Par une loi du 31 décembre 1987, le législateur introduit une nouvelle infraction : le délit de provocation au suicide. A cette époque, déjà, les critiques avaient été vives. Le garde des Sceaux avait remis en question l’opportunité de ce texte. Il s’était notamment appuyé sur les travaux des psychiatres qui s’accordent à dire que la relation causale entre l’élément qui a motivé le suicide et l’acte lui-même est impossible à saisir.
Aux termes de l’article 223-13 du Code pénal :
« Le fait de provoquer au suicide d’autrui est puni de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende lorsque la provocation a été suivie du suicide ou d’une tentative de suicide. »
La peine est même portée à cinq ans d’emprisonnement et 75 000 euros d’amende si la victime est un mineur de 15 ans.
I. Les éléments constitutifs de la provocation au suicide.
A. Une provocation.
La provocation doit être directe et viser une personne déterminée. Il peut s’agir d’une pression psychologique ou la fourniture de moyens destinés à procurer la mort.
A la différence de l’infraction de non-assistance à personne en danger, il doit s’agir d’un acte positif et non pas seulement d’une simple abstention d’agir.
La provocation suppose une emprise psychologique tellement forte qu’elle pousse autrui à prendre la décision de se donner la mort, décision qu’il n’aurait pas prise seul.
Par exemple, la remise d’un couteau à une personne dont on connaît le comportement suicidaire et déséquilibré, en la défiant de s’en servir, constitue un acte de provocation au sens du code pénal.
B. Un résultat.
S’agissant d’une infraction matérielle, la provocation doit avoir entraîné un résultat, c’est-à-dire un suicide ou une tentative de suicide, le lien de causalité devant être établi.
C. Elément moral : l’intention.
L’acte doit être volontaire et accompli en connaissance de cause – excluant toute imprudence.
Il est parfois difficile à caractériser. En 2006, les enfants d’une scientologue s’étant suicidée avaient porté plainte pour provocation au suicide – dans le but de prouver la responsabilité de l’Eglise de scientologie dans la mort de leur mère. Cependant, un non-lieu avait été prononcé en raison de l’absence d’élément intentionnel.
II. La provocation au suicide par voie de presse.
Selon l’article 223-14 du Code pénal :
« La propagande ou la publicité, quel qu’en soit le mode, en faveur de produits, d’objets ou de méthodes préconisés comme moyens de se donner la mort est punie de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende ».
L’article suivant prévoit un régime dérogatoire en matière de presse écrite ou audiovisuelle conformément au droit de la presse, notamment en matière de responsabilité et au regard de la prescription.
Ce texte complète en quelque sorte l’article 223-13 et édicte pour sa part une infraction au caractère purement formel, indépendante de tout résultat concret quant à un passage à l’acte suicidaire.
Par exemple, le directeur de publication a été condamné pour avoir autorisé la diffusion, dans un supplément du journal, d’un entrefilet consacré à un ouvrage américain - « Exit Final » - présenté comme un « guide du suicide » préconisant environ 20 méthodes d’en finir avec l’existence, parmi lesquelles l’asphyxie et l’overdose. L’entrefilet comportait le sous-titre « Pour une mort dans la dignité ». La Chambre criminelle a fait prévaloir le droit à la vie sur le droit à l’information.
Ce délit a trouvé un regain d’intérêt à l’ère des réseaux sociaux. En effet, il est assez aisé de démontrer l’existence d’une provocation sur un réseau social dès lors que tout y est stocké et conservé. Cette infraction pourrait d’ailleurs être retenue pour les jeux dangereux, comme le Blue Whale Challenge, ou pour des cas de cyber harcèlement.