Atteinte à la vie privée du salarié et droit à réparation.

Par Jérémy Duclos, Avocat.

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Explorer : # atteinte à la vie privée # droit du travail # surveillance des salariés # dommages-intérêts

Dans un arrêt rendu le 6 mai 2025 (n° 23-23.294), inédit, la chambre sociale de la Cour de cassation a statué sur la question du droit à réparation résultant de l’atteinte à la vie privée du salarié par la mise en place par l’employeur d’un dispositif de surveillance illicite.

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Une salariée a été engagée en qualité de conseillère spécialisée dans la commercialisation d’or et de matériaux précieux.

Elle a saisi la juridiction prud’homale pour obtenir l’annulation d’un avertissement ainsi que le paiement de diverses sommes au titre du licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, d’un rappel de commissions et de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi pour sanction injustifiée et exécution déloyale du contrat de travail.

Sa demande de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail concernait la mise en place d’un dispositif de surveillance illicite.

Pour débouter la salariée de sa demande de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail, la cour d’appel a relevé que la salariée ne justifiait pas du préjudice que lui aurait causé l’exploitation des systèmes de surveillance, ayant fait l’objet d’une régularisation, même tardive, de la part de l’employeur.

La salariée a formé un pourvoi en cassation au motif que la mise en place d’un dispositif de surveillance illicite porte atteinte au droit au respect à la vie privée du salarié et emporte droit à réparation.

La Cour de cassation devait déterminer si l’atteinte à la vie privée du salarié par la mise en place d’un tel dispositif de surveillance illicite ouvre droit à réparation, même en l’absence de préjudice subi par le salarié.

La Cour de cassation vise l’article 9 du code civil :

« Chacun a droit au respect de sa vie privée.
Les juges peuvent, sans préjudice de la réparation du dommage subi, prescrire toutes mesures, telles que séquestre, saisie et autres, propres à empêcher ou faire cesser une atteinte à l’intimité de la vie privée : ces mesures peuvent, s’il y a urgence, être ordonnées en référé
 ».

Elle a censuré l’arrêt d’appel en considérant que :

« la seule constatation de l’atteinte à la vie privée ouvre droit à réparation ».

La circonstance que la salariée n’ait pas rapporté la preuve de faits liés à l’exploitation de ces systèmes de surveillance ayant porté une atteinte à sa vie privée ou lui ayant causé un préjudice dans le cadre de son activité professionnelle est inopérante à mettre en échec son droit à réparation.

De même, le fait que ces dispositifs étaient prévus au règlement intérieur et qu’ils ont été déclarés, même tardivement, à la CNIL, et ainsi régularisés, ne permet pas plus de remettre en cause le droit à réparation de la salariée.

La solution rendue, dont les termes sont issus de la jurisprudence de la première chambre civile de la Cour de cassation [1], est régulièrement affirmée par la chambre sociale de la Cour de cassation [2].

L’absence de préjudice subi par le salarié qui invoque une atteinte de l’employeur à sa vie privée par la mise en place par l’employeur d’un dispositif de surveillance illicite n’est donc pas de nature à rendre sa demande d’indemnisation injustifiée.

Jérémy Duclos
Avocat au barreau de Versailles
Spécialiste en droit du travail
www.duclos-avocat.com

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Notes de l'article:

[1Cass. Civ. 1ère, 5 novembre 1996, n° 94-14.798 ; Cass. Civ. 1ère, 25 février 1997, n° 95-13.545.

[2Cass. Soc., 12 novembre 2020, n° 19-20.583 ; Cass, Soc., 19 janvier 2022, n° 20-12.420 et n° 20-12.421.

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