Le directeur du cabinet du président de la République assure la direction, l’organisation, la coordination et la surveillance de l’ensemble du Cabinet. Il est tout de même l’ordonnateur principal de dépenses du cabinet du président, Il assure la liaison entre le Cabinet et toutes les institutions de la République. Il édicte le Règlement Intérieur du Cabinet et exerce le pouvoir disciplinaire sur tous ses membres. Il statue par voie de Décision.
Au regard de l’ampleur et du degré de l’influence que pourrait revêtir une telle fonction et tenant compte de l’actualité juridique notamment le point de vue développé par certains juristes, qui, par une analogie, affirme que le directeur de cabinet du président de la république serait bénéficiaire de privilège de juridiction – il apparait nécessaire à notre avis de se demander, si réellement ce dernier jouit de privilège de juridiction en l’état actuel du droit congolais.
Tout en écartant délibérément la polémique conceptuelle autour de la notion de rang en droit public congolais, une combinaison de l’exégèse et de l’approche diachronique des textes sur l’organisation et le fonctionnement du cabinet du président de la République permet de conclure que c’est à tort l’affirmation selon laquelle le directeur de cabinet du président de la République aurait rang du vice premier ministre et que par conséquent, il devrait jouir du même privilège de juridiction – concrètement être justiciable devant la Cour de cassation conformément aux dispositions des articles 153 de la constitution et 93 de la loi organique n°13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation, fonctionnement et compétences des juridictions de l’ordre judiciaire. Aucun texte juridique ne l’établi ainsi (I).
Dans l’abstrait, même dans l’occurrence où une ordonnance reconnaissait au directeur de cabinet le rang de Ministre d’Etat ou de Vice premier ministre, cela n’impliquerait pas l’attribution d’un privilège de juridiction. En droit congolais, le constituant reconnaît le législateur comme seule autorité compétente pour attribuer ou soustraire tout individu de son juge naturel (II).
I. De l’absence des textes juridiques reconnaissant le Directeur de cabinet comme ayant rang du vice premier ministre.
En effet, la question de rang du directeur de cabinet du président de la République a été traité successivement par trois ordonnances successives sous la 3è République. Pour la première fois par l’ordonnance n° 08/030 du 31 mars 2008 portant organisation et fonctionnement du cabinet du président de la République. L’alinéa 3 de l’article 4 de cette ordonnance disposait que « le directeur de cabinet a rang de Ministre d’Etat et les Directeurs de cabinet adjoint ont rang de Ministre » .
Le 2è texte est l’ordonnance n° 09/003 du 30 janvier 2009 portant organisation et fonctionnement du cabinet du président de la République. La particularité de ce second texte est de supprimer l’alinéa 3 de l’article 4 de l’ordonnance de 2008 qui définissait le rang du directeur de cabinet du président de la République tout en précisant en son article 22 que « sont abrogées toutes les dispositions antérieures contraires à la présente ordonnance ». Depuis lors, le problème du rang du Dircab du président de la République est né. Ce dernier est resté sans équivalence protocolaire par rapport aux membres du gouvernement.
Suite à l’arrivée au pouvoir de la coalition Cap pour le changement (CACH), le président de la République dans l’ambition de récompenser et de respecter leurs accords de coalition avec son partenaire politique Vital Kamerhe, ce dernier sera nommé directeur de cabinet du président de la République.
Du fait que, la question des équivalences du personnel du cabinet politique du président de la République avec les membres du gouvernement restait pendante depuis l’ordonnance de 2009, le président était senti obligé de prendre une ordonnance clarifiant la situation pour assurer un meilleur traitement à ses assistants. C’est à titre qu’a été signé le 23 novembre 2009, l’ordonnance n°19 -082 portant fixation des rémunérations et autres avantages des membres du cabinet du président de la République.
Il convient d’emblée de relever que, cette ordonnance n’entend pas définir un rang pour le directeur de cabinet, dans le sens que certains pourraient assimiler au privilège de juridiction. Elle est bien claire dans son article 1è « lorsqu’ils sont en activité, les membres du cabinet du président de la République ont les mêmes rémunérations (traitement, indemnités et primes) avantages sociaux divers que ceux des membres du gouvernement central suivant un tableau des équivalences de grade en annexe à l’ordonnance ». Les avantages sociaux concernent notamment l’indemnité de sortie, la sécurité et autres pensions spéciales.
Ainsi, même si l’on assimilait la notion de rang à celle de privilège de juridiction, l’ordonnance de 2019 sur l’organisation du cabinet du président de la République est claire sur son objet et sur la portée des équivalences entre les membres du cabinet du président de la République et les membres du gouvernement, ces équivalences ne sont pas de nature juridictionnelle, elles sont liées aux rémunérations et avantages sociaux.
II. De la compétence en matière d’attribution de privilège de juridiction.
L’ordonnance présidentielle étant dépourvue de la nature législative ne peut pas, sous peine d’irrégularité, accorder un privilège de juridiction a un membre du cabinet du président pour une double raison. La première sus-évoquée relative à l’exclusivité de la compétence législative en matière de privilège de juridiction (A). La seconde est relative aux impératifs de moralisation de la vie politique (B).
A. L’exclusivité des compétences en matière de privilèges de juridiction.
Le constituant congolais a élevé l’égalité de tous devant la loi au rang de principes constitutionnels, à cet effet tous les citoyens ont droit à une égale protection des lois. Il attribue la compétence au seul législateur pour fixer les règles sur la procédure pénale, l’organisation et le fonctionnement du pouvoir judiciaire [1]. Dans la même circonstance, il établit le législateur comme la seule autorité pour attribuer aux citoyens, leur juge naturel. C’est à ce titre que « nul ne peut être ni soustrait ni distrait contre son gré du juge que la loi lui assigne » [2].
Le privilège de juridiction entendu comme mécanisme tendant à extirper un individu de son juge naturel pour lui attribuer un autre juge, est par nature une limitation au principe constitutionnel d’égalité. Cette délocalisation de la compétence personnelle du juge ne peut s’opérer que par les soins du seul législateur.
La notion de privilège de juridiction est un "faux amis". Elle n’est pas à prendre d’un seul revers de la main comme uniquement un bénéfice en termes de prestige. C’est aussi un désavantage et surtout dans l’hypothèse où l’individu est soustrait de son juge naturel pour se voir reconnaitre un juge statuant en premier et en dernier ressort.
B. Les impératifs de moralisation de la vie politique.
Le problème avec le statut du personnel du cabinet politique du président de la République au regard des règles d’organisation, de fonctionnement et des compétences judiciaires est qu’il procède d’aucune habilitation par une norme légale ou constitutionnelle mais du pouvoir d’auto régulation du président de la République.
Du fait qu’il n’existe pas un texte supérieur à l’ordonnance qui encadrerait cette compétence du président de la république sur le choix, la déontologie et la responsabilité des membres du cabinet du président, il serait dangereux dans le cadre d’un Etat de droit de reconnaitre une telle possibilité tendant à choisir implicitement à ses collaborateurs le juge qui lui plairait, même si cela était fait dans l’intérêt de préserver l’autonomie de la fonction présidentielle.
En somme, il apparait clairement au regard de démonstrations sus-relevés qu’en matière pénale, le juge compétent pour connaitre les infractions commises par le directeur de cabinet du président de la république reste le juge de droit commun et par la cour constitutionnelle, lorsqu’il est accusé dans le cadre de participation criminelle, comme coauteur ou complice pour des infractions politiques de haute trahison, d’outrage au Parlement, d’atteinte à l’honneur ou à la probité ainsi que pour les délits d’initié et pour les autres infractions de droit commun commises par le président de la République dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de sa fonction.