lui prêter assistance à cette fin ».
II - Sur les peines de réparation pouvant être infligées.
Le nouvel article R232-8 du code pénitentiaire traite des réparations. Ainsi, il dispose que peut être prononcée l’une des mesures de réparation suivantes :
1° Le rappel à la règle ;
2° La rédaction d’une lettre d’excuses ;
3° La rédaction d’un écrit portant sur la faute commise et, le cas échéant, sur le dommage qu’elle a occasionné ;
4° La rencontre, en présence d’un tiers assurant la médiation, entre l’auteur et la personne affectée par la faute qui a préalablement consenti à une telle rencontre ;
5° L’accomplissement d’une action de sensibilisation en rapport avec la faute commise ;
6° La privation de la faculté d’effectuer en cantine tout achat autre que celui de produits d’hygiène, du nécessaire de correspondance et de tabac, pendant une période maximum de 8 jours ;
7° La privation de tout appareil acheté ou loué par l’intermédiaire de l’administration pendant une période maximum de 8 jours ;
8° La privation d’une ou plusieurs activités culturelle, sportive ou de loisirs pendant une période maximum de 8 jours ;
9° L’exécution d’une mesure de nettoyage, remise en l’état, ou entretien des cellules ou locaux communs ne pouvant excéder 10 heures.
III - Sur les modalités de mise en œuvre de la CRCP pénitentiaire.
En application du nouvel article R232-9 du code pénitentiaire, c’est le chef de l’établissement pénitentiaire qui apprécie, au vu du rapport prévu à l’article R234-13, l’opportunité de mettre en œuvre la procédure alternative aux poursuites disciplinaires, sous réserve que la personne détenue reconnaisse les faits qui lui sont reprochés.
La condition de reconnaissance des faits est donc indispensable pour la mise en œuvre de cette procédure alternative.
L’article R232-10 du Code pénitentiaire prévoit que la décision du chef de l’établissement pénitentiaire de mettre en œuvre la procédure alternative aux poursuites disciplinaires doit être formalisée dans un écrit qui comporte, outre le consentement exprès de la personne détenue :
- l’indication des faits,
- la mesure de réparation prononcée
- le délai dans lequel celle-ci doit être exécutée.
La personne détenue doit être informée qu’elle dispose d’un délai de 48 heures ouvrables à compter de la décision, pour retirer son consentement.
Si le délai expire un samedi, un dimanche ou un jour férié ou chômé, il est automatiquement prorogé jusqu’au premier jour ouvrable suivant.
Le nouvel article R232-11 du code pénitentiaire aborde la question de l’inexécution de la mesure de réparation par le détenu.
Lorsque la personne détenue n’exécute pas intégralement la mesure de réparation, les faits reprochés peuvent faire l’objet de poursuites disciplinaires en application de l’article R234-14.
En cas de poursuites disciplinaires, le président de la commission de discipline ne peut prononcer de sanction disciplinaire en se fondant sur la reconnaissance des faits, exprimée à l’occasion de la procédure alternative aux poursuites disciplinaires.
Le décret du 25 novembre 2024 transpose dans cette procédure de CRCP pénitentiaire le régime applicable aux CRPC de droit commun.
IV - Sur les informations devant être communiquées aux autorités judiciaires.
En application du nouvel article R232-13 du code pénitentiaire, le juge de l’application des peines doit être informé, lors de la réunion de la commission de l’application des peines, de la bonne exécution par la personne détenue de la mesure de réparation.
De même, le même article prévoit que le cas échéant, le magistrat chargé du dossier de la procédure sous le contrôle duquel la personne détenue est placée doit être informé par le chef de l’établissement pénitentiaire de la bonne exécution de cette mesure.
V - Sur l’exclusion de la CRCP pénitentiaire pour une catégorie de détenus.
Le nouvel article R124-16-1 du code pénitentiaire exclut à très juste titre la procédure alternative aux poursuites disciplinaires aux mineurs détenus.
Le décret procède également à la correction de malfaçons rédactionnelles affectant des dispositions du code pénitentiaire.
Les dispositions du décret du 25 novembre 2024 entrent en vigueur à compter du jeudi 28 novembre 2024.
En application de l’article 6 du décret du 25 novembre 2024, ces nouvelles dispositions sont applicables aux fautes disciplinaires commises par des personnes détenues majeures à compter du 28 novembre 2024 et qui n’ont pas encore donné lieu à l’engagement d’une procédure disciplinaire.
De même, cet article prévoit que les dispositions décrétées sont applicables expressément dans les îles Wallis-et-Futuna, en Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie.