Toute aliénation d’un bien soumis au DPU est subordonnée, à peine de nullité, à une déclaration préalable dite « déclaration d’intention d’aliéner » (DIA). Cette DIA doit être adressée à la mairie de la commune où se trouve situé le bien.
À compter de la date de la réception de la DIA, le titulaire du DPU dispose d’un délai de 2 mois pour prendre et notifier sa décision.
La commune dispose de trois options :
D’une part, elle peut renoncer à acquérir le bien. Dans ce cas, le propriétaire peut vendre son bien au prix indiqué dans la DIA ;
D’autre part, la commune peut accepter le prix mentionné dans la DIA. La DIA valant offre, la décision de préemption entraîne formation de la vente puisqu’il y a accord sur la chose et sur le prix [1] ;
Enfin, la commune peut notifier au propriétaire son offre d’acquérir à un prix différent et, à défaut de l’acceptation de cette offre par le propriétaire, son intention de faire fixer le prix du bien par le juge de l’expropriation. En général, le prix proposé par le titulaire du droit de préemption est nettement inférieur au prix figurant dans la DIA.
C’est cette dernière hypothèse qui sera étudiée dans le présent article. En cas de modification du prix par le titulaire du DPU, le propriétaire pourrait être tenté, par facilité ou par crainte, de céder son bien sans utiliser les outils juridiques à sa disposition pour limiter le manque à gagner généré par une préemption à un prix inférieur.
Pourtant, le propriétaire peut à la fois contester le prix proposé par la commune (I) et le bien-fondé de la décision de préemption (II).
I. La fixation judiciaire du prix par le juge de l’expropriation.
En cas de modification du prix par la commune, le propriétaire dispose à son tour d’un délai de 2 mois pour notifier au titulaire du droit de préemption sa réponse.
Trois options sont à la disposition du propriétaire : accepter le prix proposé par la commune, renoncer à la vente ou maintenir le prix figurant dans la DIA.
En cas de maintien du prix figurant dans l’avant-contrat par le propriétaire, la commune doit saisir le juge de l’expropriation qui sera chargée de fixer le prix d’acquisition.
La saisine du juge de l’expropriation doit être effectuée dans un délai de délai de quinze jours à compter de la réception de la réponse du propriétaire [2], sous peine d’être réputé avoir renoncé à l’exercice de son droit [3].
La commune est tenue de notifier son mémoire au propriétaire, au plus tard à la date de saisine du juge. Cette notification doit reproduire en caractères apparents les dispositions des articles R. 311-11, R. 311-12, du premier alinéa de l’article R. 311-13 et de l’article R. 311-22 du Code de l’expropriation [4].
Selon l’article L. 213-4-1 du Code de l’urbanisme, lorsque la juridiction compétente en matière d’expropriation a été saisie, le titulaire du droit de préemption doit consigner une somme égale à 15 % de l’évaluation faite par le directeur départemental des finances publiques. En effet, l’avis du service des domaines est obligatoire, lorsque le prix de l’immeuble figurant dans la déclaration d’intention d’aliéner ou le prix que le titulaire envisage de proposer excède 75.000 euros [5].
À défaut de notification d’une copie du récépissé de consignation à la juridiction et au propriétaire dans le délai de 3 mois à compter de la saisine de cette juridiction, le titulaire du droit de préemption est réputé avoir renoncé à l’acquisition ou à l’exercice de son droit [6].
Quant au propriétaire, il dispose d’un délai de six semaines à compter de la notification du mémoire du titulaire du droit de préemption pour adresser à ce dernier son mémoire en réponse [7]. A noter que la représentation par avocat devient obligatoire devant le Juge de l’expropriation à compter du 1er janvier 2020 [8].
En vertu de l’article R311-12 du Code de l’expropriation, les mémoires comportent l’exposé des moyens et conclusions des parties indiquant le montant demandé ou offert pour le bien, et les éléments qui ont conduit le titulaire du droit de préemption à proposer telle ou telle valeur. Ainsi, le mémoire du titulaire est entaché de nullité dès lors que cette requête comporte seulement le montant chiffré de l’offre, sans le moindre commentaire ni même une présentation détaillée des calculs [9].
Le mémoire remis au juge de l’expropriation par le propriétaire peut comporter un montant supérieur à celui qui avait été notifié dans la DIA [10].
Le prix est fixé par le juge comme en matière d’expropriation. L’article L213-4 du Code de l’urbanisme prévoit, cependant, certains aménagements concernant la fixation du prix en raison du particularisme de la procédure de préemption.
Ni le code de l’urbanisme, ni le code de l’expropriation auquel il renvoie, ne fixe de méthode pour évaluer un bien préempté. Le plus souvent, la méthode d’évaluation par comparaison est retenue. Il peut être également fait application de la méthode d’évaluation par la récupération foncière.
Il appartient donc au propriétaire d’un bien préempté de produire des « termes de comparaison », c’est-à-dire d’apporter des informations relatives à des cessions récentes à titre onéreux de biens comparables au bien préempté, dans un secteur géographique proche et soumis à des règles d’urbanisme similaires.
Afin d’assurer l’égalité des armes, la Cour de cassation a considéré que le propriétaire dispose du droit de recevoir de l’administration fiscale des éléments d’information sur les valeurs foncières déclarées lors des mutations des cinq dernières années [11].
Par ailleurs, l’administration fiscale rend librement accessibles au public par voie électronique les données portant sur les valeurs foncières déclarées lors des mutations sur les cinq dernières années, via la plateforme Patrim.
Cette procédure, si elle est bien menée, permettra de démontrer que le prix proposé par le titulaire du droit de préemption est inférieur au prix du marché et, plus simplement, d’obtenir un prix supérieur.
Une fois le prix fixé par le juge, le propriétaire et la commune ont deux mois à compter de la décision définitive pour accepter le prix fixé par le juge ou renoncer à l’opération. Leur silence vaut acceptation et transfert de propriété au profit du titulaire du droit de préemption [12].
Au cas où le titulaire du DPU renonce à l’exercice de son droit après la fixation judiciaire du prix, le droit ne peut être exercé à l’égard du même vendeur pendant un délai de 5 ans à compter de la décision juridictionnelle devenue définitive [13].
II. Recours en annulation contre la décision de préemption devant le juge administratif.
La décision de préemption peut également faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir. Le propriétaire d’une bien ayant fait l’objet d’une décision de préemption a bien entendu intérêt à demander l’annulation de la décision [14].
De manière classique, la recevabilité du recours dirigé contre une décision de préemption est subordonnée à son exercice dans un délai de deux mois. S’agissant d’une décision individuelle, le délai de recours contentieux commence à courir à compter de sa notification [15].
Les moyens d’annulation à disposition du propriétaire sont nombreux.
S’agissant de la légalité externe, il conviendra, tout d’abord, de vérifier que l’auteur de la décision de préemption était bien compétent.
En effet, en principe, c’est le conseil municipal qui est titulaire du DPU [16]. Toutefois, il est extrêmement courant que ce droit fasse l’objet d’une délégation au maire ou à un autre organisme : État, une collectivité locale, un établissement public y ayant vocation ou au concessionnaire d’une opération d’aménagement [17].
Ces diverses délégations sont soumises à des règles strictes qui concernent tant leur étendue, que leur précision et leur opposabilité. Le juge n’hésitera pas à censurer pour incompétence des décisions de préemption prises par des autorités n’ayant pas reçu une délégation régulière [18].
Ensuite, le non-respect des délais d’exercice de la décision de préemption peut entrainer son annulation. Pour rappel, à compter de la réception de la DIA, le titulaire du droit de préemption doit prendre sa décision dans un délai de deux mois [19]. Or, les décisions de préemption notifiées au vendeur après l’expiration du délai légal sont considérées par le juge administratif comme illégales [20].
En outre, les décisions de préemptions doivent être motivées. L’obligation de motivation trouve sa source dans l’article L. 210-1 du Code de l’urbanisme, aux termes duquel toute décision de préemption doit mentionner l’objet pour lequel est exercé ce droit. L’auteur de la décision doit donc exposer de manière détaillée les raisons de fait et de droit pour lesquelles elle est prise.
Il s’agit là d’une formalité substantielle dont la méconnaissance entache d’illégalité la décision de préemption [21].
Enfin, la jurisprudence administrative considère que la consultation du service des Domaines constitue une formalité substantielle. Le défaut de consultation de cet organisme est de nature à entacher d’illégalité la décision de préemption [22].
Concernant la légalité interne, le juge vérifie notamment que l’opération pour laquelle l’administration exerce son droit de préemption constitue une action ou une opération d’aménagement au sens de l’article L. 300-1 du Code de l’urbanisme. A défaut, la décision de préemption sera annulée [23].
En outre, le juge administratif exige que la collectivité publique justifie, à la date de la décision de préemption de la réalité du projet en vue duquel ce droit de préemption a été exercé [24].
L’existence du projet en vue duquel la décision de préemption a été prise n’est pas établie lorsque l’auteur de cet acte ne produit aucun élément de nature à démontrer la réalité dudit projet [25].
L’objet du recours en annulation n’est pas de contester le prix proposé par la commune dans la décision de préemption. D’ailleurs, le moyen tiré du caractère insuffisant ou excessif du prix du bien préempté au regard du marché est, par lui-même, sans incidence sur la légalité de la décision de préemption [26].
Il n’en demeure pas moins que cette voie juridictionnelle peut être très intéressante pour le propriétaire.
En cas d’annulation ou de déclaration illégale de la décision de préemption, l’article L. 213-8 du Code de l’urbanisme précise que le propriétaire a pendant un an à compter du jour du jugement devenu définitif la possibilité d’aliéner librement son bien sans être tenu par les prix et conditions qu’il avait mentionnés dans la DIA. La commune ne peut plus exercer son droit sur le bien en cause. Cependant, cette exception n’est valable qu’autant qu’il n’y a pas eu transfert de propriété au bénéficiaire du droit de préemption.
S’il y a eu transfert du droit de propriété, il y a lieu de faire application de l’article L. 213-11-1 du Code de l’urbanisme. La commune doit proposer aux anciens propriétaires l’acquisition du bien en priorité. Le prix proposé vise à rétablir, sans enrichissement injustifié de l’une des parties, les conditions de la transaction à laquelle l’exercice du droit de préemption a fait obstacle.
Enfin, l’illégalité de la décision de préemption peut permettre d’engager la responsabilité du titulaire du droit de préemption [27]. Ce faisant, le propriétaire ayant cédé son bien à la suite d’une préemption irrégulière pourra obtenir indemnisation auprès de la commune d’une part, du manque à gagner et, d’autre part, du préjudice lié à l’impossibilité de disposer du prix de la vente causés par la décision de préemption illégale [28].
Discussions en cours :
Bonjour,
Si le vendeur refuse le prix proposé par la collectivité (titulaire du droit de préemption) et décide de ne plus vendre.
Pendant combien de temps le bien est il gelé ? 1 an ? Y a t’il un texte ou bien une décision .
Merci
Nous avons notifié la commune de notre refus du montant proposé dans leur droit de préemption. Combien de temps a la commune pour nous informer s’ils abandonnent leur droit de préemption ou si la commune adresse une saisine au juge de l’expropriation.
Bonjour , la mairie a deux mois pour faire utiliser son droit de préemption ou non .. mais peut on raccourcir ce délai afin d’accélérer la vente ??dans la mesure bien sûr que le bien n’est pas préempter
L’agglomération dispose de combien de temps pour regler le montant de la préemption après le jugement de la cour d’appel ?
Le recours devant le TA est-il suspensif ?