Introduction.
On observe que beaucoup de justiciables s’empressent de saisir par voie d’exception la Cour Constitutionnelle au sujet d’une inconstitutionnalité éventuelle d’un acte législatif ou réglementaire ou encore d’un édit provincial de nature à influencer l’issue de leur procès et, en même temps, sollicitent du juge du fond le dépôt de leur cause, la surséance à statuer de celle-ci, se fondant sur le dépôt de leur requête auprès de cette Haute Cour.
Certaines institutions sont dessaisies par les mêmes justiciables ou leurs conseils qui se croient en droit de demander aux chefs de juridictions saisies de requête en inconstitutionnalité de se dessaisir desdits dossiers et les transmettre, pour disposition et compétence, à la Cour Constitutionnelle.
C’est ainsi que les chefs des juridictions placées ainsi sous pression libèrent des dossiers judiciaires dans leur intégralité sous prétexte de faciliter la tâche à ceux qui les réclament.
Il arrive même que pour des motifs purement dilatoires, des justiciables malicieux puissent postuler, à répétition, l’exception d’inconstitutionnalité devant une même juridiction.
C’est pour toutes ces raisons que cet article jette son dévolu pour analyser essentiellement l’exception l’inconstitutionnalité d’une loi, un règlement voir même d’un édit provincial, en droit congolais. Il se pose la question de savoir « Qu’est-ce que l’inconstitutionnalité ? » « Comment et quand saisir le juge constitutionnel ? » ; celles-ci vont nous permettre de répondre à la problématique des pratiques hors la loi qui s’observent à tort ou à raison et leur conformité à la constitution.
I. De l’inconstitutionnalité des lois.
Il est évident que cet incident de procédure peut survenir devant n’importe quelle juridiction : Cours et Tribunaux civils ou militaires, Cour de Cassation, Cour Militaire, Conseil d’Etat, excepté la Cour Constitutionnelle.
Cependant, il y a lieu de relever que l’exception d’inconstitutionnalité en tant qu’incident de procédure est un principe qui faudrait qu’une partie au procès puisse contester une disposition législative lorsque celle-ci porte atteinte à la liberté et droit garantie par la constitution.
C’est ainsi que la Constitution du 18 février 2006 telle que modifiée le 11 janvier 2011 à son article 162 dispose :
« La Cour constitutionnelle est juge de l’exception d’inconstitutionnalité soulevée devant ou par une juridiction.
Toute personne peut saisir la Cour constitutionnelle pour inconstitutionnalité de tout acte législatif ou réglementaire.
Elle peut, en outre, saisir la Cour constitutionnelle, par la procédure de l’exception de l’inconstitutionnalité invoquée dans une affaire qui la concerne devant une juridiction.
Celle-ci sursoit à statuer et saisit, toutes affaires cessantes, la Cour constitutionnelle ».
Il ressort de cette disposition que la Cour Constitutionnelle a seule le monopole de l’inconstitutionnalité des lois. En conférant ce pouvoir à, la seule haute Cour, il faut signaler que les anciennes législations avaient confié cette tâche à la Cour Suprême de Justice faisant office de la Cour Constitutionnelle pour statuer sur cette question tant pour les juridictions de droit commun que celles militaires comme cela est repris notamment par l’article 76 du Code Judiciaire Militaire qui dispose :
« Elles sont incompétentes pour statuer sur la constitutionnalité des lois et des actes ayant force de loi. Les exceptions soulevées à cet effet sont portées devant la Cour Suprême de Justice qui statue, toutes affaires cessantes, en tant que Cour Constitutionnelle.
Les recours pour violation des dispositions constitutionnelles par les juridictions militaires sont portés devant la Cour Suprême de Justice agissant comme Cour Constitutionnelle » [1].
Cette disposition est aussi renforcée par l’article 83 alinéa 1er de la même loi qui dispose que :
« Toutefois, les recours pour violation des dispositions constitutionnelles par la Haute Cour Militaire sont portés devant la Cour Suprême de Justice siégeant comme Cour Constitutionnelle » [2].
De ce qui précède, retenons que ces deux dispositions qui consacrent un contrôle de la constitutionnalité des arrêts et jugements rendus par les juridictions militaires ont été abrogé implicitement et de plano.
Il en résulte que les arrêts et jugements des juridictions de droit commun, des militaires, y compris même ceux de la Haute Cour Militaire, sont tous soumis au contrôle de la Cour Constitutionnelle au nom de l’unicité dans l’ordre judiciaire consacrée par le constituant.
D’où à présent que retenir de l’inconstitutionnalité ?, les éléments ci-après doivent être pris en compte pour comprendre le contour de l’exception d’inconstitutionnalité ; « Qui peut saisir le juge constitutionnel ? » « Quant saisir le juge de l’inconstitutionnalité ? » et enfin « Comment saisir le juge de l’inconstitutionnalité des lois ? ».
I.1. Qui peut saisir le juge de l’inconstitutionnalité des lois ?
L’article 162 précité de la constitution reconnait à toute personne le pouvoir de saisir le juge de l’inconstitutionnalité des lois. Ce même pouvoir, lui est accordé d’évoquer cette exception devant n’importe quelle juridiction excepté la Cour Constitutionnelle.
Par ailleurs, notre système constitutionnel avait été envisagé de manière à lutter contre l’impunité de certains cadres d’une classe sociale bien déterminée en dotant à toute personne le pouvoir de saisir la Haute Cour sur l’exception d’inconstitutionnalité. Ceci devient support supplémentaire de diffusion de la culture démocratique. Car elle introduit des questions relatives aux droits et libertés fondamentaux reconnus à chaque citoyen.
A travers l’exception d’inconstitutionnalité, tout citoyen congolais quel que soit sa vision peut l’invoquer, ce qui est une manière d’élimination de certains facteurs qui pourrait constituer un fléchissement une fois de plus de notre pays de certains prédateurs au pouvoir.
Il est ainsi évident que le contrôle de la constitutionnalité des lois est un travail qui s’opère de deux manières. Il se fait a priori, soit a posteriori.
A priori, le contrôle de l’inconstitutionnalité intervient en amont lors du vote de la loi par les parlementaires avant toute promulgation à intervenir par le président de la république.
Dans le cadre de ce contrôle de la constitutionnalité à priori, la Cour Constitutionnelle peut être uniquement être saisie que par certaines personnes reprises à l’article 139 de la constitution qui sont :
« La Cour constitutionnelle peut être saisie d’un recours visant à faire déclarer une loi à promulguer non conforme à la Constitution par :
1. le Président de la République dans les quinze jours qui suivent la transmission à lui faite de la loi définitivement adoptée ;
2. le Premier ministre dans les quinze jours qui suivent la transmission à lui faite de la loi définitivement adoptée ;
3. le Président de l’Assemblée nationale ou le Président du Sénat dans les quinze jours qui suivent son adoption définitive ;
4. un nombre de députés ou de sénateurs au moins égal au dixième des membres de chacune des Chambres, dans les quinze jours qui suivent son adoption définitive… ».
A ce stade, un citoyen normal ne peut pas saisir la Cour Constitutionnelle. Seules les personnes habilitées citées à l’article 139 de la Constitution ont mandat pour le faire.
A l’issue du contrôle à priori, si la Cour estime que la loi est conforme à la constitution cette loi pourra être promulguée par le président de la République dans le cas contraire, elle ne pourra être promulguée.
A posteriori, le contrôle de la constitutionnalité des lois intervient après la promulgation celles-ci. Il intervient dans un cadre que l’on qualifie d’« exception d’inconstitutionnalité ». Elle est une procédure par laquelle au cours d’un procès un justiciable estime qu’une loi est contraire au droits et libertés protégées par la constitution qu’il va dénoncer devant le juge.
Cependant, il y a lieu de relever que l’exception d’inconstitutionnalité en tant qu’incident de procédure peut être soulevée soit d’office par la juridiction elle-même, soit par toute personne dans une affaire qui la concerne devant une juridiction.
Dans tous ces deux cas, c’est la juridiction de fond qui doit saisir la Cour Constitutionnelle et non directement le justiciable ou le Ministère public sous peine d’irrecevabilité.
Il s’ensuit que lorsque par inadvertance, le justiciable saisit la Cour Constitutionnelle, par voie principale, d’une requête en inconstitutionnalité d’un acte législatif ou règlementaire ou encore d’un édit provincial, la requête ainsi formée par le justiciable est inopérant pour produire, par son dépôt au greffe de la Cour Constitutionnelle, l’effet de la surséance devant le juge du fond.
Par contre, dans l’hypothèse où le justiciable ou le Ministère Public soulevé l’exception d’inconstitutionnalité devant le juge de fond ou encore lorsque celle-ci est soulevée d’office par une juridiction, dans les trois cas invoqués, la juridiction du fond sursoit à statuer et saisit, toutes affaires cessantes, la Cour Constitutionnelle.
I.2. Quand saisir le juge de l’inconstitutionnalité ?
L’article 162 de la constitution n’offre aucune restriction ou un quelconque délai pour saisir le juge de l’inconstitutionnalité des lois.
Cependant, la constitution offre un contrôle double. Celui qui est un contrôle en amont et un autre en aval. Ce mécanisme permet d’introduire des amendements dans le texte de lois qui ne sont pas conforme à la loi fondamentale.
D’où quel que soit le moment de la procédure ou elle est soulevée, pour la simplicité des choses, le juge devant lequel est soulevée cette exception doit sursoir normalement. Ce qui veut réellement signifier que celui-ci s’abstient de continuer à poser des actes d’instruction dans ladite affaire et par cette même occasion saisit la Cour Constitutionnelle pour examen de l’exception soulevée.
I.3. Comment saisir le juge de l’inconstitutionnalité des lois ?
Admettons d’abord que l’exception d’inconstitutionnalité est un moyen, ou encore une exception d’ordre publique. Le législateur congolais a voulu trouvé un juge naturel de l’analyse de cette exception. C’est pourquoi l’article 162 de la constitution dispose bien que le juge du contrôle de la constitutionnalité des lois soit celui de la Cour Constitutionnelle.
C’est ainsi que par sa circulaire N°001 de la 7/03/2017 portant transmission des dossiers à la Cour Constitutionnelle pour examen de l’exception d’inconstitutionnalité après surséance le cabinet du Premier Président de la Cour Suprême de Justice a signifié que :
« S’agissant des exceptions à répétition en cette matière, la Cour Suprême de Justice a, sous R. Const. 310/311 TSR, préconisé que cette exception est à soulever une seule fois devant le juge de fond et in limine litis et à cette occasion la personne qui compte s’en prévaloir indique les dispositions législatives ou règlementaires et les dispositions de la Constitution dont la violation est invoquée pour que la saisine de la Cour Constitutionnelle soit dépouillée de tout dilatoire » (R. Const 310/311 TSR).
De cette lecture, retenons d’abord que c’est pour répliquer à une circonstance exceptionnelle qualifié de « répétition » dans sa correspondance que le Premier Président de la Cour Suprême de Justice à l’époque avait ordonné que l’exception d’inconstitutionnalité soit soulevée « in limine litis ».
Cependant, nul ne peut savoir quelle sera la loi qui sera appliquée la procédure durant. D’où c’est à tort de dire que cette exception doit être soulevé in limine litis, à moins que les justiciable soient magiciens pour savoir toutes les dispositions des lois qui seront utilisées par les magistrats au cours d’un procès.
D’où comment soulever l’exception d’inconstitutionnalité pour notre part, cette procédure doit plutôt suivre le principe latin « Ad nutum ». Cette expression latine signifie à tout moment de la procédure. Autrement dit avant toute clôture de débat au fond du litige. Parce qu’en ce moment précis les parties sont avisées des lois qui ont fait usage durant l’instruction et la plaidoirie.
Analyse.
Sous R. Const 1272, le juge constitutionnel a fixé enfin le cadre organique de l’exception d’inconstitutionnalité, objet jusque-là d’interprétations confuses.
Par cet arrêt, la Haute Cour commence par préciser que la saisine par voie d’exception, elle précise qu’elle n’est réalisable que par voie d’existence d’un arrêt ou jugement avant dire droit ordonnant la surséance et déférant l’exception soulevée devant elle [3].
Il s’agit, dans ce cas précis, du renvoi préjudiciel qui ne se réalise que par une décision judiciaire. Ce qui veut autrement dire qu’une requête produite au débat ne constitue donc pas une exception d’inconstitutionnalité et n’entraine aucune conséquence de droit.
La Cour tranche donc la contradiction née d’une circulaire qui voudrait que le chef de la juridiction la saisisse par requête.
La Cour relevé que s’agissant de la nature juridique de la question prioritaire d’inconstitutionnalité qu’il s’agit d’une exception d’ordre public à soulever non « in limine litis » comme l’a enseigné ressèment une certaine circulaire et jurisprudence, mais à toute hauteur de procédure, dès lors que même une juridiction peut l’invoquer d’office [4].
La Cour dit pour droit que l’exception d’inconstitutionnalité n’existe juridiquement, et le juge ne peut sursoir, que lorsque la partie qui l’invoque précise ou indique les dispositions législatives et règlementaires qui violent la constitution ainsi que la disposition constitutionnelle dont la violation est vantée. En l’absence de cette indication ou lorsque les actes dont l’inconstitutionnalité est invoqués sont des actes de procédure (assignation, citations, ordonnances de fixation d’audience, abréviative de délai de comparution, réquisitions, mandats) ou juridictionnels (décisions judiciaires), l’exception manque en droit et donc sans objet.
Dans ce cas, le juge ne peut sursoir ni renvoyer devant la Cour que lorsqu’il se rend compte que la partie qui soulève cette exception ait un support d’une loi, un règlement ou autres à prouver de l’inconstitutionnalité de celui-ci. Il s’agit donc d’un mécanisme de pré filtrage reconnu au juge de fond. Ceci est un pouvoir reconnu au juge qui reçoit l’exception d’inconstitutionnalité de pouvoir pré-examiner le bien-fondé avant de la renvoyer devant la Haute Cour pour son examen.
Conclusion.
En guise de conclusion, cet article a porté sur l’exception inconstitutionnalité en droit congolais, nous nous sommes interrogées sur la question principale qui est : « Comment comprendre l’inconstitutionnalité en Droit congolais ? »
L’objectif de cette interrogation étant de porter une lumière sur l’épineuse question qui a sombré la communauté des juristes et qui l’a divisé en même temps.
D’une part, il a été observé dans la pratique du prétoire que les justiciables s’empressent à tort ou à raison de saisir par voie d’exception la Cour Constitutionnelle au sujet d’une inconstitutionnalité éventuelle d’un acte législatif ou réglementaire.
D’autre part, la Cour Suprême de Justice a, sous R. Const. 310/311 TSR, préconisé que cette exception est à soulever une seule fois devant le juge de fond et in limine litis et à cette occasion la personne qui compte s’en prévaloir indique les dispositions législatives ou règlementaires et les dispositions de la Constitution dont la violation est invoquée pour que la saisine de la Cour Constitutionnelle soit dépouillée de tout dilatoire.
De ces deux tendances, il est à relever que s’agissant de la nature juridique de la question prioritaire d’inconstitutionnalité, qu’il s’agit d’une exception d’ordre public à soulever non « in limine litis » comme l’a enseigné ressèment une certaine circulaire et jurisprudence, mais à toute hauteur de procédure, dès lors que même une juridiction peut l’invoquer d’office.
Aussi a-t-il a été jugé que l’exception d’inconstitutionnalité n’existe juridiquement et le juge ne peut sursoir que lorsque la partie qui l’invoque précise ou indique les dispositions législatives et règlementaires qui violent la constitution ainsi que la disposition constitutionnelle dont la violation est vantée.
Bibliographie.
Constitution du 18 février 2006 telle que modifiée le 11 janvier 2011.
Circulaire N°001 de la 7/03/2017 portant transmission des dossiers à la Cour Constitutionnelle.
R. Const 1272.
R. Const 310/311 TSR.
Loi n°023/2002 du 18 novembre 2002 portant code judiciaire militaire.