L’envoi par un directeur web analytics de tweets non professionnels durant son temps de travail n’est pas fautif.

Par Frédéric Chhum, Avocat.

1377 lectures 1re Parution: Modifié: 4.25  /5

Explorer : # usage des réseaux sociaux # vie privée au travail # licenciement # liberté d'expression

C’est ce que vient de juger la cour d’appel de Chambéry dans un arrêt du 25 février 2016 (RG 15/01264).

Sur les réseaux sociaux, chaque salarié devient un « porte-parole » de l’entreprise. En effet, désormais, chaque collaborateur de l’entreprise, peut être un média, via un blog personnel, un compte Facebook, Twitter ou Instagram.
Cette tendance va s’accentuer avec la génération Y qui est hyper connectée et avec le développement du personal branding (développement par une personne de sa marque personnelle via les réseaux sociaux).

S’il s’agit d’une nouvelle opportunité de communication pour l’entreprise, cela représente également un danger.

Les salariés doivent être extrêmement prudents lorsqu’ils utilisent les réseaux sociaux au travail, faute de quoi, ils peuvent s’exposer à une procédure de licenciement.

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1) L’envoi par un directeur web analytics de 1336 tweets non professionnels en 16 mois n’est pas fautif.

Embauché à compter de janvier 2010, un directeur web analytics a été licencié en juillet 2011 pour fautes graves.

Concernant l’usage abusif de Twitter, la société reprochait au salarié « d’utiliser massivement l’outil Twitter à des fins extra-professionnelles. Ainsi, au cours des seize derniers mois, vous avez gravement manqué à votre obligation de loyauté à l’égard de votre employeur en communiquant sous le nom de la société dont vous êtes actionnaire, la SARL X, à de multiples reprises pendant vos heures de travail et à partir du matériel appartenant à la société Y ».

L’entreprise lui reprochait également une insuffisance professionnelle mais aussi une insubordination, sous forme de « sabordage » de l’outil informatique.

La cour d’appel de Chambéry considère que l’usage par le salarié de Twitter au travail n’est pas fautif aux motifs que « quand bien même ce grief serait avéré nonobstant l’absence d’horaire d’envoi des tweets il apparaît, à supposer dans une estimation particulièrement large que chaque envoi ait requis un temps de 1 minute, que l’envoi de l’ensemble des 1336 messages correspond en moyenne à moins de 4 minutes par jour au cours des semaines où monsieur X travaillait 5 jours et moins de 5 minutes par jour si l’on retient les semaines de 4 jours à compter de janvier 2011, et ce en tenant compte des congés du salarié ;

L’envoi également reproché de 90 tweets en 2 mois, correspond à l’envoi de moins de 3 tweets par jours travaillés (4 jours par semaine) soit moins de trois minutes ;

Compte tenu du fait que le salarié n’était soumis à aucun horaire ainsi que le prévoit expressément son contrat de travail, le fait d’avoir le cas échéant, pu consacrer un temps aussi limité à l’envoi de tweets non professionnels, y compris à des horaires communément retenus comme travaillés ce qui n’est pas démontré, alors que le salarié était au demeurant du fait de ses fonctions, connecté à internet de manière quasi continue, ne peut être retenu comme fautif.

Il n’est de la même manière pas justifié de la promotion de la société X pendant les heures de travail et l’envoi de tweets concernant cette activité n’est pas fautif ainsi qu’il a été dit ci-avant ».

En l’espèce, la cour d’appel considère que l’usage de Twitter par le directeur web analytics n’est pas fautif car il n’est pas abusif. Elle relève que le salarié a consacré un temps limité à l’envoi de tweets non professionnels.

Elle ajoute aussi que le salarié était connecté de façon quasi continue à internet du fait de son emploi de directeur web analytics.

Néanmoins, le licenciement du directeur web analytics est considéré comme justifié par une cause réelle et sérieuse, car la cour d’appel a considéré qu’un autre motif de licenciement était avéré (en l’occurrence, le « sabordage » de l’outil informatique).

2) Salariés, cadres : 4 conseils pour tweeter en toute sécurité au travail.

Si les tweets non professionnels relèvent en principe de la protection de la vie privée, qui constitue une liberté fondamentale des salariés, et impose, en principe, à l’employeur de ne prendre aucune sanction à cet égard, il existe, selon nous, deux exceptions : lorsque les propos du salarié causent un trouble manifeste à l’entreprise, et lorsque la correspondance n’est plus privée, car elle est diffusée.

Et c’est le problème de Twitter : il s’agit d’un lieu privé ouvert au public, toutes les informations que vous postez peuvent être lues par n’importe lequel de vos « followers », et diffusées à votre insu.

2.1) Conseil n°1 : Tweets professionnels versus tweets non professionnels.

Bien évidemment, les tweets professionnels sont autorisés si le salarié, par exemple, gère le compte Twitter de sa société. Concernant les tweets personnels, le salarié peut, selon nous, twitter au travail, la limite est l’abus de droit.

Bien évidemment, dans le cadre d’un tweet (professionnel ou non professionnel), le salarié ne pourra pas tenir des propos diffamatoires ou injurieux (cf. §2.4 ci-dessous).

De même, un salarié devra être prudent lorsqu’il « retweete », à titre professionnel, un message. Ce retweet ne doit pas le mettre en porte à faux vis-à-vis de son entreprise.

Par exemple, le responsable (de la communication) du compte Twitter de M6 ne pourrait pas, selon nous, retweeter un message de TF1 qui fait mention de ses bonnes audiences.

2.2) Conseil n°2 : y a-t-il une charte d’utilisation des réseaux sociaux dans votre entreprise ?

Pour se prémunir contre les risques de dérapages de leurs salariés, il est de plus en plus fréquent, pour les entreprises, de mettre en place une « charte d’utilisation des médias sociaux », afin d’encadrer l’usage qu’en font les collaborateurs.

Il s’agit notamment d’indiquer les bonnes pratiques à suivre en externe, lorsque les membres de l’entreprise interviennent sur les réseaux.

Il vous adviendra de vérifier si une telle charte existe dans votre entreprise, et quelles en sont les modalités.

2.3) Conseil n°3 : Éviter les sujets sensibles et ou polémiques.

Si la liberté d’expression est consacrée comme une liberté fondamentale de chaque individu, celle-ci a tout de même des limites.
Ainsi, plusieurs journalistes et animateurs ont-ils été épinglés par leurs employeurs, pour des propos jugés contraires au « devoir de réserve ».

Par exemple, Bernard de la Villardière, animateur de M6, qui présente notamment le magazine « Enquête exclusive », s’est fait rappeler à l’ordre en avril 2012 par la direction de la chaîne pour un message destiné à Nicolas Sarkozy, suite au discours du candidat à la présidentielle place de la Concorde à Paris.

Directement adressé à l’ex-Président, le tweet en question disait : « Que ne l’avez-vous écouté plus tôt, le peuple français, au lieu de cultiver une présidence égocentrique ! ».

Pour éviter ce genre de (mauvaise) surprise, restez sobre dans vos propos.

2.4) Conseil n°4 : Tu ne dénigreras pas !

Ne publiez jamais d’information compromettante et ne tenez jamais de propos injurieux ou diffamatoires sur votre employeur ou votre entreprise sur votre compte Twitter (ou sur celui de vos contacts), sous peine d’être congédié manu militari.

C’est notamment le sort qu’a failli subir un journaliste de France Télévisions, après avoir posté sur Twitter deux messages, auxquels était adjointe la photo des deux grands dirigeants de la société, Thierry Thuillier et Rémy Pfimlin : « Grosse chaleur à France Télévisions, la hiérarchie commence à se consumer ! », puis « Bon les garçons, va falloir dégager ! ».

Heureusement pour lui, la chaîne a renoncé à son action.

Si vous décidez de vous défouler, faites-le dans le cadre de messages privés, où votre prose restera confidentielle. Et ça, c’est sacré, quoiqu’en pense votre patron.

Frédéric Chhum avocat et ancien membre du Conseil de l\’ordre des avocats de Paris (mandat 2019 -2021)
CHHUM AVOCATS (Paris, Nantes, Lille)
chhum chez chhum-avocats.com
www.chhum-avocats.fr
http://twitter.com/#!/fchhum

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